Aorte abdominale calcifiée : risques, que faire, traitement
L'aorte, principale artère de l'organisme peut voir sa paroi se calcifier. La calcification aortique est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire. Quels sont les symptômes ? Les causes ? Les risques ? Le point avec le Dr Olivier Bourron, endocrinologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Qu'est-ce qu'une calcification aortique ?
L'aorte est l'artère principale de l'organisme qui permet de distribuer le sang, qui s'est oxygéné au niveau des poumons, aux organes. Certaines personnes peuvent être sujettes à des calcifications de la paroi artérielle, notamment au niveau de la crosse de l'aorte, de l'aorte thoracique ou de l'aorte abdominale. La paroi artérielle se divise en trois composantes : l'intima qui est au contact de la lumière artérielle, la media qui correspond à la paroi médiane de l'artère et l'adventice qui elle, se situe à l'extérieur. La calcification artérielle peut se développer soit au niveau de l'intima, soit au niveau de la média. "Généralement, les calcifications au niveau de l'intima sont associées à la maladie athéromateuse (plaques d'athérome responsables d'emboles et de sténoses artérielles). Ces calcifications de l'intima sont focales, uniques ou multiples. Les calcifications au niveau de la média, au contraire, sont diffuses et étendues et entraînent l'épaississement et la rigidification artérielle qui constitue un facteur de risque cardiovasculaire indépendant des facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels", détaille le spécialiste. La calcification artérielle correspond à une accumulation d'amas de calcium et de phosphates au sein de la paroi artérielle. "Ce phénomène peut se produire sur toutes les parois artérielles du corps : les artères coronaires, les artères de membres inférieurs et l'aorte. Ces molécules de calcium et de phosphate s'organisent en petits amas, puis en plus gros, avant de former des cristaux d'hydroxyapatite, principal composant minéral de l'os. Ces dernières années, on a pu mettre en évidence le fait, qu'au sein de la paroi artérielle, des cellules musculaires lisses pouvaient se transdifférencier en cellules osseuses et participer ainsi de manière dynamique au processus de calcification artérielle. Il est d'ailleurs possible, à des stades très évolués de la maladie artérielle, d'observer en histologie véritablement de l'os dans la paroi artérielle", explique le Dr Olivier Bourron.
Quels sont les symptômes ?
Ces calcifications aortiques ne sont responsables d'aucun signe clinique directement. En revanche, elles sont associées à un risque cardiovasculaire accru, notamment un risque d'accident vasculaire cérébral ischémique et d'infarctus du myocarde. Elles sont également liées à une rigidification de la paroi artérielle, responsable de conséquences hémodynamiques systémiques comme une augmentation des résistances artérielles, potentiellement responsable de l'aggravation d'une hypertension artérielle systolique, du développement d'une hypertrophie du muscle cardiaque ou encore d'anomalies de la micro-circulation.
Quelles sont les causes d'une calcification aortique ?
Les principales causes d'une calcification de l'aorte sont : le tabac, l'hypertension artérielle, la dyslipidémie, le diabète, l'insuffisance rénale chronique, le sexe (les hommes font deux fois plus de calcifications sur l'aorte que les femmes), l'âge, ou plus rarement, un effet secondaire de la radiothérapie, quand l'aorte est dans le champ d'irradiation (on parle d'artérite radique). "On retrouve également une association forte entre densité osseuse et calcification de l'aorte, bien que le lien de cause à effet n'ait pas été démontré formellement", précise l'endocrinologue.
Quels sont les risques ?
La présence de calcifications sur l'aorte est principalement associée à 4 types de risques :
- Ces calcifications aortiques, notamment lorsqu'elles sont localisées sur l'intima, au niveau des plaques d'athérome, sont associées à un risque emboligène accru, responsable d'accident vasculaire cérébral ischémique.
