Cancer : c'est quoi la biopsie liquide ? Où la faire ?

La biopsie liquide pourrait permettre de dépister précocément un cancer par une simple prise de sang.

Cancer : c'est quoi la biopsie liquide ? Où la faire ?
© 123rf- okskukuruza

Objet d'étude en cancérologie depuis une grosse dizaine d'années seulement, la biopsie liquide pourrait permettre dans quelques années une détection précoce des cancers par prise de sang. "Dans le monde, une dizaine d'équipes travaillent au dépistage du cancer à partir d'un prélèvement sanguin dans lequel on recherche un ADN circulant. Il est tout à fait possible que dans 5 à 10 ans, nous disposions d'un test de dépistage universel du cancer à partir de l'ADN circulant, s'enthousiasme Alain Thierry,  directeur de recherche à l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier, qui ajoute : "la simplicité de ce dépistage le rendra sans aucune doute beaucoup plus acceptable pour les patients que les dépistages existants". Pour lui "c'est une avancée majeure notamment pour les cancers du poumons, car les tumeurs sont difficiles d'accès et les biopsies tissulaires souvent peu informatives concernant les mutations génétiques de la tumeur". Un essai clinique anglais présenté en juin 2024 au congrès annuel de l'ASCO aux Etats-Unis a montré que ce type de biopsie pouvait prédire le risque de récidive de cancer (du sein) plusieurs années avant que des tumeurs ne soient visibles sur les scans.

C'est quoi une biopsie liquide ?

Terme propre à l'oncologie, une biopsie liquide, également appelée "biopsie des fluides", est une prise de sang visant à rechercher des cellules cancéreuses ou des fragments d'ADN d'une tumeur circulant dans le sang. Elle peut aussi être plus rarement effectuée sur des échantillons d'urine ou de salive. A un certain stade de progression de la maladie, des cellules sont relarguées de la tumeur. Elles circulent dans le sang et sont responsables d'éventuelles métastases. "L'étude de ces cellules est très intéressante pour la recherche fondamentale car cela permet de comprendre comment survient une métastase dans un organe distant. Mais l'utilisation clinique et routinière reste assez compliquée, car il est difficile de contrôler spécifiquement ces cellules, très peu nombreuses dans le sang", explique Alain Thierry. Chez les patients atteint d'un cancer, on observe une libération de l'ADN des cellules tumorales dans le sang. "Les ADN circulants possèdent les mêmes altérations génétiques que les cellules dont ils sont issus. Ainsi, avec une simple prise de sang, un examen très peu invasif, on peut déterminer les altérations génétiques de la tumeur", note le spécialiste. Si les biopsies liquides présentent des avantages considérables, les biopsies conventionnelles demeurent indispensables pour poser le diagnostic initial d'un cancer, en définir le stade, étudier l'environnement tumoral.

Pour qui ?

Le prélèvement de l'ADN circulant est prescrit pour la détection de certaines mutations. En fonction des mutations observées, l'oncologue saura s'il est possible d'avoir recours à une thérapie ciblée, traitement de dernière génération qui cible seulement les anomalies des cellules cancéreuses. "Pour cette application, la biopsie liquide est indiquée dans le cancer colorectal métastatique, le cancer du poumon et le mélanome", précise Alain Thierry. La biopsie liquide devrait très prochainement permettre aussi de surveiller l'efficacité d'un traitement et de savoir si le cancer resurgit. "Avec la biopsie liquide, on peut surveiller, via l'ADN circulant, la récurrence de la tumeur dans le sang, pendant les traitements et du suivi des patients. Le clinicien peut aussi observer, le cas échéant, la résistance de la tumeur au traitement. Il s'agira d'un suivi très efficace de la maladie, par une simple prise de sang", poursuit le chercheur.

"Grace à la biopsie liquide, on sera capable de savoir s'il faut ou non traiter le patient après la chirurgie"

La biopsie liquide ne permet pas, pour l'instant, de dépister les cancers. "Mais elle sera applicable bientôt pour la détection de la maladie résiduelle minimale (cellules cancéreuses persistantes après le traitement, ndlr), c'est déjà le cas aux Etats-Unis. Concrètement, après retrait de la tumeur, en stade 2 ou 3, on propose un traitement adjuvant alors qu'on ne sait pas réellement si le patient en a véritablement besoin. Grace à la biopsie liquide, on sera capable d'identifier de l'ADN muté dans l'ADN circulant du patient. On saura donc s'il faut ou non le traiter après la chirurgie", développe le spécialiste.

Comment se déroule une biopsie liquide ?

La biopsie liquide est une simple prise de sang. L'échantillon est ensuite observé en laboratoire, à la recherche de cellules cancéreuses ou de mutations des ADN circulants.

Où faire une biopsie liquide ?

Une biopsie liquide peut être réalisée dans tous les centres anti-cancers dispersés sur le territoire. "Tous les centres anti-cancer l'utilisent pour la détection des mutations génétiques dans les cancers du poumon, les mélanomes et les cancers colorectaux métastatiques", informe notre expert. Si les mutations visées par les thérapies ciblées existantes sont bien présentes, alors, le praticien pourra y avoir recours.

Merci à Alain Thierry, directeur de recherche à l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier.