Phytothérapie : comment se soigner avec les plantes
La phytothérapie suscite beaucoup d'intérêt : un Français sur deux se soigne ainsi avec des plantes. Dans quels cas sont-elles vraiment efficaces ? Quelles sont les contre-indications et les précautions à prendre ? Liste des plantes médicinales et conseils avec le Dr Éric Lorrain, médecin phytothérapeute.
Définition
La phytothérapie est une branche de la médecine qui repose essentiellement sur l'emploi thérapeutique de plantes dites "médicinales". Consommées sous différentes formes, les plantes traitent ou soulagent différents troubles de la santé. Elles sont utilisées seules ou en complément d'une prise en charge médicale adaptée. La plupart des plantes ne sont pas utilisées en entier, leurs principes actifs étant souvent concentrés dans une seule partie : racines, feuilles, fleurs... Les plantes peuvent être présentées de diverses façons : fraîches ou séchées pour faire des infusions, en gélules, préparation magistrale, en ampoule buvable, etc. Il est conseillé d'avoir recours à la phytothérapie sur avis médical auprès de médecins ou pharmaciens formés à la discipline.
Qu'est-ce que la phytothérapie traditionnelle ?
"La phytothérapie traditionnelle fait le plus souvent référence à l'herboristerie" explique le Dr Éric Lorrain, médecin phytothérapeute. La phytothérapie reposant sur la pratique traditionnelle consistait en l'utilisation de plantes dont les propriétés et vertus thérapeutiques ont été découvertes au fil des siècles, mais qui n'ont pas fait l'objet d'étude clinique permettant d'établir scientifiquement leur efficacité. Par exemple, un recueil datant de 3000 avant J-C a été retrouvé, dans lequel étaient expliqués les bienfaits du thym et de la sauge. Par ailleurs, un ouvrage datant de 1500 avant J-C et comptant plus de 100 pages, listait le mode d'utilisation de plusieurs dizaines de plantes. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a, de son côté, répertorié plus de 22000 plantes médicinales. Il peut s'agir de plantes, mais aussi de champignons, d'arbres… Si la démarche fût d'abord empirique, la recherche et ses outils d'analyse ont su mettre en évidence le mode d'action des plantes, leur efficacité propre ainsi que les précautions à prendre.
Et la phytothérapie moderne ?
La phytothérapie moderne découle de la phytothérapie traditionnelle. Elle repose sur une utilisation scientifique des plantes, inspirée par des méthodes ancestrales. La phytothérapie moderne correspond à une forme clinique et individualisée de la phytothérapie. Elle repose sur des traitements bénéficiant d'une validation scientifique ainsi que d'une démarche clinique proposée par des professionnels de santé formés à cet effet: médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens… "Elle évolue constamment et touche toutes les spécialités médicales" explique le Dr. Lorrain.
Il s'agit d'une médecine de fond, dont les effets se dévoilent sur le long terme. Le diagnostic est établi selon une observation scientifique du patient dans sa globalité, sans se limiter aux seuls symptômes. Le médecin détermine ensuite si le traitement à appliquer est plutôt d'attaque, de charge ou d'entretien. La phytothérapie reposant sur les preuves scientifiques a recourt aux extraits actifs des plantes, qui sont ensuite standardisés et commercialisés en produits finis (phytomédicaments). Ceux-ci peuvent être soumis à une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou bien être distribués sous forme de compléments alimentaires. La plupart du temps, les traitements proposés sont à base d'extraits de plantes fraîches standardisés (EPS), utilisés seuls ou en synergie.
Le procédé des EPS a été mis au point par le pharmacologiste Daniel Jean dans les années 1990. "Ils ont entraîné une petite révolution en phytothérapie, explique le Dr. Lorrain, car ils permettent d'accéder au totum de la plante et d'en retirer ainsi toute leurs ressources." Ils sont également sans sucre et sans alcool. Utilisés dans le cadre d'un traitement de phytothérapie moderne, ils sont soumis à la même réglementation que les médicaments. Au total, il existe 56 EPS qui peuvent être utilisés seuls ou en synergie, en combinant les principes actifs des plantes, selon les besoins du patient, dans une démarche thérapeutique individualisée.
Comment ça marche ?
"La phytothérapie permet d'aller plus loin dans la recherche des facteurs physiopathologiques, c'est-à-dire dans la genèse des différents mécanismes impliqués dans la genèse des troubles" explique le Dr. Lorrain. "Avec les plantes, on a une action sur les mécanismes plus ou moins complexes et d'agir à plusieurs niveaux. Là où le médicament de synthèse est comme une clé agissant sur une seule serrure, poursuit le Dr. Lorrain, la phytothérapie est comme un trousseau de clés qui peut ouvrir plusieurs portes et avoir des actions plus complexes selon que l'on recherche une action symptomatique ou une action sur les mécanismes de la maladie." Ainsi, la phytothérapie permet d'agir aussi bien au niveau de la plainte, c'est-à dire des symptômes, qu'au niveau du terrain. Chaque plante a son propre mode d'action et ses propres propriétés.
Que soigner par la phytothérapie ?
