Comment est fabriqué un médicament ?

Un médicament n'est pas un produit comme les autres. Avant d'être mis sur le marché, il fait l'objet de tests d'efficacité et de toxicité et est soumis à différentes procédures réglementaires. La rédaction vous propose de découvrir son parcours, du processus de recherche à la pharmacovigilance, en passant par la fixation de son prix et son remboursement.

Comment est fabriqué un médicament ?
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Etapes de fabrication : quelle loi en France ?

Le médicament est un produit spécifique. Pour être appelé comme tel, il doit correspondre à une définition précise donnée par le Code de la Santé Publique (article L.5111-1) : "Toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique."

Un médicament peut ainsi :

  • soigner une maladie ;
  • la prévenir ;
  • aider à faire un diagnostic ;
  • modifier une fonction de l'organisme.

Durant les différentes étapes de leur fabrication (qui s'étale en général sur une dizaine d'années), les médicaments suivent un cycle industriel qui les fait passer des matières premières au produit finit tel qu'on le trouve dans les pharmacies. Ce cycle peut différer en fonction de la forme galénique finale qu'aura le médicament (gélules, comprimés, capsules, sirop…). "Un processus extrêmement réglementé où le contrôle qualité et le respect des bonnes pratiques de fabrication sont essentiels", rappelle le site du LEEM (les entreprises du médicament). Il "répond à des normes de qualité nationales et internationales très strictes, et garantit le respect de l'environnement et de la sécurité".

Les étapes du processus de fabrication d'un médicament sont les suivantes :

  • Ingrédients de base : les principes actifs ou substances actives (ex : paracétamol), les excipients (amidon, gélatine, lactose).
  • Pesée (dosage de la quantité qui sera présente dans le médicament) et mélange de la substance active avec les excipients. Si la forme est liquide ou pâteuse, elle sera répartie en flacons, tubes, ampoules, formes injectables, sprays, patchs.
  • Séchage : Cette étape a lieu pour les médicaments en dehors des liquides. Il s'agit de séparer les liquides des solides par évaporation. On obtient ainsi de la poudre.
  • Compression : Cette étape a lieu seulement pour les comprimés. Elle consiste à transformer la poudre en comprimés en les compressant.
  • Conditionnement Primaire : il regroupe une série d'opérations comme la mise en sachet pour la poudre ou en pilulier pour les pilules.
  • Conditionnement Secondaire : le médicament est alors mis en boite, les notices sont imprimées et ajoutées. Tout comme les vignettes.
  • Mise en palette
  • Stockage : Contrôle qualité (tests par des laboratoires de contrôle) : respect des bonnes pratiques de fabrication + assurance qualité + supply chain / logistique

Processus de recherche

Tout commence par la recherche fondamentale. Elle consiste à comprendre les mécanismes de la maladie afin de déterminer la cible que le médicament devra atteindre. Après l'identification d'une nouvelle cible thérapeutique, c'est-à-dire en général un mécanisme essentiel (une protéine, un gène…) à la survenue d'une maladie, des milliers de molécules susceptibles de présenter un intérêt thérapeutique sont sélectionnées, explique le site du ministère de la Santé. Puis c'est le criblage : sur 10 000 molécules criblées, 10 feront l'objet d'un dépôt de brevet et 1 seule parviendra à passer toutes les étapes de tests et d'essais cliniques pour devenir un médicament, complète le LEEM. Le brevet, essentiel au financement de la recherche, permet de protéger l'innovation pendant 20 ans. Il peut être prolongé pour une durée maximale de 5 ans par un certificat complémentaire de protection (CCP).
Le brevet débute dès que la molécule est identifiée. Celle-ci va ensuite subir des séries de tests précliniques et cliniques en laboratoire afin d'évaluer ses principaux effets et sa toxicité. Ce processus s'étend sur une dizaine d'années.

