Rayonnement ionisant : c'est quoi, effets, danger de cancer ?

Nous sommes en permanence exposés aux rayonnements ionisants d'origine naturelle ou artificielle. Des personnes peuvent être exposées à des doses élevées lors d'accidents, entrainant des effets néfastes sur la santé. Quels effets ? Les réponses avec le Dr Marie-Odile Bernier, épidémiologiste.

Rayonnement ionisant : c'est quoi, effets, danger de cancer ?
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Définition : c'est quoi un rayonnement ionisant ? 

Dans notre quotidien, il existe de nombreux types de rayonnement - ou rayons-, visibles ou invisibles. Mais la plupart (radio, téléphonie mobile, micro-ondes) ne sont pas ionisants car ils ne dégagent pas assez d'énergie pour endommager l'ADN. "Certains rayonnements sont dit ionisants car ils émettent des rayons d'énergies suffisantes pour transformer les atomes qu'ils traversent en ions, explique le Dr Marie-Odile Bernier, épidémiologiste. Cela peut rendre instable la matière". Les éléments instables qui se désintègrent en émettant des rayonnements ionisants sont appelés radionucléides. "Tous les radionucléides sont identifiés de façon unique par le type de rayonnement qu'ils émettent, l'énergie de ce rayonnement et leur demi-vie. Les rayonnements provoquent des effets différents sur l'organisme en fonction du type de rayonnement et de la dose reçue".  

Rayonnement ionisant A ou B : quelles différences ? 

L'énergie dégagée n'est pas identique pour tous les rayonnements ; les moyens de s'en protéger sont donc différents. "Par exemple, une feuille de papier est suffisante pour arrêter les rayonnements alpha, mais il faut un mètre de béton ou de plomb pour arrêter des rayonnements gamma", précise le Dr Bernier. On distingue ainsi trois types de rayonnements produits par les substances ou les sources radioactives :

  • Le rayonnement "alpha" perd très vite son énergie. Il a un pouvoir de pénétration très faible. Il ne parcourt que quelques centimètres dans l'air. "Une simple feuille de papier ou les couches superficielles de la peau suffisent à l'arrêter".
  • Le rayonnement béta est chargé électriquement. "Pour s'en protéger, une simple feuille d'aluminium de quelques millimètres suffit. On peut également utiliser une feuille de verre ou un écran d'un centimètre de plexiglas".
  • Enfin, le rayonnement gamma va pénétrer davantage dans l'organisme que les rayonnements alpha et bêta. Pour s'en protéger, "le blindage doit être très épais. Par exemple, pour réduire de seulement 30 % ce rayonnement, il est nécessaire d'être derrière 6 cm de plomb, 30 cm de béton ou 54 cm de terre".

Exemple de rayonnement ionisant ? 

Les êtres humains sont exposés quotidiennement à des rayonnements ionisants d'origine naturelle. Ceux-ci proviennent de nombreuses sources parmi lesquelles plus de 60 radioéléments naturellement présents dans le sol, l'air et l'eau. "Par exemple, le radon, un gaz d'origine naturelle, s'échappe des roches et du sol et constitue la principale source de rayonnements naturelle", rappelle le médecin. On peut également citer :

  • Le rayonnement naturel provenant de l'espace ;
  • Le rayonnement terrestre émis par les minéraux présents dans la croûte terrestre ;
  • Le rayonnement associé à la consommation d'aliments et d'eau potable contenant du potassium 40 radioactif. 

"D'autres rayonnements ionisants sont d'origine artificielle et peuvent être utilisés en fonction de leurs propriétés dans les secteurs : médical (imagerie médical, médecine nucléaire, radiothérapie…), industriel (diagraphie non destructive, chromatographie, R&D…), ou nucléaire (cycle de l'uranium, énergie nucléaire…)".

Quels sont les effets d'un rayonnement ionisant sur la santé ?

"Les effets des rayonnements ionisants sur l'organisme varient en fonction de la dose reçue et de différents facteurs :  la source (activité ou intensité de la source de rayonnement, nature, énergie), le mode d'exposition (temps, fractionnement, débit) et la cible (tissus ou organes touchés)", détaille le Dr Bernier. On distingue deux types d'effets biologiques après un rayonnement ionisant : 
► Des effets immédiats sur les organismes comme, par exemple, des brûlures plus ou moins importantes. "La survenue de l'effet survient au-delà d'un certain seuil. On parle d'effet déterministe". En fonction de la dose et selon l'organe touché, le délai d'apparition des symptômes varie de quelques heures (nausées, radiodermites) à plusieurs mois ;

► Les effets à long terme sous la forme de cancers et de leucémies. La probabilité d'apparition de l'effet augmente avec la dose. "On parle d'effet stochastique".

"Quand les tissus ne sont pas trop atteints, et selon les atteintes, certains effets sont réversibles et les zones touchées peuvent guérir". 

Y a-t-il un danger de cancer ? 

"L'état général d'une personne contaminée ou irradiée dépend des dommages subis au niveau des cellules. Si l'ADN de la cellule irradiée a été atteint, on peut avoir apparaitre des cancers ou des leucémies des années après exposition", répond l'épidémiologiste. 

Comment savoir si un rayonnement est ionisant ? 

L'IRSN par exemple dispose d'une flotte de laboratoires mobiles qui permettent de réaliser rapidement des examens de contrôle de la radioactivité qui a pu être ingérée ou inhalée lors d'un accident. "Nous aurons ainsi des informations sur la répartition des radionucléides répartis, soit de façon homogène au niveau du corps entier, soit de façon spécifique au sein d'un tissu ou organe (thyroïde, poumons)", précise notre interlocutrice. "Il est important de réaliser également, pour les personnes travaillant dans des centrales, des prélèvements d'urines et de selles (radiotoxicologie) afin de déterminer l'activité excrétée par une personne pour laquelle une contamination interne est suspectée. Cette activité en becquerel/l permettra de calculer la dose reçue en Sievert". Des contrôles avec des dosimètres permettent aussi de mesurer la radioactivité

Que faire si on est exposé à un rayonnement ionisant ? 

"En cas d'exposition interne, par exemple dans le cas d'une exposition accidentelle à l'iode radioactif (en cas d'accident nucléaire), l'administration de pastille d'iode (non radioactif) va permettre de protéger la thyroïde, permettant à la radioactivité de s'éliminer rapidement en raison d'une part de l'excrétion de la radioactivité via les urines et les fèces, mais aussi de par la disparition spontanée de la radioactivité (par exemple la radioactivité de l'iode 131 diminue spontanément de moitié en 8 jours)", souligne le médecin. Et en cas d'exposition externe, à forte dose, il peut y avoir des brulures.

Comment se protéger d'un rayonnement ionisant ?

Les dispositions du chapitre Ier du titre V du livre IV de la quatrième partie du code du travail (articles R. 4451-1 et suivants) sont consacrées à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants, rappelle le site du Ministère du Travail. Elles rappellent que la radioprotection des travailleurs a été renforcée sur certains aspects, notamment en ce qui concerne l'exposition au radon, l'exposition des yeux (cristallin : risque de cataracte), les situations d'urgence radiologique, l'organisation de la radioprotection.
Les travailleurs disposent de matériel de protection : lunettes plombée, tablier en plomb, cache thyroïde…Pour les personnes qui travaillent avec des radiations ionisantes, la limite réglementaire est de 20 mSv par an sur une période consécutive de 12 mois.

Merci au Dr Marie-Odile Bernier, épidémiologiste à l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)