Mélanome uvéal (oculaire) : cause, symptômes, opération et pronostic

Le mélanome uvéal est le cancer de l'œil le plus fréquent chez l'adulte. Il s'agit d'une tumeur rare avec un taux d'incidence d'environ 500 nouveaux cas par an en France. Les personnes âgées ou celles aux yeux clairs sont plus à risque. Symptômes, causes, pronostic, opération... Le point avec deux spécialistes de l'Institut Curie.

Mélanome uvéal (oculaire) : cause, symptômes, opération et pronostic
© Pavel Losevsky - 123RF

Définition : qu'est-ce qu'un mélanome uvéal ?

Le mélanome uvéal, aussi appelé mélanome oculaire, affecte l'uvée, une couche vasculaire qui contient des cellules pigmentées ou mélanocytes dont la densité est liée à la pigmentation de l'individu. Il s'agit de la forme de cancer de l'œil la plus fréquente chez l'adulte, bien qu'il ne concerne que 500 à 600 cas par an. "La tumeur se manifeste au départ par des flashs lumineux puis une gêne visuelle (amputation du champ visuel) ou une baisse de la vision. Cette tumeur maligne peut donner des métastases dans 30 à 50 % des cas, (le plus souvent hépatiques) pouvant compromettre la survie des patients", explique le Dr Marc-Henri Stern, médecin-chercheur à l'Institut Curie. Son incidence étant faible, le cancer de l'œil reste très mal connu du grand public et même des professionnels de santé. L'Institut Curie est le centre référent national pour cette pathologie.

Quels sont les symptômes ?

Le mélanome oculaire est généralement invisible et ne cause pas de douleurs au niveau de l'œil.

Le mélanome oculaire est généralement invisible et ne cause pas de douleurs au niveau de l'œil. Il peut en revanche être à l'origine de symptômes non spécifiques tels que l'apparition de flashs (phosphènes) qui est un signe fréquent et précoce, la baisse de l'acuité visuelle, ou d'une tache dans le champ de vision (scotome). En l'absence de prise en charge, le mélanome uvéal évolue vers le décollement de rétine et la perte de la vision. La présence d'un nævus choroïdien (grain de beauté au niveau de l'oeil) n'est pas systématiquement liée à un mélanome oculaire, mais requiert une surveillance spécifique et régulière.

Quelles sont les causes ?

À ce jour, aucun facteur de risque environnemental n'a été identifié pour cette maladie.

"Les formes familiales de mélanome uvéal sont extrêmement rares (environ 1% des mélanomes uvéaux, soit environ 5 cas familiaux en France par an). Il y a donc très peu de chance de transmission à la descendance", précise le Pr Nathalie Cassoux, chirurgienne spécialiste des cancers de l'œil. Jusqu'à présent, la seule prédisposition connue pour le mélanome uvéal était une altération héréditaire du gène BAP1 - un gène suppresseur de tumeurs - à l'origine d'une partie des cas familiaux de mélanomes uvéaux, altération très exceptionnellement retrouvée dans les cas non familiaux.

Les mélanomes uvéaux sont le plus souvent caractérisés par un faible niveau de mutations des tumeurs, qui de fait ne répondent que rarement à l'immunothérapie. "Cependant, l'équipe Réparation de l'ADN et mélanome uvéal de l'Institut Curie a récemment rapporté quelques cas associés à des taux importants de mutations des tumeurs liés à l'inactivation du gène MBD4 et qui pourraient bénéficier de l'immunothérapie, poursuit le Dr Stern. Le gène MBD4 (Methyl-CpG Binding Domain 4, DNA Glycosylase) code pour une enzyme impliquée dans la réparation de l'ADN et semble agir comme un gène suppresseur de tumeur. Son inactivation conduit à l'accumulation d'un type très particulier de mutations, les mêmes qui se produisent au cours du vieillissement d'un individu ou d'une cellule".

L'exposition au soleil n'est pas en cause dans le mélanome uvéal, contrairement au mélanome cutané. À ce jour, aucun facteur de risque environnemental n'a été identifié pour cette maladie.

Qui sont les personnes les plus à risque ?

Le mélanome oculaire survient plus souvent chez :

  • les personnes âgées entre 50 et 70 ans
  • les personnes aux yeux bleus, verts ou gris qui ont 2 à 3 fois plus de risques d'être atteintes que les personnes aux yeux bruns.

Peut-il métastaser ?

