Intolérance au lactose : pourquoi, signes, que manger ?
L'intolérance au lactose augmente en France. Plus de 30% de la population serait concernée. Quels sont les signes ? Comment savoir ? Quelle différence avec l'allergie ? Quel traitement ? Quels aliments éviter ? Que manger ? Conseils du Dr Michael Bismuth, spécialiste en hépato-gastro-entérologie.
L'intolérance au lactose (qui n'est pas l'allergie au lait !) est une pathologie dont la prévalence semble augmenter probablement parce que son diagnostic s'est amélioré au fil du temps. Elle est rare et passagère chez le nourrisson, le bébé et l'enfant. Plus fréquente chez l'adulte. En France, on estime qu'entre 30 à 50 % des adultes ont une digestion incomplète du lactose, rapporte l'Assurance maladie. L'effet mode des régimes sans lait ou sans gluten peut conduire à des comportements alimentaires inadaptés qui peuvent être responsables de la suppression complète des aliments lactés avec, comme corollaire, le risque de carences nutritionnelles notamment en calcium. Lorsque le diagnostic est posé, la consommation de produits laitiers est possible si certains conseils sont respectés. C'est d'ailleurs l'un des aspect traité dans le documentaire "Produits laitiers, faut-il s'en passer ?", diffusé le mardi 11 octobre 2022 sur France 5, suivi d'un débat animé par Marina Carrère-d'Encausse avec comme invités plusieurs spécialistes. Alors, quand apparaît l'intolérance au lactose ? Comment devient-on intolérant ? Quelles sont les conséquences ? Quels aliments éviter ? Eclairage de notre expert.
Définition : c'est quoi une intolérance au lactose ?
Le lactose est un glucide (sucre) se trouvant quasi exclusivement dans le lait des mammifères et ses produits dérivés. Une intolérance au lactose correspond à un problème de digestion de ce sucre et provient d'un déficit de lactase, l'enzyme qui permet de digérer le lactose et donc le lait.
Où y a-t-il du lactose (liste non exhaustive) ?
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Cause : comment devient-on intolérant au lactose ?
"La dégradation du lactose dans le tube digestif est assurée par une enzyme appelée "lactase" qui le dissocie en galactose et en glucose. La production de cette enzyme peut diminuer avec l'âge chez certaines personnes ce qui diminue l'assimilation du lactose. Le lactose non dégradé persiste dans le tube digestif et est transformé par certains germes avec la production de gaz et de certains composants expliquant les symptômes", détaille le Dr. Michael Bismuth, spécialiste en hépato-gastro-entérologie au CHU de Montpellier. Le déficit en lactase n'est jamais complet ce qui permet l'absorption d'une quantité limitée de lait sans que le sujet ne développe de symptômes. Ce déficit est rarement congénital (intolérance au lait dès le plus jeune âge). En cas de grande prématurité, l'immaturité du tube digestif explique l'intolérance au lactose mais l'évolution est favorable assez rapidement avec le temps. "Dans certaines maladies comme la maladie cœliaque (intolérance au gluten), la gastro-entérite, certaines maladies virales ou parasitaires, l'intolérance au lactose est secondaire à une destruction des villosités intestinales qui est responsable d'une diminution de la sécrétion de lactase", souligne le Dr Bismuth. Avant d'ajouter : "Ce déficit en lactase est souvent temporaire mais peut durer plusieurs semaines. La restauration de la muqueuse intestinale permettra une amélioration progressive des symptômes."
Quelle différence entre intolérance au lactose et allergie au lait ?
L'intolérance au lactose est à distinguer de l'intolérance (ou allergie) aux protéines de lait de vache. Ce sont deux entités cliniques différentes.
► L'intolérance au lactose correspond à une diminution partielle ou totale de la production de lactase sans l'intervention du système immunitaire. Elle est responsable de manifestations cliniques digestives inconfortables mais jamais sévères.
► L'allergie aux protéines de lait de vache est liée à une réaction du système immunitaire contre une ou plusieurs protéines de lait de vache comme par exemple la caséine, avec, comme conséquence, des manifestations cliniques bénignes (eczéma, urticaire) ou plus sévères (asthme, choc anaphylactique). Cette allergie concernerait que 2% de la population (contre 20% pour l'intolérance au lactose).
Quels sont les symptômes pour savoir si on a une intolérance au lactose ?
Les symptômes liés à une intolérance au lactose se manifestent après la consommation de produits laitiers (beurre, yaourts, fromages, etc.) habituellement entre 30 minutes et 2 heures après le repas mais parfois jusqu'à 24 heures. "La symptomatologie digestive de cette affection n'a rien de spécifique et peut être prise pour des troubles fonctionnels intestinaux ou une maladie organique (colites). La place de l'interrogatoire est donc importante. Les principaux symptômes sont :
- un inconfort abdominal,
- des ballonnements,
- des gaz en abondance,
- des douleurs abdominales,
- des troubles du transit avec diarrhée ou constipation,
- dans les formes plus graves des vomissements
En l'absence de modification des conduites alimentaires (éviction des aliments lactés), on peut observer une altération de l'état général avec une fatigue et un amaigrissement. Il a également été décrit beaucoup plus rarement des céphalées, des douleurs articulaires et des douleurs musculaires. L'intensité des manifestations cliniques est variable chez chaque individu et fluctue en fonction de la quantité de lactose ingérée et du degré de l'intolérance. Les symptômes peuvent durer quelques heures ou se prolonger plusieurs jours.
Quels sont les tests pour diagnostiquer une intolérance au lactose ?
