Radioactivité : définition, distance, dangers pour le corps
La radioactivité est naturellement présente dans la matière depuis la formation de la Terre. Mais dès que l'on pense au nucléaire – notamment à l'accident de Tchernobyl – elle fait peur. Qu'est-ce que c'est ? Qui l'a découverte ? Quels sont ses effets et risques sur la santé ? Comment se protéger ? Comprendre.
L'homme peut être exposé à la radioactivité par une exposition externe (examen médical par exemple) ou interne. L'exposition interne caractérise l'incorporation de radionucléides qui sont "des particules radioactives incorporées dans le corps par inhalation ou ingestion d'aliments contaminés. Ce sont des sources d'exposition que l'on retrouve dans les territoires contaminés après Tchernobyl" explique Dominique Laurier, Epidémiologiste et Adjoint au Directeur de la Santé à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Définition de la radioactivité, mesure, danger pour l'homme, protection, distance de sécurité : tout savoir sur la radioactivité.
Définition : qu'est-ce que la radioactivité ?
"Radioactivité" signifie "activité des rayons" car "radius" en latin se traduit par "rayon". La radioactivité est naturellement présente dans la matière depuis la formation de la Terre. On la retrouve dans le sol, l'atmosphère, l'eau et les aliments. "Nous y sommes tous exposés", explique Dominique Laurier, Epidémiologiste et Adjoint au Directeur de la Santé à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). La matière est composée d'atomes qui ont chacun un noyau. La radioactivité est un phénomène naturel au cours duquel des noyaux d'atomes instables se transforment spontanément en noyaux atomiques stables. Cette transformation génère la libération d'énergie et l'émission d'un rayonnement "ionisant" car il produit des charges électriques en traversant l'air. Les noyaux instables sont dits "radioactifs" car ils émettent des rayonnements ou "radiations" en se transformant. On les appelle aussi "radionucléides". Généralement, un radionucléide émet plusieurs types de rayonnements à la fois (alpha, bêta, gamma, X, neutronique). Au fil du temps, les atomes radioactifs se désintègrent plus ou moins lentement.
Quelle est la différence entre la radioactivité naturelle et artificielle ?
La radioactivité peut être d'origine naturelle ou artificielle sachant que "les sources les plus importantes de radioactivité en France sont naturelles et médicales" précise notre interlocuteur.
► Radioactivité naturelle : c'est la radioactivité qui vient du sol (rayonnements telluriques (présence de granit dans le sol), gaz radon qui émane surtout des roches granitiques et volcaniques, rayonnements cosmiques provoqués par les particules en provenance du Soleil notamment, uranium, radium...).
► Radioactivité superficielle : ce sont les sources fabriquées par l'homme. La première est l'exposition médicale (radiographie, scanner). "Il y a ensuite les retombées d'essai nucléaire ou d'accident nucléaire."
► Sur le site de l'IRSN, l'outil Expop permet d'estimer son exposition aux rayonnements ionisants.
Qui a découvert la radioactivité ?
En 1895, le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen découvre des rayons qu'il appelle "Rayons X". Sa découverte est présentée à l'Académie des Sciences de Paris et attire l'attention du physicien français Henri Becquerel (1852-1908) qui travaille sur les phénomènes de phosphorescence. Lors d'une expérience menée en 1896 avec des sels d'uranium, il découvre la radioactivité naturelle. Il montre que l'uranium émet des rayons spécifiques, ionisants, qui ne sont pas des rayons X. Il les appelle "rayons uraniques". Deux ans plus tard, sa découverte intéresse Pierre et Marie Curie qui comprennent que l'origine de ce rayonnement est due à certains éléments, l'uranium en particulier (utilisé aujourd'hui dans les centrales nucléaires). Ils parviennent à isoler deux nouveaux éléments radioactifs, le polonium et le radium présents dans le minerai d'uranium. Pour ces découvertes, Henri Becquerel et les époux Curie reçoivent le prix Nobel de physique en 1903.
Quelles sont les unités de mesure de la radioactivité ?
Plusieurs unités sont utilisées pour quantifier la radioactivité. Certaines caractérisent l'activité d'un produit radioactif comme le Becquerel (Bq) alors que d'autres caractérisent la dose absorbée par l'organisme comme le Gray (Gy) et le Sievert (Sv). "Pour évaluer le risque d'un organe exposé à la radioactivité, on va parler en Gray ou "dose à l'organe" alors que si on s'intéresse à l'exposition du corps entier, on va parler de Sievert" explique Dominique Laurier.
