Cancer ORL (tête et cou) : symptômes, incidence, traitements

Cancer ORL (tête et cou) : symptômes, incidence, traitements

Les cancers de la tête et du cou se forment au niveau de la bouche, de la langue, de la gorge, mais aussi des fosses nasales ou des sinus. On parle aussi de "cancer ORL" ou de "cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS)". Incidence en France, signes d'alerte, traitement : le point avec le Dr Ingrid Breuskin, chirurgien et chef du comité ORL de Gustave Roussy.

Définition : qu'est-ce qu'un cancer ORL ou "tête et du cou" ?

Un cancer de la tête et du cou, aussi appelé cancer des voies aérodigestives supérieures ou cancer ORL, est un cancer qui touche toute la sphère ORL, allant de la base du crâne à la base du cou. Les cancers ORL peuvent concerner :

  • la cavité buccale (la bouche, la langue, les lèvres, la mâchoire...)
  • l'oropharynx (le voile du palais, les amygdales et la base de la langue)
  • le larynx
  • l'hypopharynx
  • le nasopharynx (aussi appelé cavum qui se situe en arrière des fosses nasales)
  • les fosses nasales et les sinus

Les cancers ORL se développent généralement au niveau de la muqueuse, autrement dit de la surface rose qui tapisse la cavité buccale et les voies aérodigestives supérieures. Un cancer développé au départ de la muqueuse est appelé "un carcinome épidermoïde".

  • Approximativement, 90 % des cancers ORL sont des carcinomes épidermoïdes.
  • 10 % des cancers ORL sont des tumeurs rares.
Schéma des voies aérodigestives et des sinus
Schéma des voies aérodigestives et des sinus © stockshoppe - 123RF

Quels sont les types de cancers ORL ?

Incidence en France

Les cancers de la tête et du cou sont trop peu connus du grand public. Pourtant, selon les dernières données de l'Organisation mondiale de la Santé, il s'agit du 5e cancer le plus fréquent en France, derrière le cancer de la prostate (1er), du sein (2e), du poumon (3e) et du côlon (4e). "En 2018, on a comptabilisé environ 20 000 nouveaux cas de cancer ORL en France", précise le Dr Ingrid Breuskin, chef du comité ORL de Gustave Roussy. Ces cancers concernent deux à trois fois plus les hommes que les femmes et particulièrement les fumeurs.

A quel âge ?

Les cancers ORL apparaissent généralement aux alentours de 50-60 ans mais ils peuvent survenir avant, vers 30-40 ans, notamment quand ils sont liés au papillomavirus humains (HPV).

Quels sont les signes d'alerte ?

Les cancers ORL sont symptomatiques, mais les symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent s'apparenter à un rhume ou à une angine, comme par exemple : 

  • la voix enrouée
  • la perte de voix
  • des ganglions dans le cou
  • des douleurs à l'oreille
  • des maux de gorge
  • des douleurs ou des difficultés lors de la déglutition (dysphagie)
  • la présence de lésions qui ressemblent à des aphtes sur la muqueuse de la cavité buccale
  • un nez bouché
  • des saignements de nez à répétition

"Tous ces signes ne sont évidemment pas des symptômes spécifiques d'un cancer ORL. En revanche, on part du principe que si ces symptômes persistent pendant plus de 3 semaines, il faut consulter un médecin", insiste le Dr Breuskin.  

Quand et qui consulter ?

C'est la durée des symptômes qui doit amener à consulter son médecin généraliste. Ce dernier pourra orienter vers un spécialiste ORL un patient qui présente l'un des symptômes listés ci-dessus pendant plus de trois semaines. 

Quels sont les causes et facteurs de risque ?

Les carcinomes épidermoïdes sont très majoritairement liés au tabac et à l'alcool : les fumeurs présentent plus de risque que les non-fumeurs et les personnes qui ont une consommation excessive d'alcool ont plus de risque de développer un cancer ORL"La consommation de tabac associée à la consommation d'alcool ont un effet synergique, c'est-à-dire qu'une double intoxication, tabagique et éthylique, multiplie les risques de cancer de la tête ou du cou", tient à préciser la spécialiste. Depuis plus d'une dizaine d'années, on parle beaucoup des cancers de l'oropharynx liés au papillomavirus humain (HPV) et ceux-ci peuvent survenir chez des patients sans intoxication. Lorsque le cancer survient, il n'y a plus d'infection par le virus. "L'infection par HPV est fréquente dans la population générale, mais très peu de personnes vont développer un cancer", tient à rassurer le Dr Breuskin.

"Par ailleurs, les maladies, comme le lichen plan buccal qui atteint la peau et les muqueuses, peuvent sur le long terme, dégénérer et évoluer en cancer ORL. Ces maladies inflammatoires nécessitent une surveillance régulière pour détecter un éventuel cancer et envisager, le cas échéant, une prise en charge précoce et adaptée", souligne notre interlocutrice. On ne connait pas toujours les causes des tumeurs rares. Certaines, comme chez les travailleurs du bois, sont liées à une exposition prolongée aux tanins du bois

Quels examens faire pour poser le diagnostic ?

