Hypercholestérolémie familiale : symptômes, diagnostic, quel traitement ?

L'excès de cholestérol peut se transmettre de génération en génération au sein de certaines familles or 80% des personnes atteintes ne le savent pas.

Hypercholestérolémie familiale : symptômes, diagnostic, quel traitement ?
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L'hypercholestérolémie familiale est une maladie héréditaire dont l'origine est génétique "autrement dit on est porteur ou on ne l'est pas" explique Lionel Ribes, Président de l'Association Nationale des Hypercholestérolémies familiales et Lipoprotéines (Anhet.f). Elle se transmet de génération en génération. Elle se caractérise par une élévation du cholestérol LDL, aussi appelé "mauvais cholestérol", dès la naissance. Cette hypercholestérolémie n'est donc pas en lien avec une mauvaise hygiène de vie. "C'est une maladie silencieuse (asymptomatique), complexe, sous-diagnostiquée" poursuit notre interlocuteur, Il existe deux formes d'Hypercholestérolémie Familiale (HF) : 

►La forme hétérozygote (l'anomalie est héritée d'un des parents). Elle provoque un taux de Cholestérol-LDL 2 fois supérieur à la normale et concerne 1 personne sur 250 (1). "Dans la forme héréditaire hétérozygote, l'individu a hérité de deux copies d'un gène, une copie normale et une copie qui porte une mutation. La personne ne peut pas métaboliser le cholestérol et celui-ci s'accumule au niveau des articulations ou souvent, de la paupière", décrit le Pr Catherine Boileau, biologiste spécialisée dans les maladies structurelles cardiovasculaires.

►La forme homozygote (l'anomalie est héritée des deux parents). Elle entraine un taux de Cholestérol-LDL 6 à 8 fois supérieur à la normale. Elle concernerait 1 personne sur 500 000 (1). "Dans la forme homozygote, il n'y a pas de copie normale du gène : l'individu a deux copies qui portent la mutation. Il s'agit d'une forme exceptionnelle et très grave de la maladie : un enfant porteur risque de faire un infarctus du myocarde avant l'âge de 10 ans", alerte le Pr Boileau. 

Transmission : à chaque grossesse, un risque sur deux

Si le père, la mère, le frère ou la sœur a une hypercholestérolémie familiale, la probabilité d'être soi-même touché est de 50%. "Autrement dit, à chaque grossesse, un parent malade a un risque sur 2 de transmettre la copie du gêne muté à l'enfant", explique l'experte. A noter que'une maladie génétique est dite de transmission autosomique dominante quand la présence d'un seul gène est suffisante pour que la maladie s'exprime.

Chiffres et formes d'hypercholestérolémie familiale en France © Association ANHET.f
Transmission de l'hypercholestérolémie familiale © Infographie de l'Association ANHET.f

En cause, la mutation d'un gène

La cause est génétique. "Il y a une véritable confusion entre l'hypercholestérolémie familiale qui est génétique, donc qu'on développe dès le départ de sa vie, et l'hypercholestérolémie non familiale qu'on développe au cours de sa vie (environnement, régime alimentaire)", insiste le Pr Catherine Boileau. 80% des cas d'hypercholestérolémie familiale seraient dus à une mutation - qui entraîne des anomalies de production ou de structure des récepteurs au LDL-cholestérol - au sein de l'un de ces 3 gènes :

  • Gène LDLR
  • Gène APOB
  • Gène PCSK9

Dans 20% des cas, le(s) gène(s) porteur(s) de la mutation n'ont pas encore été identifié(s). "Les mutations affectant le gène LDLR sont les plus fréquentes : les récepteurs au LDL, normalement présent à la surface des cellules du foie, sont absents ou incapables de capter le Cholestérol-LDL présent dans la circulation sanguine, ce qui augmente sa concentration dans le sang", explique le Dr. Renucci. "En cas de mutations au niveau du gène APOB, les récepteurs au LDL ne reconnaissent pas le Cholestérol-LDL, il n'est donc pas éliminé de la circulation sanguine et augmente lentement mais sûrement. En cas de mutations au niveau du gène PCSK9, les récepteurs au LDL sont peu à peu détruits : moins présents, ils éliminent moins bien le Cholestérol-LDL."

