Métastases ganglionnaires : symptômes, traitements, survie
Prostate, thyroïde, sein... Le cancer peut envahir les ganglions lymphatiques qui peuvent alors gonfler. On parle de "métastases ganglionnaires". Quels sont les symptômes ? Les traitements ? L'espérance de vie ? Réponses du Pr Eric Solary, président du conseil scientifique de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.
A un stade avancé, le cancer peut envahir les ganglions lymphatiques : ce sont des métastases ganglionnaires. Qu'est-ce qu'un ganglion ? Où se trouvent-ils ? Thyroïde, prostate, sein... Dans quels cancers peuvent-ils être envahis par des cellules cancéreuses ? Pourquoi ? Entraînent-ils des symptômes ? Quel est le diagnostic ? Les traitements ? L'espérance de vie ? Eclairage du Pr Eric Solary, président du conseil scientifique de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.
Définition : c'est quoi une métastase ganglionnaire ?
Les ganglions sont situés un peu partout dans le corps. "On estime à 600 le nombre de ganglions répartis dans l'organisme humain. Ces ganglions sont répartis tout au long du réseau lymphatique (la lymphe). Ils servent à la fois de filtre et jouent un rôle dans l'activation de la réponse immunitaire lors d'une infection. Schématiquement, les ganglions servent à voir s'il y a une anomalie et à repérer les dangers comme un microbe, un virus qui circule ou la présence d'une cellule anormale dans l'organisme" détaille le Pr Eric Solary. Les ganglions forment donc un grand réseau circulatoire et se répartissent :
- dans le cou (ganglions cervicales)
- sous les bras, au niveau des aisselles (ganglions axillaires)
- dans l'aine (ganglions inguinales)
- au niveau de l'abdomen (ganglions abdominaux ou mésentériques)
- au niveau du thorax
- derrière les coudes et les genoux...
Il faut bien distinguer une tumeur du système lymphatique (un lymphome) et une métastase ganglionnaire. "Les lymphomes sont des tumeurs primitives qui infiltrent les ganglions. Les lymphomes touchent tout le système lymphatique. En revanche, les métastases ganglionnaires (si on veut être exact, on parle plutôt d'adénopathies infiltrées par des cellules cancéreuses) sont formées par des cellules qui se sont détachées de la tumeur primitive (tumeur initiale) pour atteindre un ou plusieurs ganglions", détaille notre interlocuteur.
Quelles sont les localisations des métastases ganglionnaires ?
Les cellules cancéreuses peuvent toucher n'importe quels ganglions. Ainsi, on peut retrouver :
- des métastases ganglionnaires axillaires : les ganglions lymphatiques situés dans le creux de l'aisselle sont envahis par des cellules cancéreuses : un ou plusieurs ganglions peuvent gonfler de volume : c'est ce qu'on appelle une adénopathie axillaire.
- des métastases ganglionnaires cervicales : les ganglions lymphatiques au niveau du cou sont envahis par des cellules cancéreuses. Le cou peut alors gonfler : c'est ce qu'on appelle une adénopathie cervicale.
- des métastases ganglionnaires inguinales : les ganglions lymphatiques au niveau de l'aine sont envahis par des cellules cancéreuses : un ou plusieurs ganglions de l'aine peuvent gonfler de volume et entraîner l'apparition de grosseurs : c'est ce qu'on appelle une adénopathie inguinale.
Quels sont les cancers qui donnent le plus de métastases aux ganglions ?
La plupart des cancers peuvent envahir les ganglions. C'est plus fréquent dans le cas :
- d'un mélanome malin (cancer cutané). "On regarde très souvent les ganglions dits satellites, autrement dit des ganglions qui filtrent la région cutanée dans laquelle est apparue la tumeur", explique le spécialiste.
- d'un cancer de la prostate,
- d'un cancer de l'ovaire,
- d'un cancer de l'utérus,
- d'un cancer ORL,
- d'un cancer du sein,
- d'un cancer de la thyroïde.
Quels sont les symptômes ?
Les ganglions lymphatiques sains ne mesurent généralement pas plus d'un centimètre de diamètre. Des ganglions envahis par une cellule cancéreuse peuvent longtemps passer inaperçus. Si des cellules cancéreuses sont présentes en grand nombre, les ganglions lymphatiques gonflent et on peut les sentir à la palpation. Si les ganglions au niveau du cou, des aisselles, de l'aine, de l'arrière des coudes, du genou... augmentent de volume et deviennent palpables, il faut consulter son médecin. Il ne s'agit pas forcément d'un cancer, cela peut être simplement dû à une maladie infectieuse, comme par exemple : une mononucléose infectieuse, une toxoplasmose, une tuberculose, une salmonelle, un streptocoque ou un staphylocoque.
Causes : comment expliquer les métastases ganglionnaires ?
