Sevrage de méthadone : durée, symptômes, protocole

La méthadone est un produit de substitution qui s'inscrit dans le processus d'arrêt de la consommation de drogues (héroïne, tramadol...). Son usage est encadré par un professionnel de santé. Durée, risques, protocole de prise en charge...

Sevrage de méthadone : durée, symptômes, protocole
© Max Rode- 123RF

Comment se déroule un sevrage de méthadone ?

Dans le cadre d'un sevrage d'héroïne, la méthadone est prescrite généralement à 1 mg/kg. Une prise couvre globalement 24 heures et va permettre ainsi d'avoir une vie assez "normalisée".

→ "Le système endorphinique bouleversé par la consommation de drogues opioïdes (héroïne ou dérivés comme la morphine, codéine...) doit petit à petit se rééquilibrer et produire à nouveau des opioïdes naturels, les endorphines qui ont pour buts : l'euphorie, la baisse de la douleur physique et de la douleur psychique, à défaut persistera un sentiment de mal-être. Certaines personnes ont parfois recours à des conduites extrêmes pour sécréter des endorphines, comme à travers, l'hyper sport, la scarification, et ainsi se sentir temporairement apaisées", détaille le Dr Philippe Azevedo, addictologue.

→ Pendant le sevrage de méthadone, il faut être accompagné par un professionnel de santé et ne pas chercher à aller trop vite pour mieux comprendre les enjeux et savoir les maîtriser. "Un arrêt total n'est pas envisageable dans un temps court, il prendra plusieurs mois et peut avoir pour risque une reprise d'opioïdes et ce sont les conséquences de la reprise qui peuvent être graves : reconsommer à des doses similaires avant l'arrêt et entraîner une overdose, qui malheureusement peut être mortelle ; se tourner vers un autre produit tout aussi addictif comme l'alcool", ajoute-t-il.

→ Le seuil de 30 mg de méthadone est une étape à laquelle la personne en sevrage n'aura plus de craving, d'envie irrépressible.

→ Pour continuer la baisse du traitement, on va s'adapter aux ressentis de la personne et envisager des paliers de 5 mg par mois ou tous les 2 mois par exemple. "Les 5 derniers milligrammes sont parfois très difficiles à arrêter et c'est dans ce cas que le binôme patient/médecin ou soignant est fondamental", insiste le Dr Azevedo.

Quelle est la dose de méthadone en cas de sevrage ?

Le dosage moyen de départ de la méthadone est entre 60-80 mg. Le but est de diminuer ce traitement très progressivement en moyenne de 10 mg/mois pour permettre à la production interne d'endorphines d'être relancée naturellement et de pallier les effets de l'arrêt qui sont la fadeur de la vie avec baisse de l'élan vital, la tristesse, le ralentissement psycho-moteur, des douleurs physiques (hyperalgésie) et psychiques.

Quand aller à l'hôpital ?

Une hospitalisation dans le cadre d'un sevrage de méthadone n'est pas nécessaire : "le sevrage étant long, la personne ne peut pas rester un an à l'hôpital". Une prise en charge hospitalière séquentielle en hôpital de jour ou en CSAPA (Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie) peut être envisagée : "une personne à 80 mg peut être hospitalisée 2 à 3 semaines pour envisager une baisse à 60 mg, passer en ambulatoire et être réhospitalisée ensuite". Des comorbidités psychiatriques peuvent apparaître ou être démasquées pendant le sevrage et une hospitalisation pour leur prise en charge peut être envisagée ou nécessaire.

Quels sont les symptômes d'un manque de méthadone ?

Les symptômes d'un manque de méthadone sont assez désagréables et ressemblent à un " gros syndrome grippal " qui va durer plusieurs jours avec en plus un manque d'énergie total :

  • des douleurs abdominales et dorsales ;
  • des troubles digestifs (diarrhée) ;
  • une rhinorrhée (nez qui coule), accompagnée d'un larmoiement des yeux ;
  • une piloérection (les poils s'hérissent) ;
  • une dérégulation thermique : sentiment de chaud-froid ;
  • une irritabilité ;
  • des troubles du sommeil (5-6 jours après avec des cauchemars dérangeants), voire l'insomnie.

"Quand ces différents signes apparaissent, cela montre bien que la diminution, voire le sevrage en méthadone est trop rapide. Le sevrage doit se faire en fonction du patient, de sa situation et de ses ressentis", ajoute-t-il.

Que faire lors d'une crise de manque ?

L'intensité des symptômes d'une crise de manque est dépendante de la dose en cours. Un accompagnement médicamenteux à base de mélatonine, d'antihistaminiques, de neuroleptiques peut alors être mis en place pour aider le patient à contenir ses symptômes. "Il faut éviter les benzodiazépines et prévenir la personne que sur les troubles du sommeil, il faut éviter de boire de l'alcool à ce moment-là, que cela ne va pas l'aider à dormir. Si on va à la bonne vitesse, les crises de manque ne doivent pas exister et les symptômes sont très lights et on va faire en sorte que le sevrage et ses effets soient vivables", insiste notre interlocuteur. 

Combien de temps pour se sevrer complètement de la méthadone ?

La durée du sevrage est assez longue, dépendante de la personne et de son équilibre physiologique et psychique. Il est important que celle-ci soit bien intégrée par le patient qui peut perdre confiance en elle pendant le sevrage. "Chez une personne de 80 kg, on va diminuer la méthadone par palier de 10 mg par mois. À partir de 30 mg, en général la baisse est plus lente et le sevrage sera ici autour d'un an, voire plus", ajoute-t-il.

Quand parle-t-on d'un sevrage de méthadone réussi ?

"L'objectif final du sevrage en méthadone n'est pas forcément l'arrêt total. Il se peut que la personne reste avec 5 mg de méthadone pendant des années et des années", conclut-il.

Merci au Dr Philippe Azevedo, addictologue, Paris.

Autour du même sujet