Essais cliniques

Pour garantir la sécurité des patients qui seront amenés à utiliser un nouveau produit de santé ou d'une nouvelle stratégie de traitements, il est nécessaire d'évaluer son efficacité et sa tolérance sur un groupe limité de personnes avant qu'il ne soit rendu disponible plus largement, souligne le site de l'ANSM. Ces études sont appelées essais cliniques. Ils permettent de déterminer les meilleures conditions d'utilisation des produits de santé. Ils peuvent également être réalisés afin d'évaluer une nouvelle façon d'utiliser un traitement connu.
Il existe quatre phases d'évaluation distinctes les unes des autres et successives, dont chacune donne lieu à un essai clinique différent

  • Phase I : étude de l'évolution de la molécule testée dans l'organisme en fonction du temps (cinétique) et analyse de la toxicité sur l'être humain. Cette phase est menée sur un petit nombre de personnes volontaires et non malades (volontaires sains) ;
  • Phase II : administration du médicament à un petit nombre de patients pour rechercher la plus petite dose efficace et observer des effets secondaires nocifs en utilisant différentes doses ;
  • Phase III : comparaison de l'efficacité du nouveau médicament par rapport au traitement de référence (lorsque celui-ci existe) et/ou à un placebo (lorsqu'aucun traitement n'existe). Cette phase s'adresse à un grand nombre de patients et dure plusieurs années. Les patients sont sélectionnés sur des critères précis qui permettront de répondre à la question de l'efficacité et du bénéfice du médicament testé comme nouveau traitement standard de la maladie concernée. Les essais de phase III permettent également d'identifier les risques potentiels du nouveau médicament. Durant cette phase, se déroulent également des essais relatifs au développement industriel et au mode d'administration et de conditionnement (gélules, comprimés, sirop…).
  • Phase IV : les essais sont réalisés une fois le médicament commercialisé. Ils permettent d'approfondir la connaissance du médicament dans les conditions réelles d'utilisation et d'évaluer à grande échelle et sur le long terme sa tolérance.

Les essais cliniques nécessitent un avis favorable du Comité de protection des personnes (C.P.P.) et une autorisation délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Autorisation de mise sur le marché (AMM)

Une fois le rapport sur les essais cliniques publié démarre la phase administrative qui permettra la mise à disposition du traitement à l'ensemble des patients concernés et son remboursement. Cette phase qui est initiée sur demande du fabricant, est encadrée par une forte réglementation qui aboutit à une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). La délivrance d'une AMM est fondée sur l'examen de la balance bénéfice/risque du produit, rappelle l'ANSM, et plus précisément sur l'examen de(s) :

  • la démonstration de son efficacité au regard :
  • des indications visées, c'est- à- dire la (ou les) maladie(s) ciblées par le médicament ;
  • du profil des patients auxquels il est destiné ;
  • de la posologie recommandée (dose, durée de traitement) ;
  • effets indésirables prévisibles liés à son utilisation et leur fréquence, recueillis au moment des essais non cliniques et cliniques ;
  • la qualité chimique, biologique ou microbiologique du médicament (substance active et produit fini) ainsi que la qualité des procédés de fabrication.

Afin d'obtenir une AMM, un laboratoire pharmaceutique doit présenter à l'autorité compétente (nationale ou européenne) un dossier qui doit regrouper :

  • les données collectées au cours :
  • des essais précliniques, c'est-à-dire les tests sur des animaux, des cellules et des tissus ;
  • des essais cliniques, c'est-à-dire les premiers essais chez l'homme ;
  • les données portant notamment sur :
  • la qualité chimique ou microbiologique du produit fini ;
  • les procédés de fabrication de la substance active et du produit fini.

Une fois l'AMM obtenue, la décision de commercialiser ou non le médicament relève du laboratoire. Si le laboratoire n'a pas commercialisé le médicament dans les 3 années suivant l'obtention de l'AMM, celle-ci devient caduque. L'AMM ou l'enregistrement sont délivrés pour une durée initiale de 5 ans. Ils peuvent ensuite être renouvelés sans limitation de durée, sauf si l'ANSM ou l'Agence européenne du médicament décide, pour des raisons ayant trait à la pharmacovigilance, de procéder à un renouvellement supplémentaire pour 5 ans. Une fois l'AMM ou l'enregistrement délivrés, ils peuvent faire l'objet de modifications sur sollicitation du laboratoire (par exemple liées à un changement de composition, à une extension d'indication…) ou imposées par les autorités compétentes (par exemple en vue de l'introduction d'un nouvel effet indésirable). Elles sont soumises à autorisations pour être mises en œuvre.

Un service médical rendu important dans une pathologie grave assure un remboursement de 65%.

