Méthode contraceptive naturelle : retrait, température, efficace ?

Retrait, Ogino, Billings, température... Ces méthodes contraceptives naturelles ont l'avantage de se passer d'hormones mais sont-elles vraiment efficaces ? Pour quelles femmes ont-elles un intérêt ?

Méthode contraceptive naturelle : retrait, température, efficace ?
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"Je remarque un engouement de plus en plus fort pour les contraceptions naturelles, car de plus en plus de femmes veulent une méthode sans hormones. Certaines femmes détournent même l'usage premier des tests d'ovulation pour calculer leur période de fertilité", constate d'emblée Brigitte Raccah-Tebeka, gynécologue-endocrinologue. Or, "ces méthodes comme la méthode Ogino, la méthode Billings ou celles des températures se basent sur des paramètres fluctuants ou peu précis, et ne peuvent donc pas garantir une contraception optimale", ajoute-elle. Alors en quoi consistent ces méthodes ? Sont-elles si aléatoires ? A qui peut-on les recommander ?

La méthode Ogino (méthode du calendrier)

Encore appelée "méthode du calendrier", la méthode Ogino est une méthode statistique qui se base sur le calcul des jours de fertilité. En théorie et avant de pouvoir se lancer dans cette méthode de contraception naturelle, la femme doit noter les dates de début et de fin de ses cycles menstruels (naturels et non modifiés par une contraception hormonale) pendant un an, soit pendant 12 cycles. A savoir qu'un cycle commence le premier jour des règles et se termine le premier jour des règles suivantes. Généralement, ce cycle dure 28 jours en moyenne, mais il peut être plus court ou plus long. Puis, la femme doit identifier son cycle le plus long et son cycle le plus court de l'an passé. Ensuite, il faut faire un peu de mathématiques ! Pour calculer le premier jour de la période de fertilité, il faut soustraire 18 à la durée du cycle le plus court. Par exemple, si son cycle le plus court est de 26 jours, la femme est considérée comme fertile dès le (26-18=8) 8e jour à partir du premier jour de ses règles. Et pour définir le dernier jour de la période de fertilité, il faut soustraire 11 à la durée du cycle le plus long. Par exemple, si le cycle le plus long est de 35 jours, la femme est considérée comme fertile jusqu'au (35-11=24) 24e jour de son cycle. En conclusion, le couple peut avoir des relations sexuelles sans risquer de concevoir un enfant du 1er au 7e jour du cycle, puis du 25e jour jusqu'au 7e jour du cycle suivant, dans notre exemple.  

"En pratique, cette méthode est très contraignante car elle nécessite d'être très rigoureuse et d'avoir des cycles extrêmement réguliers. Or, la durée des cycles peut facilement être perturbée par le stress, un décalage horaire... et l'ovulation reste imprévisible", précise la gynécologue. D'ailleurs, l'indice de Pearl (outil pour mesurer l'efficacité des méthodes de contraception) de la méthode Ogino est de 20 en pratique courante, c'est-à-dire que 20 femmes sur 100 utilisant la méthode contraceptive analysée pendant un an sont tombées enceintes dans l'année. De plus, elle ne laisse pas beaucoup de temps aux couples d'avoir des relations sexuelles. Dans notre exemple, la période d'abstinence reste élevée : moins d'une dizaine de jours par mois sont sans risques d'ovuler. 

La méthode Billings (glaire cervicale)

Cette méthode consiste à analyser l'aspect et la consistance de la glaire cervicale. En période de non-ovulation, la glaire cervicale s'épaissit, fait office de "barrière" aux spermatozoïdes et empêche leur passage dans l'utérus. "En pratique, la femme prélève chaque matin un peu de substance produite au niveau du col de l'utérus et analyse sa consistance avec ses doigts : si la glaire cervicale est transparente, fluide et filante, cela signifie que la femme est en période d'ovulation ou à l'approche de l'ovulation. En revanche, si elle est épaisse et opaque, la femme n'est a priori pas dans sa période ovulatoire. Mais attention, plusieurs facteurs peuvent modifier l'apparence de la glaire cervicale comme le fait d'avoir une mycose ou une autre infection vaginale, le fait de s'être lavée, le désir sexuel ou d'avoir eu des rapports sexuels avant... Cette méthode n'est donc en aucun cas fiable car on peut facilement avoir une mauvaise perception de la glaire", constate l'experte. 