- le Becquerel (du nom de son découvreur) : mesure l'activité d'un échantillon radioactif c'est-à-dire le nombre de désintégrations de ses noyaux radioactifs par seconde.
- le Gray : densité d'énergie déposée par les rayonnements dans un organisme ou un objet exposé à un échantillon radioactif. On parle de dose absorbée.
- le Sievert : unité qui mesure les effets biologiques résultant de la dose absorbée de rayonnements. Elle est utilisée pour avoir une vision globale de l'exposition d'une population par exemple.
Même à faible dose, le risque de cancer est majoré chez les personnes exposées à la radioactivité.
Comment la radioactivité affecte le corps de l'homme ?
L'homme peut être exposé à la radioactivité de deux manières : par une exposition externe (examen médical par exemple) ou interne. "Dans le cas d'une exposition externe, des rayonnements électromagnétiques peuvent ioniser la matière et entraîner des modifications biologiques au niveau des cellules. Ces rayons externes sont des rayons X qui peuvent parcourir une grande distance" détaille l'épidémiologiste. L'exposition interne caractérise elle l'incorporation de radionucléides qui sont "des particules radioactives incorporées dans le corps par inhalation ou ingestion d'aliments contaminés. Ce sont des sources d'exposition que l'on retrouve dans les territoires contaminés après Tchernobyl".
Quels sont les effets de la radioactivité sur la santé ?
Les effets de la radioactivité sur l'organisme humain dépendent du type de rayonnement et des doses d'exposition. "A très fortes doses, les rayons peuvent tuer des cellules et entraîner des modifications aiguës, une perte de capacité d'un organe. Ces effets sont appelés "réactions tissulaires". Ils ne surviennent pas dans l'exposition que l'on a tous les jours mais seulement de façon accidentelle" évoque notre interlocuteur. En revanche, même à faible dose, le risque de cancer est majoré chez les personnes exposées. Une étude coordonnée par le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) et publiée en juin 2015 dans la revue scientifique The Lancet Haematology a montré que l'exposition prolongée à de faibles doses de radioactivité accroît le risque de décès par leucémie chez les travailleurs du nucléaire. 300.000 travailleurs du nucléaire aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni ont été suivis sur une période allant de 1943 à 2005 (62 ans). L'exposition à la radioactivité modifie l'ADN et augmente ainsi la fréquence du cancer.
"Pour une même dose, la sensibilité est plus importante pour la moelle osseuse, la thyroïde et le cancer du sein"
"On sait que beaucoup de cancers peuvent être radio-induits. Certains organes sont plus sensibles aux rayonnements ionisants. Pour une même dose, la sensibilité est plus importante pour la moelle osseuse liée à la leucémie, la thyroïde avec le cancer de la thyroïde et le cancer du sein. Pour ces trois cancers, la relation dose-risque est la plus forte. On a aussi des observations sur le cancer du poumon et du foie." Des facteurs individuels entrent également en jeu dans le risque de développement de cancer : "Le risque est plus fort si l'exposition est reçue durant l'enfance, ou pendant la puberté pour le cancer du sein" indique l'épidémiologiste. En dehors du cancer, des pathologies dont les cataractes, les maladies cardio-vasculaires, les anomalies chromosomiques, les déficits du système immunitaire et des effets sur la reproduction ont été rapportés après l'accident de Tchernobyl.
Quelles sont les doses dangereuses pour la santé ?
La limite d'exposition du public est de 1 millisievert par an (mSv/an) en dehors des expositions médicales et naturelles, indique l'IRSN et d'environ 3 mSv toutes sources confondues selon l'OMS. Pour la population, on parle de faibles doses en-dessous de 100 mSv, c'est-à-dire jusqu'à 30 fois la dose reçue par an par la population française ; et de fortes doses au-delà de 1000 mSv. Au-delà de 100 mSv, des effets à long terme des rayonnements ionisants ont été démontrés par des études épidémiologiques menées sur les populations d'Hiroshima et de Nagasaki.
- À partir de 10 mSv, on préconise une mise à l'abri des populations. Cette dose représente 3 fois la dose annuelle reçue par la population française.
- Au-delà de 50 mSv, l'évacuation de la population est recommandée. Cela représente 15 fois la dose reçue par an par la population française.
Comment se protéger des rayons radioactifs ?