Des symptômes visibles au niveau des yeux

Bien que cette maladie soit considérée comme silencieuse, certains signes cliniques peuvent mettre la puce à l'oreille et inciter à se faire dépister :

  • La présence de nodules ou de plaques jaunes sur la peau et au niveau des tendons (xanthomes) ;
  • La présence de plaques jaunes au niveau des paupières (xanthélasmas). Pour l'anecdote, ces xanthélasmas seraient visibles sur le célèbre tableau La Joconde de Léonard de Vinci, qui serait la première femme représentée dans l'Art atteinte d'hypercholestérolémie familiale.
  • La présence d'arcs de cercles blanchâtres tout autour de l'iris (ils n'altèrent pas la vue).
Xanthomes autour des paupières, symptôme évocateur d'une HF
Xanthomes autour des paupières, symptôme évocateur d'une HF © Natalia - stock.adobe.com
Zoom sur Mona Lisa - La Joconde
Zoom sur Mona Lisa - La Joconde © DR

Des risques importants pour le coeur et les artères

"Cette maladie est loin d'être anodine car un taux élevé de Cholestérol-LDL dans la circulation sanguine est à l'origine du développement d'une athérosclérose rapide, à l'origine d'une atteinte cardiovasculaire prématurée : avant 20 ans chez les personnes atteintes de la forme homozygote, et avant 50 ans chez les personnes atteintes de la forme hétérozygote", précise le Dr. Renucci, médecin vasculaire au CHU Timone, à Marseille. Une personne qui en souffre est plus à risque d'angine de poitrine, d'infarctus, d'AVC et de mort subite (sans traitement).

Diagnostic : une simple prise de sang

80% des personnes atteintes ne sont pas diagnostiquées. Un dépistage par simple prise de sang doit être réalisé chez toutes personnes :

► Présentant un taux de Cholestérol-LDL supérieur à 1,9 g/L de sang, en l'absence de traitement 

► Présentant des antécédents personnels ou familiaux d'accidents vasculaires (AVC, infarctus, crise d'Angor…) survenus avant 55 ans chez un homme et 60 ans chez une femme.

► Présentant un taux de Cholestérol-LDL élevé et qui poursuit sa progression alors que toutes les causes responsables d'une hypercholestérolémie (diabète, hypothyroïdie, mauvaise hygiène de vie…) ont été éliminées.

Le diagnostic d'hypercholestérolémie familiale peut être évoqué en cas de taux de cholestérol LDL supérieur à 1.9 g/l en l'absence de traitement alors que le taux de triglycérides est normal. Pour confirmer le diagnostic, un génotypage (ou un dépistage génétique) peut être effectué à partir d'une prise de sang et permet d'identifier la mutation responsable de la maladie.

"Il existe un traitement radical"

Une fois la maladie diagnostiquée, elle doit être prise en charge au plus tôt. Le traitement préconisé déprendra du taux de LDL-Cholestérol et des antécédents cardiovasculaires du patient.

► Taux encore faible (les enfants notamment) : suivre un régime alimentaire spécifique et pratiquer régulièrement une activité physique.

► Taux LDL-cholestérol élevé : prescription de statines à doses élevées

► Taux très élevé : association des statines à un inhibiteur de l'absorption intestinale du cholestérol (ezetimibe).

"Malheureusement, les traitements "classiques" sont parfois peu efficaces", prévient le Dr. Renucci. "Il existe un traitement radical représenté par les "aphérèses" qui consiste à réaliser une filtration du sang, comme une dialyse, très régulièrement pour épurer le cholestérol-LDL. Sont apparus depuis quelques années de nouveaux traitements que sont les inhibiteurs de PCSK9 qui en augmentant le nombre de récepteurs du cholestérol LDL, augmentent sa captation et son recyclage par le foie. En association avec une statine et de l'ezetimibe, la réduction peut atteindre 85 % du Cholestérol LDL dans les formes hétérozygotes. Le seul inconvénient est le coût relativement élevé de ces produits et la prescription très encadrée est réservée aux spécialistes. Toutefois, cela constitue le traitement de choix des Hypercholestérolémies Familiales et (depuis peu)  pour les patients intolérants aux statines." Une surveillance par analyse de sang permet de suivre l'évolution du taux de LDL-Cholestérol et, au besoin, d'adapter le traitement.

Merci au Dr. Jean-François Renucci., médecin vasculaire au CHU Timone, à Marseille, à Lionel Ribes, Président de l'Association, au Pr Catherine Boileau, biologiste spécialisée dans les maladies structurelles cardiovasculaires, au Dr Sophie Béliard, endocrinologue et au Pr Noel PERETTI, chef de service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques du CHU de Lyon.

  • (1)Association Nationale des Hypercholestérolémies familiales et Lipoprotéines