Fixation du prix et du remboursement

Après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché, une entreprise pharmaceutique peut fixer librement le prix d'un médicament. "Pour qu'il soit remboursable par la Sécurité Sociale, elle doit déposer une demande à la Haute autorité de santé (HAS). Après étude du dossier déposé par l'entreprise pharmaceutique et des données scientifiques par ailleurs disponibles, la commission de la transparence de la Haute autorité de santé rédige un avis scientifique dans lequel elle évalue le Service médical rendu (SMR) et l'Amélioration du service médical rendu (ASMR) par le médicament. L'avis rendu par la Commission de la Transparence de la HAS est ensuite transmis au Comité économique des produits de santé (CEPS) et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM). La décision finale de remboursement relève de la compétence des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale", précise le site le site Solidarites-sante.gouv. Le prix est fixé par le Comité économique des produits de santé, en général par négociation avec l'entreprise exploitant le médicament, sur la base notamment de l'ASMR, du prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente envisagés, de la population cible et des prix pratiqués à l'étranger. L'Union nationale des caisses d'assurance-maladie définit, quant à elle, le taux de remboursement sur la base du service médical rendu et de la gravité de l'affection concernée. Ainsi par exemple, un service médical rendu important dans une pathologie grave assure un remboursement de 65%. Un SMR insuffisant implique, sauf exception, une décision de non-remboursement.

Comment est fabriqué un générique ?

Un médicament générique :

  • est conçu à partir de la molécule d'un médicament déjà autorisé (appelé spécialité de référence ou princeps) dont le brevet est tombé dans le domaine public ;  
  • doit avoir la même composition qualitative et quantitative en principes actifs ainsi que la même forme pharmaceutique (comprimé, gélule, sirop, patch) que le princeps et démontrer qu'il a la même efficacité thérapeutique ;
  • est soumis aux mêmes conditions de prescription que les médicaments princeps, rappelle l'ANSM.

En revanche, il peut contenir des excipients différents.
Tout comme le princeps, l'autorisation du générique est obtenue en déposant une autorisation de mise sur le marché.

Pour débuter une production de médicament générique, le laboratoire ou génériqueur doit disposer de :

  • l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM),
  • l'inscription sur la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale,
  • et de l'inscription au répertoire officiel des génériques.

La procédure d'enregistrement étant abrégée et le laboratoire producteur de générique (ou génériqueur) n'ayant pas non plus à payer les frais de recherche et développement, les médicaments génériques sont vendus moins chers que les médicaments princeps qu'ils copient. Ils permettent ainsi de faire réaliser de substantielles économies à l'Assurance maladie. Il faut noter que les médicaments génériques sont remboursés au même taux que le médicament original.

Comment se font le suivi et la pharmacovigilance ?

L'évaluation du médicament se poursuit après sa commercialisation. Afin de prévenir et anticiper au mieux les risques, l'ANSM établit un programme de surveillance renforcée qui identifie et permet de surveiller les situations potentiellement dangereuses et de s'assurer que des mesures de réduction du risque préventives soient mises en place. Pour cela, l'organisme s'appuie sur plusieurs outils de surveillance :

Les enquêtes de pharmacovigilance qui évaluent ou réévaluent de façon rétrospective et/ou prospective, le risque d'effet indésirable d'un médicament ou d'une classe médicamenteuse afin de confirmer un signal potentiel, caractériser un signal avéré et surveiller le profil de sécurité d'un médicament. L'enquête est menée par un expert d'un centre régional de pharmacovigilance (CRPV) sur demande de l'ANSM.

Les études de pharmaco-épidémiologie menées par le Groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE. Il s'agit d'étudier "en vie réelle" sur de grandes populations, de l'usage, de l'efficacité et des risques des médicaments.

Le suivi des ventes et remboursements de médicament. Depuis 2019, EPI-PHARE a intégré à son activité le recueil des données de ventes, ou plus largement des données d'utilisation, mais aussi leur traitement, leur analyse et leur diffusion vers les structures internes et externes de l'ANSM. Ces données issues de plusieurs bases de données complémentaires servent à l'instruction des dossiers de pharmacovigilance, révision de la balance bénéfice/risque, risques de tension ou de rupture d'approvisionnement notamment.

La détection et le suivi des signalements déclarés en pharmacovigilance. Cette détection a été mise en place par l'ANSM sur la base nationale de pharmacovigilance (BNPV). 

La veille des bases de données de surveillance. La base nationale de pharmacovigilance constitue à ce jour une source importante d'informations regroupant l'ensemble des notifications spontanées saisies, validées et analysées par les centres régionaux de pharmacovigilance depuis 1985.