Les moyens de protection à mettre en place diffèrent selon les rayonnements.
► Contre les rayonnements externes "il faut mettre une barrière entre la source radioactive et les personnes. Dans le médical, il s'agit par exemple d'écrans plombés, de lunettes plombées ou de cache thyroïde. Lors d'un accident de réacteur nucléaire, il faut se protéger dans un bâtiment avec des murs en béton".
► Contre l'incorporation des rayonnements dans le corps, "il faut notamment éviter de manger des aliments contaminés par des niveaux élevés de radioactivité ou de l'eau contaminée. Contre le radon qui est un gaz radioactif venant du sol et pouvant augmenter le risque de cancer du poumon, on peut étanchéifier le sol d'un sous-sol dans une maison, aérer..." répond Dominique Laurier.
A quelle distance est-on protégé de la radioactivité ?
Plus on est éloigné de la source radioactive, plus on est protégé. Mais à partir de quelle distance ? De combien de kilomètres si on prend l'exemple de l'accident de Tchernobyl ? "La zone d'exclusion autour de Tchernobyl fixée à 30 kilomètres est liée au fait qu'il y a eu beaucoup de contaminations des sols. Habiter dans ces sols fait que les aliments sont contaminés, l'eau aussi est contaminée. Il y a donc une distance à respecter pour se protéger du risque d'incorporation des particules radioactives" explique l'épidémiologiste. Dans l'air, les rejets radioactifs peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres. Entre le 26 avril 1986 (jour de l'accident de Tchernobyl) et la mi-mai 1986, le panache radioactif en provenance de la centrale de Tchernobyl (2300 kilomètres de Paris) a disséminé des éléments radioactifs tels que l'iode 131, le césium 134 et le césium 137 sur la plupart des pays d'Europe. Le césium 137 est encore présent dans certains sols de l'Est de la France plus de 30 ans après l'accident. Au sein des masses d'air contaminées, les radionucléides non gazeux ont été transportés sous forme de particules, appelés aérosols. Au fil du temps, ils ont fini par retomber au sol sous forme de dépôt. L'Ukraine, la Biélorussie et la Russie ont été les pays les plus affectés : ils ont reçu environ 60% de la radioactivité totale rejetée. En France, les dépôts ont été les plus importants dans les départements du nord-est, de Franche-Comté, du sud des Alpes et de la Corse, selon les analyses de l'IRSN.
Que faire en cas d'alerte nucléaire ?
En cas d'alerte nucléaire, le gouvernement recommande de :
- Se mettre à l'abri dans un bâtiment en dur, fermer portes et fenêtres et couper la ventilation.
- Si on est dans un véhicule, gagner un abri (immeuble, logement..) le plus rapidement possible. Un véhicule n'est pas une bonne protection.
- Ne pas toucher aux objets (à sa véhicule notamment), aux aliments, à l'eau.
- S'il pleut, laisser à l'extérieur tout ce qui aurait pu être mouillé par la pluie (parapluie, chaussures, manteau, imperméable...).
- Se tenir informé et respecter les consignes de protection des pouvoirs publics (sur la prise d'iode notamment) diffusées par les médias, le site internet et les comptes de votre préfecture sur les réseaux sociaux.
- Ne pas aller chercher ses enfants à l'école. Ils sont pris en charge par les équipes pédagogiques en milieux scolaire et périscolaire. Ne pas chercher à rejoindre les membres de sa famille s'ils sont à l'extérieur.
- Éviter de téléphoner afin de laisser les réseaux disponibles pour les secours.
- Prendre de l'iode uniquement sur instruction du Préfet et sauf contre-indication médicale. Si vous n'avez pas de comprimé à domicile au moment de l'accident, une distribution d'urgence sera organisée, dans des lieux collectifs définis par le Préfet. Les femmes enceintes et enfants de moins de 18 ans sont principalement concernés.
- Se préparer à une éventuelle évacuation et, le cas échéant, suivre les consignes d'évacuation des zones concernées. Se munir de son "kit d'urgence" (photocopie des papiers d'identité, papiers personnels, traitements médicaux, vêtements, nourriture, boisson).
- Pendant l'évacuation, respecter les consignes de circulation.
Merci à Dominique Laurier, épidémiologiste et adjoint au Directeur de la Santé à l'IRSN.
Sources :
- Rayonnements ionisants, INRS
- Découvrir et comprendre la radioactivité, CEA.