De nombreuses lésions (localisées sur la cavité buccale ou sur les amygdales par exemple) sont visibles lors de l'examen clinique. Puis, il faut généralement réaliser une nasofibroscopie qui consiste à introduire un petit endoscope dans les voies naturelles pour explorer l'ensemble des fosses nasales, du pharynx et du larynx et identifier d'éventuelles lésions cancéreuses. Ensuite, on effectue un bilan d'imagerie qui comporte en général un scanner de la tête et du cou (avec injection d'un produit de contraste) et des poumons, une IRM de la tête et du cou et un PET-scan. "En complément, on réalise un examen par voie endoscopique (sous anesthésie générale) lors duquel on va examiner toutes les localisations des voies aérodigestives supérieures ainsi que l'œsophage. Cela va permettre de faire une cartographie des lésions et de réaliser des biopsies qui vont permettre d'établir le diagnostic de manière extrêmement fiable", indique le Dr Breuskin. Le cancer ORL étant majoritairement associé à la consommation de tabac et d'alcool, examiner l'œsophage permet de détecter la présence d'un éventuel cancer synchrone. La réalisation de tous ces examens permet ainsi de faire un diagnostic, de définir la classification du cancer selon la nomenclature TNM (stadification du cancer en fonction de sa taille, de l'envahissement ganglionnaire et éventuellement métastatique) et d'envisager une prise en charge adaptée. 

Traitement : peut-on soigner un cancer ORL ?

Le traitement d'un cancer ORL repose en général sur l'association de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

Les traitements chirurgicaux consistent à enlever la tumeur et les ganglions. En général, il s'agit de chirurgies dites "en technique ouverte", mais de plus en plus de techniques mini-invasives sont développées telles que la chirurgie par voie endoscopique au niveau des fosses nasales et des sinus, la chirurgie robot et la chirurgie au laser pour les lésions laryngées. A noter que pour les lésions avancées, une reconstruction est très souvent nécessaire et réalisée dans le même temps que la chirurgie d'exérèse de la lésion.

La radiothérapie permet aussi de traiter les cancers ORL. Elle peut parfois être associée à la chimiothérapie pour potentialiser les effets de la radiothérapie.

→ Si le cancer est à un stade débutant (lorsqu'il s'agit d'une petite tumeur de moins de 4 cm environ), on préférera un traitement unimodal : soit la chirurgie exclusive, soit la radiothérapie associée éventuellement à de la chimiothérapie

→ Si le cancer est localement avancé (lorsqu'il s'agit d'une grosse tumeur de plus de 4 cm ou avec envahissement ganglionnaire), on se dirigera vers un traitement multimodal qui associe chirurgie, puis radiothérapie post-opératoire (avec éventuellement de la chimiothérapie). Parfois, une chimiothérapie première peut aussi être proposée.

Si le cancer est récidivant ou métastasique, on s'orientera vers la chimiothérapie d'emblée dont l'objectif sera de faire régresser la maladie et de diminuer les symptômes. .

Actuellement, l'immunothérapie, est également utilisée dans l'arsenal thérapeutique contre ces cancers. Soit pour les cancers récidivants et/ou métastatiques, soit en combinaison avec la radiothérapie dans le cadre d'essais thérapeutiques.  "La prise en charge de ces cancers est toujours pluridisciplinaire. La plupart des patients bénéficieront d'une prise en charge bucco-dentaire, essentiellement pour prévenir les dommages de la radiothérapie sur les dents. Une prise en charge nutritionnelle est très fréquemment proposée chez ces patients qui éprouvent des difficultés à avaler, ou encore, une prise en charge en addictologie, essentielle lorsque le cancer est associé à une consommation d'alcool ou de tabac", développe le Dr Breuskin.

Pronostic : quel est le taux de survie ?

D'une façon globale, malgré les avancées techniques et technologiques des dernières années, le pronostic de ces cancers reste stable avec un taux de survie à 5 ans d'environ 50 %. Néanmoins, lorsque le cancer est débutant, ce taux de survie à 5 ans peut se rapprocher des 80 %. Par ailleurs, le pronostic des cancers lié à l'HPV tourne autour des 90 % à 5 ans. Dans tous les cas, rappelons qu'une prise en charge précoce permet d'augmenter considérablement le taux de survie.

Comment l'éviter ?

La prévention consiste à l'éviction des facteurs de risque des cancers ORL :

► Réduire sa consommation de tabac et d'alcool

► Il est très probable que la vaccination contre l'HPV permette de modifier l'incidence des cancers ORL qui lui sont liés. La Haute autorité de Santé recommande  de vacciner les jeunes filles de 11 à 14 ans révolus (avec un rappel de 15 à 19 ans révolus). Récemment, ces recommandations ont également été étendues aux jeunes garçons.

Merci au Dr Ingrid Breuskin, chirurgien et chef du Comité ORL de Gustave Roussy.