- Le degré de calcification aortique reflète l'état des autres artères de l'organisme et à ce titre, les calcifications aortiques constituent donc un marqueur du risque cardiovasculaire. "La présence de calcifications aortiques est associée à une multiplication par 1,5 à 1,8 du risque d'accident vasculaire cérébral, d'infarctus du myocarde et est associé à une plus grande mortalité", souligne le Dr Olivier Bourron.
- "Les calcifications aortiques, lorsqu'elles intéressent la media et qu'elles sont diffuses, sont associées à une rigidification de la paroi artérielle, responsable de conséquences hémodynamiques systémiques comme une augmentation des résistances artérielles potentiellement responsable de l'aggravation d'une hypertension artérielle systolique, du développement d'une hypertrophie du muscle cardiaque, de l'aggravation d'une insuffisance rénale ou encore d'anomalies de la micro-circulation", observe le spécialiste.
- Lorsqu'un patient doit avoir une chirurgie aortique (pontage aorto-coronaire, chirurgie valvulaire ou aortique), la présence de calcifications aortiques, si elles sont importantes (on parle d'aorte porcelaine), peut être associée à des complications opératoires graves (risque d'accident vasculaire emboligène). Les chirurgiens connaissent l'importance de cette affection et optimisent l'approche chirurgicale en fonction du degré de calcification de l'aorte.
Que faire et qui consulter ?
Les calcifications aortiques sont le plus souvent découvertes de manière fortuite. Compte tenu du fait que ces calcifications aortiques reflètent le degré de risque cardiovasculaire du patient, il est toujours bon de consulter un cardiologue pour avoir un avis spécialisé et traiter de manière optimale les facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, hypertension, diabète, dyslipidémie, obésité…) présentés par le patient.
Comment est posé le diagnostic ?
Le diagnostic de calcification de l'aorte se fait dans trois contextes :
• Un examen d'imagerie (scanner pulmonaire, scanner abdominal, radio pulmonaire) réalisé pour tout autre chose, au cours duquel des calcifications aortiques sont découvertes fortuitement. La découverte de calcifications aortiques permet de classer le patient à un niveau de risque cardiovasculaire élevé.
• Dans le cadre d'une évaluation pré-procédurale d'un geste chirurgical cardiaque, par exemple la réalisation d'un pontage aorto-coronaire ou d'un changement valvulaire aortique. "Dans ces situations, il faut impérativement évaluer l'état aortique et la présence ou non de calcifications aortiques car cela aura une incidence sur la chirurgie. Des calcifications aortiques très prononcées (on parle d'aorte porcelaine) augmentent le risque d'accident vasculaire cérébral embolique péri-opératoire, il est donc indispensable de diagnostiquer cette calcification aortique avant la chirurgie cardiaque pour grader le niveau de risque de l'intervention et adapter les procédures", prévient le Dr Olivier Bourron.
• Dans l'évaluation d'un patient qui a fait un événement embolique (AVC par exemple) sans cause évidente. On va donc rechercher une cause aortique, notamment des plaques calcifiées.
Quel est le traitement ?
Il n'existe pas de traitement spécifique des calcifications. La priorité va être de traiter les facteurs de risque cardiovasculaires, car les calcifications aortiques sont avant tout un marqueur du risque cardiovasculaire : arrêt du tabac, surveillance des seuils du LDL cholestérol, d' HbA1c chez un patient diabétique, de la tension artérielle... "Le traitement passe également par la prévention et le dépistage de pathologies cardiovasculaires comme la coronaropathie, les maladies artérielles sur les vaisseaux du cou, ou encore l'artérite des membres inférieurs. Des statines sont utilisées pour diminuer le risque cardiovasculaire et un de leurs effets passerait par la densification de la plaque calcique car on sait qu'une plaque calcifiée dense est plus stable et donc moins emboligène qu'une plaque moins dense. Par ailleurs, des études ciblant le métabolisme phospho-calcique et osseux et/ou des protéines du remodelage osseux sont en cours", ajoute notre interlocuteur.
Merci au Dr Olivier Bourron, endocrinologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière