Transfusion : sang, plaquettes, protocole, quand ?
Une transfusion sanguine est nécessaire lorsque les réserves de sang ou de l'un de ses composants sont anormalement basses chez un patient. Comment se déroule une transfusion ? Quelle est sa durée ? Quels sont les risques ? Explications avec le Pr Emmanuel Raffoux, chef du service hématologie de l'hôpital Saint-Louis.
Définition : c'est quoi une transfusion ?
La transfusion sanguine est un acte médical qui consiste à administrer du sang ou l'un de ses produits dérivés (globules rouges, plaquettes, plasma) par voie intraveineuse d'une personne (donneur) à une autre (receveur).
Indications : pourquoi faire une transfusion ?
La transfusion sanguine est indiquée lorsque le volume de sang ou de l'un de ses composants est insuffisant dans l'organisme. "Par exemple, un déficit en globules rouges nécessite une transfusion de globules rouges ; un manque de plaquettes justifie une transfusion de plaquettes ; une transfusion de plasma est quant à elle la plupart du temps préconisée pour corriger les anomalies de la coagulation", précise le Pr Emmanuel Raffoux, chef du service hématologie de l'hôpital Saint-Louis. Classiquement, la transfusion sanguine concerne les sujets faisant une hémorragie suite à une blessure ou lors d'une intervention chirurgicale, ceux qui sont traités pour des anomalies des globules rouges telles que drépanocytose ou thalassémie), ainsi que chez les personnes traitées pour un cancer.
Comment se déroule une transfusion sanguine ?
La transfusion fait l'objet d'un protocole très strict. Lorsqu'il s'agit d'une transfusion de globules rouges, il est nécessaire de respecter une compatibilité dans le système ABO et le système rhésus. Une personne du groupe O est considérée comme donneur universel, ce qui signifie qu'elle peut donner à tout le monde. Une personne du groupe AB est receveur universel, elle peut recevoir du sang de n'importe quel donneur. Ce respect de la compatibilité permet d'éviter que le receveur ne détruise les globules rouges qu'on lui transfuse. "Par exemple, les sujets du groupe O ayant des anticorps anti A et Anti B, si on leur transfuse des globules rouges A ou B, ils vont les détruire. Une personne du groupe B a des anticorps naturels anti A donc si on lui transfuse des globules rouges qui sont A ou AB il va les détruire. Dès lors que ce procédé a été validé, l'acte transfusionnel peut avoir lieu. Il consiste à administrer lentement le produit sanguin au patient, le processus ne devant pas durer plus de trois heures. Une surveillance régulière est mise en place", illustre le chef du service hématologie de l'hôpital Saint-Louis.
Comment se passe une transfusion de plaquettes ?
"Lors d'une transfusion de plaquettes, ce n'est pas le groupe ABO que l'on observe mais le HLA (complexe majeur d'histocompatibilité), pour lequel il existe une diversité énorme à travers la population. Il y a une chance sur un million de trouver quelqu'un identique à soi. Il est donc quasiment impossible de respecter les groupes, sauf chez des personnes pour lesquelles la présence d'anticorps anti HLA a été identifiée. Dans ce cas-là, cas on essaye de faire du HLA compatible, c'est-à-dire que même si les plaquettes ne seront pas identiques, on met tout en œuvre pour trouver des plaquettes qui ne seront pas détruites par le patient au moment où il va les recevoir", indique le spécialiste.
Quelle est la durée d'une transfusion ?
Une transfusion de globules rouges standard dure entre 1h et 1h30, tandis qu'une transfusion de plaquettes ne prend que 15 minutes. Le fait de transfuser lentement permet d'éviter un apport volumique que le patient pourrait avoir du mal à tolérer. En revanche, chez un patient qui fait une hémorragie aiguë nécessitant l'apport rapide de globules rouges, le corps médical aura recours à des machines en réanimation afin de transfuser un culot globulaire en 10 à 15 minutes.
Quels sont les risques d'une transfusion ?
La transfusion est associée à deux types de risques :
► Un risque infectieux : il existe un risque de transmettre un agent infectieux avec le produit sanguin, notamment un virus susceptible de se transmettre par le sang (hépatite B, hépatite C, HIV). "Toutefois, on considère aujourd'hui que ce risque est proche de zéro grâce à une procédure de vérification extrêmement minutieuse", rassure le Pr Emmanuel Raffoux. Une recherche de ces virus dans le sang est effectuée sur chaque don à l'aide de techniques de PCR très précises. Le donneur passe également un interrogatoire extrêmement poussé pour essayer de déterminer s'il a pu, juste avant le don, faire une infection particulière. C'est la raison pour laquelle les personnes revenant d'un pays où elles auraient pu attraper le paludisme sont exclues du don.
"Ce risque est proche de zéro grâce à une procédure de vérification extrêmement minutieuse"
► Des risques liés à l'immunisation : plus un patient a été transfusé, plus il risque de développer des anticorps anti globules rouges contre un ou plusieurs groupes de globules rouges (il existe le groupe A,B,O, mais aussi rhésus, Lewis, Kell,.....). D'où l'obligation légale de vérifier avant chaque transfusion si le sujet a développé des anticorps anti globules rouges, auquel cas il faudra trouver des globules rouges contre lesquels il n'a pas développé d'anticorps. De la même manière, pour les plaquettes, il est probable de développer, au fur et à mesure du temps, des anticorps anti HLA qui rendent les transfusions plus difficiles. "Ce risque survient essentiellement chez les patients ayant à subir des programmes de transfusion au très long cours, notamment chez ceux ayant une drépanocytose ou une thalassémie (anomalies des globules rouges). Les sous-groupes de rhésus vont être observés pour s'assurer de leur transfuser un produit qui soit le plus compatible possible", détaille notre interlocuteur.
Quelles sont les contre-indications à la transfusion sanguine ?
La transfusion sanguine ne présente pas de contre-indications. Il est plutôt question de peser correctement l'indication puisqu'il ne s'agit pas d'un acte anodin. Certes, il y a des bénéfices attendus mais aussi potentiellement des risques, il est donc nécessaire d'évaluer la balance bénéfice-risque.
Merci au Pr Emmanuel Raffoux, chef du service hématologie de l'hôpital Saint-Louis.