Cancer du sein chez la femme âgée : évolution, traitement
Exclues de la campagne de dépistage du cancer du sein, les femmes de plus de 75 ans sont peu nombreuses à passer des mammographies. Pourtant, 30% des cancers du sein surviennent après 70 ans. Quelles recommandations et prise en charge pour ces femmes ? Eclairage du Dr Jean-Michel Vannetzel, cancérologue.
Sujet tabou ou mal connu, le cancer du sein chez la femme âgée est souvent associé à des idées reçues : "Une femme âgée ne risque pas d'avoir un cancer du sein", "Le cancer n'est pas très grave ou n'évolue plus quand on est âgée"... Pour aider à lutter contre ces fausses croyances, 70 médecins oncologues ont signé une tribune dans laquelle ils pointent les limites et les dégâts de ce véritable problème de santé publique. Par exemple, "le dépistage de masse organisé (DMO) est une excellente initiative, intégralement prise en charge par la Sécurité sociale et promue par les gynécologues en France. Il permet de déceler des cancers qui font souvent moins d'un centimètre et d'atteindre alors un pronostic de guérison de 90%. Mais le problème de ce dépistage, c'est qu'il est réservé aux femmes de 50 à 74 ans. Passé cet âge, les femmes ne reçoivent plus leur courrier les invitant à faire une mammographie. Et à partir de 65 ans, on ne leur recommande plus forcément de consulter un gynécologue tous les ans (âge où il est admis de ne plus faire de frottis cervical).. Pour autant, la fréquence du cancer du sein augmente avec l'âge et la mortalité après 70 ans est de 50%, déplore le Dr Jean-Michel Vannetzel, cancérologue à l'initiative de la tribune et Président de l'Institut du Sein Henri Hartmann (ISHH) à Neuilly. Ces femmes, en échappant au dépistage organisé du fait de leur âge, sont rarement examinées cliniquement. Elles ne sont pas ou sont mal prises en charge pour le cancer du sein. Notre combat n'est pas de changer les règles du DMO et de l'élargir à cette tranche d'âge, mais d'informer les femmes (leur entourage également) et de les sensibiliser à une surveillance. Cela commence par un examen clinique chez leur médecin généraliste ou leur gynécologue, accompagné en fonction de leurs facteurs de risque, d'une mammographie". Combien de cancers du sein sont découverts chez la femme âgée en France ? Quelles sont leurs particularités ? Quels traitements envisager ? Quel pronostic de survie ?
Quels sont les chiffres du cancer du sein chez la femme âgées en France ?
- Chaque année, environ 12 000 nouveaux cancers du sein sont détectés chez les femmes de plus de 74 ans en France, dont environ 6 000 décès. Autrement dit, 1 décès sur 2 par cancer du sein concerne ces femmes.
- 30% des cancers du sein surviennent après 70 ans en France.
- Dans cette tranche d'âge, moins de 5 % des cancers sont repérés par le médecin traitant, les deux tiers étant
retrouvés par la patiente elle-même, avec une taille de plus de 2 cm dans 80% des cas.
Quand consulter ?
La consultation chez un médecin généraliste ou un gynécologue est particulièrement recommandée si vous observez une grosseur, une douleur, une rougeur et/ou un écoulement anormal au niveau mammaire. Quel que soit votre âge, il faut faire examiner ses seins une fois par an par votre médecin traitant ou par votre gynécologue et ne pas hésiter à demander une mammographie de dépistage.
Comment est posé le diagnostic ?
Chez la femme âgée, la tumeur est généralement révélée par une autopalpation (découverte d'une grosseur), à un stade beaucoup plus tardif que chez une femme éligible au dépistage organisé. Il ne faut pas hésiter à dire à son médecin "je veux continuer à faire une mammographie", de même que le médecin doit continuer à procéder à une surveillance individuelle et régulière. Première étape du diagnostic : l'examen clinique des seins.