Les troubles les plus courants pris en charge en phytothérapie sont nombreux et dépendent souvent de la saisonnalité : les troubles circulatoires durant l'été (jambes lourdes…), l'immunité à l'automne, les douleurs articulaires (rhumatismes, arthrose) et douleurs musculaires, la fatigue, les troubles du sommeil, l'anxiété, les sautes d'humeur, les troubles de la concentration et de la mémoire, les troubles digestifs : diarrhées, constipation, dyspepsie, ballonnements somnolences après le repas…, les infections virales saisonnières, une convalescence post-infectieuse, le surpoids, la rétention d'eau, les troubles de la périménopause et de la ménopause, le syndrome prémenstruel.
Précautions d'emploi
"Il ne faut pas banaliser la phytothérapie" explique le Dr. Lorrain. Il convient de rappeler que les plantes sont pharmacologiquement actives et qu'elles peuvent dès lors avoir des effets négatifs si elles sont mal utilisées ou trop dosées. Il est préférable de prendre conseil auprès de son médecin ou de son pharmacien. En cas d'automédication, il faut s'en tenir aux précautions d'emploi du fabricant. Il faut également se méfier des achats sur Internet où l'on ne connaît pas bien la traçabilité des produits . "Je conseille toujours d'utiliser la filière pharmaceutique" signale le Dr. Lorrain, "D'abord parce qu'il y a une traçabilité des produits et parce que l'on profite de l'expertise du pharmacien pour le conseil ou l'accompagnement d'une prescription."
• L'aubépine
L'aubépine est traditionnellement utilisée en cas d'anxiété, d'insomnie et de troubles du sommeil, de nervosité, d'irritabilité ainsi que de palpitation cardiaques. L'aubépine peut parfois provoquer des palpitations, tachycardie, maux de tête, vertiges, bouffées de chaleur, troubles gastro-intestinaux. Selon l'agence européenne du médicament (EMA), l'aubépine n'est pas recommandée pour les femmes enceintes (premier trimestre) et les enfants de moins de 12 ans. Il est conseillé aux personnes qui suivent des traitements cardiaques ou plaquettaires de demander un avis à leur médecin.
• La camomille
La camomille est notamment connue pour soulager les troubles digestifs et les douleurs de règles, diminuer l'anxiété, apaiser les irritations et combattre les maux de gorge. Elle est déconseillée aux asthmatiques ayant des allergies au pollen. Par précaution, on déconseille aussi son usage aux femmes enceintes. Il en est de même pour l'association avec l'alcool et les anticoagulants.
• La valériane
La valériane officinale a des vertus sédatives et relaxantes. Elle aide à l'endormissement sans effet d'accoutumance. Elle soulage également les douleurs musculaires, les névralgies et les spasmes, notamment lorsqu'ils sont induits par le stress. Elle peut entraîner de légères nausées ou troubles gastro-intestinaux. Par précaution, son usage est déconseillé à la femme enceinte. Elle ne doit pas être consommée avec l'alcool car elle provoque une somnolence. Elle ne doit pas être consommée en même temps que des traitements anxiolytiques ou hypnotiques. Il existe également des interactions avec les suppléments de fer, les anticoagulants, les analgésiques et opioïdes.
• Le millepertuis
Le millepertuis est indiqué dans la prise en charge des troubles psychosomatiques, des déprimes, des états dépressifs saisonniers, de l'anxiété, de l'agitation nerveuse. Il améliore également la qualité du sommeil et contribue à lutter contre les insomnies. Le millepertuis peut diminuer l'efficacité de certains médicaments comme les anticoagulants (anti vit K), contraceptifs oraux, antidépresseurs, digoxine....
Interactions médicamenteuses
La prise de plantes avec des peut entraîner l'interaction des deux principes actifs et provoquer l'apparition d'effets secondaires, parfois graves. Les principes actifs de certaines plaintes peuvent inhiber, ou au contraire augmenter l'action de différents médicaments : anticoagulants, veinotoniques, progestatifs, antidépresseurs, etc. Il est important de signaler à son médecin/pharmacien tout traitement médicamenteux en cours avant de débuter un traitement phytothérapeutique.
Contre-indications
Les contre-indications des produits phytothérapeutiques dépendent des plantes elles-mêmes ainsi que des formes galéniques. Il s'agit donc de cas par cas et c'est pour cela qu'un conseil médical est important notamment si vous prenez des médicaments, que vous avez des problèmes de santé ou que vous êtes enceinte. "C'est le principe de précaution qui prime, on tiendra toujours compte du rapport bénéfices-risques" explique le Dr Lorrain.
Où trouver un phytothérapeute ?
On peut se renseigner auprès des associations de spécialistes comme l'IESV afin de trouver un médecin ou un professionnel de santé formé à la phytothérapie. Votre pharmacien pourra également vous recommander un spécialiste.
Prix et remboursement des traitements à base de plantes
Les prix des produits de phytothérapie sont libres et fixés soit par le pharmacien pour les préparations magistrales soit par le fabricant. Les produits phytothérapeutiques ne sont plus remboursés par la Sécurité Sociale depuis 1989, ils sont parfois pris en charge par les mutuelles.
Merci au Dr Éric Lorrain, médecin phytothérapeute, directeur de l'IESV et auteur du "Grand Manuel de Phytothérapie" (Dunod, septembre 2019) pour ses précisions.