Le ganglion peut être atteint par une cellule cancéreuse si la tumeur a dépassé le tissu et a acquis la capacité à migrer hors du tissu d'origine. "Il faut bien comprendre que ce n'est pas évident pour une cellule de changer d'endroit. Normalement, une cellule est faite pour vivre dans un environnement donné. Quand une cellule migre dans un autre endroit, c'est le signe que la tumeur a dépassé un certain stade et qu'elle a grossi au point de libérer des cellules pouvant survivre et atteindre les ganglions. On n'est pas encore au stade de la métastase qui atteint un autre organe, mais elle se trouve dans le filtre ganglionnaire, ce qui est un signe de gravité supplémentaire", explique le Pr Solary. La présence de ganglions envahis traduit la capacité d'une tumeur à se propager et est le signe de la présence probable de métastases dans d'autres organes du corps. Elles rendent ainsi le pronostic plus incertain. Dans la classification des tumeurs appelée TNM, il y a trois stades :
- la taille de la tumeur (T pour tumeur)
- l'envahissement ganglionnaire (N pour nodes, ou ganglions lymphatiques) : cela décrit la propagation du cancer aux ganglions lymphatiques entourant l'organe. N0 signifie que le cancer ne s'est propagé à aucun ganglion lymphatique voisin. N1, N2 ou N3 signifient que le cancer s'est propagé aux ganglions lymphatiques.
- la présence de métastases (M pour métastases)
Quel est le diagnostic ?
L'atteinte ganglionnaire peut être macroscopique, c'est-à-dire qu'on la sent lors de l'examen clinique. "Quand on recherche des ganglions, on regarde en priorité les zones faciles d'accès comme le cou, les aisselles ou la région inguinale. On regarde aussi à l'arrière des coudes, derrière les genoux (les creux poplités). Par exemple, lors d'un cancer du sein, on examine la région ganglionnaire autour pour voir si on retrouve un gros ganglion un peu dur. Evidemment, cela devra être confirmé par une biopsie", indique le spécialiste. L'atteinte ganglionnaire peut être infraclinique, c'est-à-dire qu'on ne la sent pas lors de l'examen clinique. "On va alors utiliser la technique du ganglion sentinelle qui consiste, lorsqu'on enlève une tumeur, à localiser le premier ganglion le plus proche de la tumeur et à l'enlever. Le ganglion sentinelle est le premier ganglion à recevoir le drainage lymphatique d'une tumeur. Lorsqu'il est repéré, le chirurgien enlève ce ganglion qui sera immédiatement analysé pour vérifier la présence ou non de cellules cancéreuses. Si le ganglion sentinelle est métastatique, il y a de fortes chances que d'autres ganglions secondaires soient aussi métastatiques", décrit notre interlocuteur.
Quelles sont les complications ?
A la suite d'un ganglion sentinelle positif, on peut réaliser un curage ganglionnaire qui consiste à enlever les cellules cancéreuses qui se sont se propagées jusqu'aux ganglions lymphatiques situés dans la zone de drainage de la tumeur et ainsi de réduire le risque de récidive de la maladie. Le curage ganglionnaire permet aussi de définir l'évolution de la maladie et donc de contribuer au choix des traitements complémentaires à la chirurgie. "La principale complication du curage ganglionnaire, en particulier de l'aisselle, est le lymphœdème. Le risque, dû à une circulation lymphatique qui se fait mal (la lymphe s'accumule dans le bras qui peut alors gonfler), peut survenir dans les mois qui suivent le curage. Ce lymphœdème est très difficile à traiter. Il n'y a pas de solution radicale pour l'enlever", indique notre expert. En général, on va avoir recours à de la kinésithérapie, qui associe des bandages multicouches au niveau du bras et des séances de massage.
Les traitements vont dépendre des caractéristiques de la tumeur primitive (taille, localisation...), de l'étendue de l'atteinte ganglionnaire et d'autres paramètres (âge du patient, antécédents médicaux...). Par exemple, dans le cas d'un mélanome, on va plutôt opter pour une immunothérapie, dans le cas d'un cancer du sein, on va se diriger vers une chimiothérapie... "Les traitements vont dépendre du type de la tumeur. Mais ce qui est sûr, c'est que la détection d'un envahissement ganglionnaire change complètement le plan thérapeutique", tient à préciser le Pr Solary.
Pronostic : quelles sont les chances de guérison ?
Le pronostic est très variable selon les patients. "On considère que les chances de guérison sont plus importantes si la tumeur est très localisée. Si la tumeur atteint les ganglions sans donner de métastases dans un autre organe, le pronostic est moins incertain que si la tumeur atteint les ganglions et donne des métastases tissulaires", conclut notre interlocuteur. A titre d'exemple, dans le cas du cancer de la prostate, trois études scientifiques relayées par le Comité de cancérologie de l'Association française d'urologie ont démontré que :
- lorsqu'un ou deux ganglions étaient atteints, le taux de survie à 10 ans était de 78.6%
- lorsque trois ganglions ou plus étaient atteints, le taux de survie à 10 ans était de 33,4 %
Merci au Pr Eric Solary, médecin-chercheur-hématologue et président du conseil scientifique de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.