La méthode de la courbe de la température

Dans cette méthode, la femme doit identifier sa période d'ovulation en fonction de la température de son corps. En effet, la température du corps devient plus élevée après l'ovulation : elle peut s'élever de 0.2 à 0.5°C. Concrètement, la femme doit prendre sa température tous les matins à la même heure, dans son lit et avant de se lever. On estime que la femme n'est pas fertile plus de trois jours après l'élévation de sa température et ce, jusqu'au prochain cycle. Toutefois, "là encore, cette méthode - qui implique un geste quotidien relativement contraignant - reste floue car de nombreux paramètres peuvent influer sur la température corporelle (un rhume, le stress, la fatigue...)", précise la spécialiste. Et d'ajouter "éventuellement, cette méthode peut être envisagée si le couple utilise des préservatifs jusqu'à trois jour après la montée de la température, mais cette méthode reste tout de même aléatoire". De plus, sachant que les spermatozoïdes peuvent avoir une durée de vie de 5 jours, il peut y avoir un risque de fécondation si le couple a eu des rapports sexuels les jours précédant l'ovulation. 

Le retrait : peu fiable à cause du liquide pré-séminal

Dans cette méthode, on part du principe que l'homme retire son pénis du vagin de sa partenaire avant d'éjaculer. Pour espérer réduire le risque de grossesse, l'éjaculation ne doit pas non plus avoir lieu juste à l'entrée du vagin. "C'est certainement la méthode la moins fiable quand on sait que le liquide pré-séminal (sécrété pendant l'érection et juste avant l'éjaculation, parfois sans que l'homme ne s'en rende compte) et même séminal (sécrété pendant l'éjaculation) contiennent des spermatozoïdes. Or, il suffit qu'un seul spermatozoïde soit au bon endroit et au bon moment pour qu'il y ait fécondation", rappelle le Dr Raccah-Tebeka. De plus, "si certains hommes parviennent à déterminer tous les signes du moment de l'éjaculation, d'autres ne réussissent pas toujours à la contrôler". L'éjaculation reste un réflexe parfois incontrôlable. Et le fait de se retenir et d'éjaculer hors du sexe de sa partenaire peut être frustrant pour l'homme et pour la femme. 

Quelles femmes peuvent avoir recours aux contraceptions naturelles ?

"En règle générale, je déconseille formellement ces méthodes naturelles qui sont floues et peu fiables, surtout aux femmes ayant une fertilité normale, les jeunes femmes ou les femmes de 40-45 ans ne souhaitant plus avoir d'enfants et dont les cycles peuvent être courts ou longs", révèle la spécialiste. Ces méthodes peuvent éventuellement être utilisées si elles sont couplées à une autre contraception comme le préservatif ou l'usage de spermicides. Par ailleurs, "la patiente peut utiliser ce genre de méthode si elle me précise qu'elle souhaite avoir un enfant dans les mois à venir et qu'une "grossesse accidentelle", donc non programmée, ne serait pas un problème", poursuit-elle. Quoi qu'il en soit, demandez toujours l'avis de votre gynécologue avant de vous lancer dans n'importe quelle méthode contraceptive. 

Quelle est l'efficacité des méthodes de contraception naturelles ?

Méthode de contraception Taux de grossesses de la première année sur 100 (en utilisation courante, données HAS 2013)
Ogino, Billings et température 25 %
Retrait 27 %
A titre comparatif : la pilule combinée 8 %

Une contraception fiable et adaptée, avec ou sans hormones 

Les femmes qui se tournent vers les contraceptions naturelles sont celles qui ne veulent plus ou pas prendre d'hormones (présentes dans la pilule, le DIU hormonal, l'implant contraceptif, l'anneau vaginal...), à cause, le plus souvent, de leurs effets secondaires ou de craintes qui ne sont pas toujours justifiées. Par ailleurs, l'un des avantages principaux des méthodes naturelles est qu'elles sont gratuites et qu'elles ne nécessitent pas de prescription médicale. Toutefois, il existe des alternatives aux méthodes hormonales comme le DIU au cuivre qui reste le contraceptif non hormonal le plus efficace. "La patiente et son gynéco peuvent discuter ensemble d'une contraception adaptée au profil de la femme et à son mode de vie. Et si la femme ne veut pas avoir de contraception prescrite, elle peut utiliser le préservatif. Bien lubrifié et utilisé à chaque pénétration et à tous moments du cycle, il reste efficace pour éviter le risque d'une grossesse non-désirée", conclut la gynécologue. 

Merci au Dr Brigitte Raccah-Tebeka, gynécologue-endocrinologue. Propos recueillis en août 2018. 

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