Le risque de métastase dépend de plusieurs facteurs. Les petites tumeurs ont très peu de risque de métastases. "Pour les tumeurs plus évoluées, le risque dépend de la taille de la tumeur (diamètre et épaisseur), de la présence d'une extériorisation, du type histologique et de la génomique des cellules tumorales, détaille le Dr Stern. Les cellules tumorales ayant perdu un des deux chromosomes 3 (monosomie) ou ayant gagné une ou plusieurs copie du chromosome 8 (gain du 8) sont plus à risque de développer de métastases. Les mutations ont également leur importance, en particulier la mutation du gène BAP1 (situé sur le chromosome 3) qui augmente le risque de métastases. Dans cette maladie, les métastases se développent dans environ 80% des cas dans le foie". Au cours du suivi des patients traités pour un mélanome uvéal, en fonction du risque, le patient sera suivi par une échographie hépatique tous les 6 mois (risque faible) ou une IRM hépatique tous les 3 mois (risque plus élevé).

Quand s'inquiéter ?

D'une manière générale, l'apparition de symptômes tels que des flashs lumineux persistants, une gêne dans le champs visuel, une baisse de la vision d'un œil doit conduire à un examen ophtalmologique complet comprenant un fond d'œil après dilatation de la pupille sans délais.

Quel spécialiste consulter ?

Un ophtalmologiste soit près de son domicile soit aux urgences de l'hôpital le plus proche. Une fois le diagnostic suspecté ou établi le patient sera dirigé dans un centre spécialisé. L'Institut Curie est le centre national de référence labellisé par l'Inca (centre national du cancer) et travaille avec des centre relais dans le cadre du réseau national MELACHONAT (Nice, Lille, Rennes, Clermont Ferrand, Bordeaux, Lyon, Strasbourg).

Quel est le diagnostic ?

Le diagnostic repose sur l'examen ophtalmologique (de routine ou suite à un des symptômes précédemment cités) qui retrouve une masse pigmentée de volume variable associée à un décollement exsudatif de la rétine. "Le diagnostic peut être étayé par une échographie oculaire qui retrouve une tumeur hypo échogène caractéristique, indique le Pr Cassoux. Pour les petites tumeurs, une angiographie à la fluorescéine et un OCT (Ocular Coherence Tomography) peuvent être utiles. Dans la très grande majorité des cas, ces examens suffisent à établir le diagnostic. Dans certains cas très rares de tumeur non pigmentée ou atypique, on peut être amené à demander une IRM, une échographie doppler, voire une biopsie".

Quels sont les traitements ?

La prise en charge d'un mélanome oculaire dépend de la taille de la tumeur. Les tumeurs de petite ou moyenne taille (de moins de 20 mm de diamètre et de moins de 10 mm d'épaisseur) peuvent être traitées par radiothérapie. "La technique la plus courante est la radiothérapie par faisceaux de proton, explique le Professeur. Cette radiothérapie ultra précise permet d'irradier un petit volume en épargnant les tissus sains. Seuls deux appareils de protonthérapie sont équipés d'une ligne horizontale permettant de traiter les mélanomes oculaires : le centre de protonthérapie d'Orsay et le centre A. Lacassagne à Nice. La curiethérapie par disque d'Iode 125 uniquement disponible à l'Institut Curie est moins utilisée, mais reste très utile pour les tumeurs antérieures et pour les patients qui, pour des raisons de santé, ne peuvent être traité par protons. Afin d'augmenter les chances de conserver le globe ou la vision, des techniques chirurgicales (endorésection) ou médicales (injection intraoculaire d'anti VEGF ou de corticoïdes) ont été développées. Ces techniques de radiothérapie permettant un contrôle local proche de 95%".

Quand envisager l'opération ?

Il faut envisager une opération pour les tumeurs plus évoluées dont le diamètre et l'épaisseur sont trop importante, une énucléation (l'ablation chirurgicale de l'œil) et un équipement par prothèse reste la meilleure solution.

Quel est le pronostic ?

Les facteurs pronostiques incluent la taille et l'épaisseur de la tumeur, la présence d'une extériorisation, le type histologique et le profil génomique des cellules tumorales. "La perte d'un des deux chromosomes 3 (monosomie) ou le gain du chromosome 8 sont des facteurs importants de mauvais pronostic", conclut le Dr Stern.

Merci au Dr Marc-Henri Stern, médecin-chercheur, chef de l'équipe Réparation de l'ADN et mélanome uvéal à l'Institut Curie et au Pr Nathalie Cassoux, chirurgienne spécialiste des cancers de l'œil et chef du département de chirurgie de l'Institut Curie, pour leur validation.

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