Il ne faut pas hésiter à dire à son médecin "je veux continuer à faire une mammographie"
Le médecin interroge la patiente sur son passé médical personnel et sur les facteurs de risque et les antécédents familiaux. Il procède à un examen minutieux des seins et des creux axillaires à la recherche de ganglions sous les aisselles. En fonction du risque, une mammographie et une échographie sont réalisées (parfois une IRM mammaire). En cas de lésion suspecte, un prélèvement par biopsie au niveau de cette lésion est nécessaire. C'est le seul examen permettant de déterminer avec certitude s'il s'agit d'un cancer ou pas.
Quelle évolution et quelles chances de survie ?
"Non, les cancers du sein chez la femme âgée ne sont pas moins agressifs que ceux de la femme jeune. Ils ont d'ailleurs leurs propres caractéristiques biologiques (ils sont par exemple plus sensibles à l'hormonothérapie)", précise notre expert. Après 70 ans, la mortalité est de 50% car en général, il s'agit de tumeurs révélées tardivement, qui font plus de 2 cm. "Et plus le cancer est diagnostiqué à un stade avancé, plus il y a un risque de dissémination métastatique, autrement dit un risque de généralisation du cancer, et une mammectomie (ablation du sein) alors que s'il avait été dépisté plus tôt, une prise en charge, notamment une chirurgie conservatrice du sein, aurait pu tout à fait être envisagée", déplore le médecin.
Quels sont les traitements ?
Les traitements du cancer du sein sont les mêmes que chez la femme jeune, mais ils sont adaptés en fonction de l'âge physiologique de la patiente. "L'âge physiologique n'est pas l'âge de l'état civil. D'autant qu'après 74 ans, beaucoup de femmes sont très en forme", précise notre interlocuteur. L'âge physiologique est défini par une évaluation gériatrique approfondie (EGA) qui va permettre de mesurer l'âge physiologique de la patiente sur les plans médicamenteux, cardiovasculaire et cognitif. En fonction de ces paramètres, les traitements anticancéreux (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, thérapie ciblée, immunothérapie) sont adaptés. "Les dernières recommandations consistent à inclure les oncogériatres pour permettre la mise en place et l'adaptation des traitement la plus fine possible. Il faut considérer les femmes âgées comme les autres patientes dans la prise en charge de leur cancer, en prenant en compte évidemment leur état de santé, mais aussi leur environnement socio-familial, des particularités psychologiques ou économiques, un éventuel isolement, insiste le Dr Vannetzel. Comme l'a dit le Docteur Marc Espié (de l'Hôpital Saint Louis) : il est grand temps d'adapter nos prises en charge en tenant compte du rapport bénéfice- risque chez la femme âgée, comme on le fait avec toutes nos patientes, ni plus ni moins !"
► La chirurgie est envisageable chez la femme de plus de 75 ans. "La contre-indication chirurgicale est rare. Le refus de la chirurgie vient le plus souvent de la patiente elle-même ou de sa famille. La chirurgie doit bien sûr être adaptée, notamment avec l'avis des oncogériatres".
► Une chimiothérapie très légère ou en comprimé peut également être proposée. Lorsque la patiente présente plusieurs pathologies, on peut être amené à réduire les doses ou la durée de la chimiothérapie ou à choisir des médicaments différents.
► La plupart des médicaments pris dans le cadre d'une hormonothérapie peuvent être adaptés.
► On peut également envisager une radiothérapie très courte (5 ou 7 séances par exemple) pour limiter les aller-retours et les déplacements, voire ne pas faire de radiothérapie du tout dans certains cas.
► En plus des traitements anticancéreux, certaines personnes nécessitent différentes interventions gériatriques : kinésithérapie, soutien nutritionnel, mesures psychosociales...
Merci au Dr Jean-Michel Vannetzel, cancérologue et Président de l'Institut du Sein Henri Hartmann (ISHH) à Neuilly.