Infiltrations : indications, déroulé, repos, danger
Les infiltrations consistent à injecter localement un anti-inflammatoire, le plus souvent un corticoïde, dans la zone de la lésion à traiter. Le but est d'augmenter l'efficacité de ce médicament par rapport à une prise par voie orale. C'est une pratique courante pour soulager les affections rhumatologiques. Explications avec le Dr Arnaud Alluin.
Définition : c'est quoi une infiltration ?
"Une infiltration est un geste technique qui consiste à injecter sur une zone cible (articulation, tendon ou nerf) un médicament destiné à diminuer la douleur, explique le Dr Arnaud Alluin, anesthésiste et médecin spécialiste de la douleur. En général, le produit injecté est un anti-inflammatoire à base de cortisone qui agit à la fois sur la douleur et sur l'inflammation, et ce de façon prolongée. Ce corticoïde peut être associé ou non à un anesthésiant local ou un adjuvant". Pour une infiltration, on a en général intérêt à choisir un corticoïde à demi-vie biologique courte dans les régions péri-tendineuses, dont les risques d'atrophie sous-cutanée sont moins importants. Dans d'autre cas comme une articulation, il est possible d'utiliser des produits à demi-vie plus longue. Il est important de signaler en amont de l'infiltration si :
► Vous êtes enceinte ou si vous allaitez.
► Vous avez une infection ou de la fièvre : dans ce cas, il faudra probablement repousser le rendez-vous.
► Vous êtes allergique à un traitement.
► Vous êtes sous traitement anti-coagulant (aspirine…).
Il existe plusieurs techniques pour réaliser ce geste et permettre à l'aiguille d'atteindre la zone douloureuse avec une plus grande précision :
► Anatomique, on utilise les repères osseux.
► Sous contrôle échographique : "ce qui permet de sécuriser le coté vasculaire, notamment pour l'infiltration d'une zone plus large".
► Sous contrôle scopique (scanner, radio…). "Dans ce cas, l'infiltration est réalisée dans une salle de radiologie avec un contrôle radioscopique : le trajet de l'aiguille est repéré à la radiographie. L'injection d'une petite quantité de produit de contraste, avant l'infiltration elle-même, confirme que la pointe de l'aiguille est bien placée".
"L'infiltration peut être prescrite par un rhumatologue (spécialistes des troubles musculosquelettiques), un orthopédiste (lorsqu'un patient n'est pas éligible à une prothèse par exemple), un médecin du sport, un médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation ou un médecin de la douleur. L'intervention peut se faire en cabinet (s'il n'y a pas besoin d'outils de contrôle en imagerie), en centre de radiologie, en structure de soin avec plateau technique, ou au bloc opératoire si le patient requiert par exemple une sédation en cas d'infiltration douloureuse".
Indications : dans quels cas faire une infiltration ?
"Les indications sont assez variées mais généralement on prescrit une infiltration lorsque les traitements anti-inflammatoires et antalgiques ne sont plus suffisamment efficaces pour soulager une crise douloureuse", poursuit le spécialiste. La douleur peut être liée à différents contextes cliniques :
► Une origine inflammatoire (douleurs articulaires, tendinites, lombalgies persistantes, sciatiques persistantes …)
► De l'arthrose (destruction progressive du cartilage). "Dans le cas d'une arthrose au niveau de la hanche ou du genou, on peut faire une infiltration avec de l'acide hyaluronique, un des constituants naturels du liquide synovial (liquide articulaire normal dans lequel baigne le cartilage d'une articulation). Cela permet de rehuiler l'articulation".
► Des poussées inflammatoires des rhumatismes chroniques
► Le syndrome du canal carpien
► A la suite d'une poussée de polyarthrite rhumatoïde. "On injecte alors un corticoïde beaucoup plus puissant que celui utilisé dans l'arthrose, dans le but d'assécher l'articulation et de désenflammer la membrane synoviale. On parle alors de synoviorthèse".
►En cas de douleur chronique neuropathique (infiltration péri nerveuse en loco-régional)
"On a tendance à pratiquer de plus en plus tôt l'infiltration dans le processus de soulagement de la douleur. Mais elle n'est pas toujours une solution finale. Elle n'est indiquée que dans un problème local et ciblé. Pas dans une pathologie étendue comme une polyarthropathie".
Quel est l'intérêt de faire une infiltration ?
"Le principal intérêt est de traiter le symptôme de la douleur, répond le médecin. C'est d'avoir la puissance anti-inflammatoire des corticoïdes avec peu d'effets secondaires. De plus la concentration locale importante de produit actif permet d'obtenir une efficacité maximale". S'il s'agit d'un problème postural, on conseillera au patient, après son infiltration, du renforcement musculaire avec un kinésithérapeute.
