Agnosie : définition, types, symptôme, que faire ?
L'agnosie est le symptôme d'une lésion cérébrale. Agnosie spatiale, tactile, visuelle... le type d'agnosie dépendra de la zone du cerveau où la lésion est située. Diagnostic, causes, traitement : le point avec Stéphane Epelbaum, neurologue à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière.
Définition : c'est quoi l'agnosie ?
"L'agnosie est un terme général qui définit la perte de la capacité à reconnaître. Il existe différents types d'agnosie, en fonction de ce qu'on ne reconnaît pas. On peut par exemple ne pas reconnaître les visages, c'est la prosopagnosie. On peut ne pas reconnaître les lieux, c'est la topoagnosie. On peut aussi ne pas reconnaître sa propre maladie, c'est l'anosognosie. Différentes formes d'agnosie peuvent s'associer et toucher différentes modalités sensorielles", explique le neurologue Stéphane Epelbaum, contacté par le Journal des Femmes. Selon la zone du cerveau endommagée, plusieurs grandes familles d'agnosie peuvent apparaître : agnosie visuelle ; agnosie auditive ; agnosie tactile ; agnosie spatiale ; agnosie corporelle.
Agnosie visuelle
L'agnosie visuelle interdit au patient de reconnaître des objets familiers (une maison, un objet ou des effets personnels), mais aussi des chiffres ou des lettres, des couleurs. L'agnosie visuelle peut-être aperceptive, difficulté de reconnaissance d'un objet, d'association, reconnaissance d'un objet mais incapacité à le nommer ou l'utiliser. La prosopagnosie s'inscrit également dans la catégorie de l'agnosie visuelle : "on ne reconnaît pas les personnes, leur visage en particulier", précise le neurologue.
Agnosie auditive
L'agnosie auditive empêche la reconnaissance des sons. Il peut s'agir de bruits familiers (un avion, une voiture... on parle alors de surdité psychique), de musique (amusie), mais aussi de sons articulés (le malade ne comprend plus sa langue mais continue à pouvoir la parler normalement !). "Lorsqu'il s'agit de troubles du langage, on ne parle pas d'agnosie langagière mais plutôt d'aphasie", souligne Stéphane Epelbaum.
Agnosie tactile
Dans le cadre de l'agnosie tactile, le toucher du patient est intact, "mais il ne reconnaît pas l'objet qu'il touche". Cette agnosie est associée à une lésion des cortex somato-gnosique de perception ou de reconnaissance.
Agnosie spatiale
"L'agnosie spatiale peut en réalité définir deux types d'agnosie. On parle d'une agnosie des lieux. Elle concerne surtout les personnes qui souffre d'une maladie neuro-dégénérative nommée la maladie à Corps de Lewy. Le patient a la sensation de ne pas être chez lui par exemple. L'agnosie spatiale désigne également le fait de ne pas réussir à percevoir un hémichamp visuel, généralement le champ visuel du côté opposé à la lésion du cerveau", détaille notre expert.
Agnosie corporelle
Le patient ne reconnaît plus les différentes parties de son corps (autotopoagnosie), ou les considère, notamment dans le cas de l'existence d'un membre paralysé, comme étrangères (hémiasomatognosie) ou encore, refuse de reconnaître une infirmité (par exemple, un aveugle dont le cerveau n'enregistre pas la cécité et la nie par conséquent. On parle en pareil cas de simultagnosie).
"La plupart du temps suite à un accident vasculaire cérébral, on peut observer que le patient a moins conscience d'une partie de son corps, souvent la moitié opposée à la lésion cérébrale. La personne a du mal à mobiliser cette partie du corps et pourra même avoir l'impression qu'elle ne lui appartient pas", précise Stéphane Epelbaum.
Agnosie digitale
"L'agnosie digitale désigne le fait de ne pas connaître le nom de ses doigts mais elle est vraiment anecdotique, poursuit-il. Elle témoigne souvent d'une atteinte du lobe pariétal."
Les possibles causes de l'agnosie
"Une agnosie est causée par une lésion cérébrale, un cerveau qui dysfonctionne ou qui est mal formé – dans le cadre notamment d'une agnosie congénitale qui peut toucher les enfants à la naissance. La lésion peut être très localisée – certaines régions du cerveau sont critiques pour certaines reconnaissances, comme l'aire de reconnaissance des visages - ou il s'agit d'une lésion beaucoup plus étendue. Des régions diverses et variées du cerveau peuvent être touchées : le lobe temporal inférieur et le lobe frontal sont des zones toutefois particulièrement concernées", pose le médecin. Ces lésions ou dysfonctionnements du cerveau peuvent survenir brutalement ou progressivement à cause:
- d'un traumatisme crânien important,
- d'une tumeur ou infection cérébrale,
- d'un accident vasculaire cérébral,
- d'une maladie neurodégénérative
Agnosie et Alzheimer
"Quand l'agnosie survient de manière isolée et progressive, l'anosognosie en général, il faut penser à une maladie neurodégénérative et à la maladie d'Alzheimer en particulier, souvent à l'origine d'un tel symptôme." Quelle évolution ? "Au tout début de la maladie, la personne se plaint de sa mémoire, puis avec la progression de la pathologie et l'apparition de troubles de plus en plus nombreux, on remarque que le patient se plaint de moins en moins ou que la plainte est totalement décorrélée de la réalité des symptômes, à cause justement de l'anosognosie", développe Stéphane Epelbaum. Symptôme fréquent chez les malades d'Alzheimer, l'anosognosie est "une impossibilité neurologique à prendre conscience qu'on est malade, qui ne doit surtout pas être confondu avec un déni de la maladie, insiste le neurologue. Les proches doivent en être informés car ce symptôme fréquent peut retarder le diagnostic et la mise en place de traitements."
Symptômes
Les symptômes dépendent du type d'agnosie qui touche le patient. "Les lésions affectent le cerveau dans différentes régions. Celles-ci sont responsables de diverses agnosies qui évoluent à un rythme différent. Ainsi une atteinte frontale et préfrontale pourra être à l'origine d'une anosognosie, une atteinte plutôt temporale inférieure causera une agnosie visuelle, une atteinte pariétale une agnosie digitale ou tactile...", énumère le neurologue.
Diagnostic
Les agnosies sont dépendantes de la lésion et de sa topographie. Elles apparaissent brutalement ou de façon insidieuse en fonction de leur cause. "La topographie entraîne le type d'agnosie et le profil d'apparition oriente vers l'origine", explique Stéphane Epelbaum. "Il y a plusieurs façons de poser le diagnostic. On peut contraster l'avis du patient avec l'avis de son entourage ou comparer ce que dit la personne à des tests objectifs de mémoire. Sinon, le malade sera tout simplement capable de verbaliser ce qui lui arrive : la non-reconnaissance des visages, des lieux, des objets..." Le diagnostic pourra être posé avec un simple interrogatoire.
Traitement
Pour traiter l'agnosie, il faut traiter la cause. "S'il s'agit d'une tumeur qui vient comprimer une région cérébrale, en pratiquant l'exérèse de la tumeur, l'agnosie régressera au moins en partie. Mais si la région du cerveau où se trouve la lésion est détruite, il est très difficile de lutter contre une agnosie. Après un AVC notamment, le plus efficace sera la rééducation dans des services dédiés de médecine physique de réadaptation" conclut le spécialiste.
Merci au Dr. Stéphane Epelbaum, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pour son expertise.