Le diagnostic d'intolérance au lactose est d'abord clinique et peut être facilement évoqué à l'interrogatoire lors de l'apparition des symptômes précédemment décrits qui surviennent après l'ingestion d'aliments lactés et qui s'améliorent après l'éviction de ces aliments. Par exemple, si l'on consomme à jeun un à deux verres de lait et que l'on observe l'apparition de douleurs abdominales ou de selles liquides, il faut penser à ce diagnostic.
- Un autre test consiste à ne plus consommer pendant une dizaine de jours des produits laitiers contenant du lactose puis à observer l'amélioration ou la disparition des manifestations cliniques.
- Le troisième test est la réintroduction progressive des produits contenant du lactose pour déterminer les seuils de tolérance. La réapparition des symptômes pour une quantité donnée de lait et produits laitiers témoigne de l'atteinte de ce seuil.
- Dans un deuxième temps, l'avis d'un médecin est indispensable pour confirmer le diagnostic avec l'aide de plusieurs tests diagnostiques. Ces tests ne permettent pas toujours un diagnostic formel de l'intolérance au lactose mais, associés à un interrogatoire précis, orientent le médecin.
C'est quoi le test respiratoire à l'hydrogène (breath test au lactose) ?
Le Test à l'hydrogène consiste à évaluer la présence d'hydrogène dans l'air expiré par le patient avant (à jeun) et dans les heures qui suivent la consommation d'une quantité déterminée de lactose (2 grammes par kilo avec un maximum de 50 grammes). En effet le lactose non digéré dans l'intestin en raison du déficit en lactase se transforme en gaz sous l'action des bactéries coliques. L'hydrogène passe ensuite dans la circulation sanguine puis atteint les voies respiratoires avant d'être expiré. Un niveau d'hydrogène élevé dans l'air expiré est en faveur d'une moins bonne digestion du lactose ce qui témoigne d'une insuffisance de production de lactase. Ce test peut être fait en ambulatoire chez un gastro-entérologue ou dans une unité d'exploration fonctionnelle de gastro-entérologie d'un hôpital et dure environ 4 heures (mesure de la quantité d'hydrogène expiré toutes les 30 minutes pendant 4 heures). Il faudra être prudent chez les jeunes enfants car l'absorption d'une quantité importante de lactose peut provoquer une diarrhée sévère avec un risque de déshydratation.
C'est quoi le test de tolérance au lactose ?
Ce test consiste à déterminer le taux sanguin de glucose après avoir ingéré une quantité déterminée de lactose. Lors de l'ingestion de lactose, la lactase permet de scinder le lactose en glucose et en galactose qui sera secondairement transformé en glucose. En l'absence d'intolérance au lactose, la glycémie augmente. Dans le cas contraire, la glycémie ne s'élève que modérément voire pas du tout en raison du déficit en lactase. Chez les jeunes enfants, il faudra prendre les mêmes précautions que lors du test précédent.
Quand faire un test génétique ?
Le test génétique permet de détecter l'intolérance au lactose lié à un déficit primaire en lactase (qui est différent d'un déficit secondaire associé à d'autres maladies du tube digestif comme expliqué précédemment). Il se fait à partir d'un prélèvement sanguin ou lors du prélèvement de cellules de l'intérieur de la joue après avoir frotté cette zone à l'aide d'un écouvillon. Il n'y a pas d'ingestion de lactose ce qui évite d'avoir des symptômes digestifs et d'être sous surveillance médicale. Un résultat négatif n'exclue pas la possibilité d'un déficit secondaire en lactase. Ce test a peu d'intérêt chez les jeunes enfants qui ont le plus souvent une intolérance au lactose secondaire.
Quel est le traitement d'une intolérance au lactose ?
"Il n'existe pas de traitement curatif de l'intolérance au lactose. L'éviction du lait et des produits laitiers du régime alimentaire est la première étape du traitement. La consommation de ces aliments est possible en fonction du seuil de tolérance au lactose qui est généralement connu de chaque personne intolérante", énonce le Dr. Michael Bismuth. La majorité des intolérants au lactose peuvent consommer un bol de lait en une seule fois sans avoir de symptômes car il persiste toujours une activité minime de la lactase.
Quels sont les aliments à éviter en cas d'intolérance au lactose ?
- Il est conseillé d'éviter de boire du lait à jeun en trop grande quantité et il est préférable de fractionner sa prise ou de le consommer au cours des repas avec d'autres aliments.
- Il est également préférable de consommer des fromages à pâte dure ou affinés moins riches en lactose que les fromages frais et des yaourts "maison" moins riche en lactose.
- Il est indispensable de lire les étiquettes des produits consommés car le lactose peut être présent dans d'autres préparations alimentaires comme des jus de fruits, des potages ou des gâteaux.
- Le lait de vache peut être remplacé par des laits sans lactose comme le lait de soja, le lait de riz, le lait d'avoine, le lait de coco et le lait d'amande (on les appelle "lait" mais on devrait plutôt dire des boissons végétales). Des laits à teneur réduite en lactose (voire sans lactose) existent sur le marché.
- "Des préparations pharmaceutiques à base de lactase peuvent être proposées comme le LACTOSE OK® qui est un complément alimentaire apportant de la lactase exogène (Aspergillus oryzae). Cette lactase transforme le lactose en glucose et galactose", explique le spécialiste. Ce traitement peut être pris en même temps que des médicaments contenant du lactose.
Quels sont les médicaments à éviter en cas d'intolérance au lactose ?
En effet, certains médicaments contiennent des excipients avec du lactose. En cas d'intolérance, il est nécessaire de prévenir son médecin ou son pharmacien surtout lors de la délivrance de médicaments génériques qui peuvent contenir du lactose alors que le médicament princeps n'en contient pas.
Merci au Dr Michael Bismuth, spécialiste en hépato-gastro-entérologie au CHU de Montpellier.