Où faire une infiltration ?
Une injection de corticoïde peut être réalisée :
- dans une cavité articulaire,
- dans une bourse séreuse,
- dans une gaine synoviale,
- à la périphérie d'une insertion tendineuse dans l'espace épidural.
"On peut réaliser une infiltration pratiquement dans n'importe quelle partie du corps, assure le spécialiste. Même si les infiltrations dans le système nerveux central restent rares et très encadrées". On peut également avoir recours à cette technique sur le système nerveux périphérique en cas de migraine en infiltrant les nerfs occipitaux. "L'intervention se déroule alors au bloc opératoire, sous anesthésie locale ou une éventuelle sédation et en ambulatoire".
Comment se déroule une infiltration ?
Avant l'infiltration, le patient doit apporter les médicaments nécessaires à l'injection qui lui ont été prescrits par son médecin traitant, ou le médecin qui pratiquera le geste le cas échéant. Pas besoin d'être à jeun (sauf en cas de sédation associée). "Pendant l'infiltration le patient sera allongé sur un lit, sur le dos, sur le ventre ou sur le côté en fonction du type d'injection, détaille notre spécialiste. Sous contrôle radiologique, il sera sur une table de radiographie". Il est important que le patient reste immobile pour faciliter le geste du médecin.
"Après une désinfection soigneuse de la zone cutanée pour limiter les risques d'infection, le médecin réalise une anesthésie locale à l'aide d'une aiguille ultrafine puis à l'aide d'une seconde aiguille fine, une injection sous guidage radiologique, échographique ou scanographique, une infiltration au contact de l'endroit à traiter est réalisée". Le matériel est stérile et posé sur un champ opératoire. La ponction à l'aiguille lors d'une infiltration n'est pas plus douloureuse qu'une prise de sang.
La ponction à l'aiguille lors d'une infiltration n'est pas plus douloureuse qu'une prise de sang
"Elle ne dure que quelques minutes si le geste est réalisé dans le calme et que le patient est détendu car le guidage radiologique permet un geste précis. Certaines infiltrations comme pour des apophyses articulaires rachidiennes sont plus longues et peuvent durer plusieurs dizaines de minutes (en cas d'injection multiples ou de rachis dégénératif)". Après le retrait de l'aiguille, un pansement est mis en place pour quelques jours. "Prévoyez éventuellement d'être accompagné pour ne pas avoir à faire un long trajet au retour".
Au bout de combien de temps fait effet une infiltration ?
"Une infiltration, après un repos de 24-48h pour éviter un rebond inflammatoire, permet une amélioration des symptômes rapidement. Un anesthésiant local combiné peut accélérer l'amélioration des symptômes (quelques minutes) en attendant l'effet anti-inflammatoire".
A quelle fréquence faire une infiltration ?
"On conseille de ne pas faire d'infiltrations de manière trop rapprochée, insiste notre interlocuteur. Il faut au moins laisser 3 mois entre deux injections. Si la réponse est partielle, on pourra refaire une injection. Si aucun résultat n'est obtenu après trois infiltrations sur la même zone, il est déconseillé d'insister".
Quels sont les effets secondaires d'une infiltration ?
Comme pour toute ponction ou infiltration, il existe un très faible risque d'infection évalué à moins de 1 sur 70 000. En cas de fièvre ou d'inflammation à la suite du geste, le médecin doit être prévenu. Des réactions allergiques plus ou moins sévères sont toujours possibles même si elles sont exceptionnelles. "Les effets secondaires de la cortisone et des traitements corticoïdes (troubles digestifs, troubles endocriniens, fragilité osseuse, ostéoporose) ne se produisent presque jamais avec les infiltrations car le produit est injecté à des doses minimes en comparaison avec les traitements par voie orale". Il peut y avoir également une douleur au point d'injection. Elle disparait en quelques heures. "On peut alors mettre une poche de glace sur le point et prendre du paracétamol si la douleur est gênante".
Quel repos après une infiltration ?
L'infiltration peut faire régresser très rapidement la douleur au niveau de l'articulation, du tendon ou du nerf. "Toutefois, il est préférable de se ménager dans les 24 heures qui suivent pour laisser le produit agir et obtenir une amélioration durable", conclut le Dr Alluin.
Merci au Dr Arnaud Alluin, anesthésiste et médecin de la douleur à la Clinique du Sport et de chirurgie orthopédique de Marcq-en-Barœul (59).