Cancer et sexualité : quelles conséquences ?

Le cancer et ses traitements entraînent des troubles psychiques et physiques qui peuvent affecter la sexualité. Certains changements sont temporaires, d'autres définitifs. Mais peu de soignants en parlent. Comment accepter son corps et poursuivre sa sexualité après un cancer ? Réponses avec le Dr Vincent Hupertan, urologue et sexologue. 

Cancer et sexualité : quelles conséquences ?
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Parler de sexualité quand on est atteint d'un cancer est tabou en France. Selon une étude réalisée par l'institut Think pour la Fondation ARC en juin 2021, 73% des patients atteint d'un cancer déclarent ne pas avoir été informés par les soignants des répercussions de la maladie et des traitements sur leur sexualité alors que 40% s'interrogent dessus (73% de ceux touchés par un cancer génito-pelviens). "Ils (les soignants, ndlr) ne sont pas tous à l'aise avec ce sujet ou ignorent comment et quand en parler, notamment en raison du manque de formation aux questions relatives à la sexualité lors de leur cursus universitaire. Ils sont aussi nombreux à supposer que ce n'est pas une priorité pour les patients durant les traitements ou que ces derniers se sentent trop malades pour avoir une vie sexuelle et intime" explique la Fondation ARC dans le livret "Préserver sa sexualité" réalisé avec l'aide de plusieurs spécialistes, en collaboration avec Rose Magazine.

Les conséquences psychologiques du cancer

Le diagnostic, le traitement du cancer, l'angoisse de la récidive et la peur du regard de l'autre influent considérablement sur le moral de la patiente. À cette tendance dépressive s'ajoute une fatigue persistante qui ne s'améliore pas avec le repos. Autant d'éléments qui sont susceptibles d'entraîner une baisse de la libido et par conséquent, de retentir sur la vie intime du couple. "Le rapport de la femme à la sexualité évolue tout au long de sa vie (adolescence, grossesse, fertilité, ménopause…) alors que ce n'est pas le cas chez l'homme. De son adolescence jusqu'à ses 90 ans et au-delà, l'érection fait partie de sa vie, la mécanique sexuelle des hommes étant très linéaire et stéréotypée : excitation, le rapport sexuel proprement dit, le point culminant avec orgasme et éjaculation puis période réfractaire. La maladie a bien moins de conséquences en termes de libido chez l'homme. Tandis que chez la femme, il y a plus de fragilité, avec un certain nombre de prérequis : bien-être physique et psychique, se sentir désirée et désirable, être en confiance avec son ou sa partenaire, elle est réceptive. Et si elle est correctement stimulée par le ou la partenaire, l'excitation et le désir commencent, et avec eux la volonté d'aller vers l'intimité et la sexualité ", rappelle d'emblée le Dr Vincent Hupertan, urologue et sexologue.

Bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, prise de poids, incontinence urinaire, fatigue...

Les conséquences physiques du cancer

Le cancer bouleverse profondément l'image de soi, altérant ainsi l'acte sexuel

  • Un traitement chirurgical tel que l'ablation d'un sein ou une hystérectomie entraîne un traumatisme psychologique considérable. Dans le cas de la mastectomie, le recours à des prothèses peut aider la femme à renouer avec sa féminité.
  • Un traitement par chimiothérapie ou radiothérapie affecte l'état général, entraînant fatigue, perte de cheveux et de poids. Dans ces conditions, la baisse du désir sexuel semble inévitable. 
  • Un traitement par hormonothérapie avance l'âge de la ménopause et les symptômes qui l'accompagnent peuvent entraver la vie sexuelle : bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, prise de poids, incontinence urinaire, fatigue. Ce déséquilibre hormonal peut aussi être responsable de douleurs pendant les rapports sexuels

"Le traitement du cancer, quel qu'il soit, altère l'état de bien-être dont la femme a besoin pour avoir envie de rapprochements intimes. Même si l'homme fait des efforts, qu'il y a de l'amour et de la tendresse, les sensations ne sont plus au rendez-vous parce qu'il peut y avoir de la sécheresse, de la gêne, la femme ne va plus oser montrer son corps et va être dans l'évitement. D'où l'intérêt de consulter un psychologue ou un sexologue pour se reconstruire en tant que femme et sur le plan sexuel" insiste le spécialiste.

Comment poursuivre sa sexualité après un cancer ?

Oser mettre des mots sur des maux est la première étape dans la (re)construction de soi. Il est primordial de parler avec son partenaire, de pouvoir se confier à lui, partager ses craintes et ses appréhensions afin qu'il puisse nous soutenir et se montrer compréhensif. La parole est un outil fantastique qui permet de retrouver une sexualité épanouie avant, pendant et après le traitement du cancer"Il faut se faire aider sur deux aspects", souligne le sexologue : 

  • Un aspect psychologique pour se réapproprier son image et apprendre à accepter son nouveau corps puisque l'ancien est mort, c'est une renaissance. 
  • Un aspect sexuel pour qu'un spécialiste vous aide à vous réadapter à votre sexualité et à vous faire à nouveau désirer. Être prête à se réinventer sur le plan sexuel, aller au-delà de la maladie et revenir dans la vie. À tous les âges de la vie, la sexualité est un prérequis à l'épanouissement personnel, il est donc important de parler à un thérapeute qui est dans la bienveillance et la compréhension, en aucun cas dans le jugement. 

Il faut savoir que l'on a trois niveaux de sécurité et de sexualité : le moi, le "nous deux" (moi et l'autre), et le nous et les autres = la société. "Dans le premier niveau, il faut que la femme soit bien avec elle-même, en confiance, avec son image corporelle et sa féminité. Ensuite, c'est le rapport à l'autre, le "nous deux". On se demande si notre partenaire nous trouve toujours désirable, on a tendance à être dans l'évitement, se cacher, à faire l'amour à moitié habillée de peur qu'il nous juge. Quant au rapport aux autres, la sexualité a un rôle social : "être sexy" c'est important à tous les âges", poursuit le sexologue. Autrement dit, travailler sur l'image de soi est la première étape pour pouvoir retrouver une sexualité épanouie.

Merci au Dr Vincent Hupertan, urologue et sexologue.