Hyperéosinophilie : causes, soigner, taux, est-ce grave ?
L'hyperéosinophilie est définie par un taux trop élevé de polynucléaires éosinophiles dans le sang. Au-delà de 500 par mm3 de sang, on parle d'hyperéosinophilie. Hyperéosinophilie chronique ou transitoire, légère ou sévère, les symptômes seront très variés, gravissimes ou anodins. Explications avec le Pr. Pascal Cathébras.
Définition : c'est quoi une hyperéosinophilie ?
"L'hyperéosinophilie correspond à une augmentation du nombre de polynucléaires éosinophiles, une sorte de globules blancs impliqués notamment dans les allergies et la défense contre les parasites, dans le sang", explique le Pr. Pascal Cathébras, chef de service de médecine interne. Ces globules blancs "sont présents chez tous les individus, à un taux faible (< 500/mm3 de sang). Leur augmentation au delà de 500/mm3 définie une hyperéosinophilie (HE)", décrit la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). L'hyperéosinophilie est :
- légère entre 500 à 1 500 / mm3 de sang
- modérée : 1 500 à 5 000 / mm3
- sévère : plus de 5 000 / mm3
Quelles sont les causes d'une hyperéosinophilie ?
Les causes de l'hyperéosinophilie sont très nombreuses. Des maladies bénignes comme des pathologies très graves peuvent en être à l'origine. Les trois causes les plus fréquentes sont :
- les allergies
- les réactions aux médicaments
- les parasitoses (présence dans l'organisme de vers comme les ascaris).
Toutefois, de nombreuses maladies peuvent s'associer à une hyperéosinophilie, notamment :
- des vascularites : "des maladies inflammatoires graves, comme la granulomatose avec polyangéite (GEPA, ancienne appelée maladie de Churg-Strauss), qui peut se révéler par de l'asthme, de la rhinite, une atteinte des nerfs périphériques, du purpura…", explique le Pr. Cathébras.
- des tumeurs et en particulier des lymphomes, cancers des ganglions lymphatiques ou lymphomes de la peau comme la maladie de Sézary.
- des maladies respiratoires comme la maladie de Widal, l'aspergillose pulmonaire allergique, l'asthme à éosinophiles, la pneumopathie à éosinophiles ou maladie de Carrington… "Notez que l'asthme n'est pas une cause d'éosinophilie, mais certaines maladies comportent asthme et éosinophilie. A l'inverse une hyperéosinophilie peut induire de l'asthme", précise notre expert.
- des maladies digestives comme l'oesophagite à éosinophile, la maladie de Crohn...
"Alors que dans toutes les causes citées l'hyperéosinophilie est dite 'réactionnelle', dans un très petit nombre de cas, c'est bien la lignée des polynucléaires éosinophiles qui est malade. On parle alors de leucémie chronique à éosinophile ou de syndrome hyperéosinophilique myéloïde", ajoute Pascal Cathébras. Enfin, l'hyperéosinophilie est parfois idiopathique, sans cause identifiée. C'est en fait une situation assez fréquente.
Quels sont les symptômes d'une hyperéosinophilie ?
Si le taux de polynucléaires éosinophiles est juste légèrement élevé, il pourra ne pas y avoir de symptômes. Si les polynucléaires éosinophiles sont très élevés sur le long terme, comme dans le cas du syndrome hyperéosinophilique, alors les symptômes sont très variés, avec de la fièvre, une perte de poids, et parfois :
- des atteintes cutanées
- des atteintes respiratoires
- des atteintes digestives
- des atteintes cardiaques
- des atteintes des systèmes nerveux central ou périphérique
- des atteintes vasculaires
Ces atteintes peuvent être restreintes à un seul organe ou toucher plusieurs organes à la fois, on parle alors d'atteinte systémique.
Bilan : comment pose-t-on le diagnostic d'une hyperéosinophilie ?
"La démarche diagnostique est complexe, et ne sera pas la même selon que l'hyperéosinophilie est modérée ou sévère, transitoire ou durable, ou surtout qu'elle s'accompagne ou non de symptômes ou de signes d'alarme (fièvre, amaigrissement, asthme grave, diarrhée, purpura...) ou d'un syndrome inflammatoire biologique objectivé par le dosage de la protéine C-réactive", note Pascal Cathébras. Sans symptômes d'alarme, on s'attache à : Mener une enquête médicamenteuse (comprenant les médicaments y compris obtenus sans ordonnance et compléments alimentaires, produits de phytothérapie, etc.). Rechercher une parasitose par des tests sanguins ou des recherches dans les selles adaptées aux éventuels voyages exotiques. Documenter une allergie, "même si l'hyperéosinophilie est rarement très importante dans le seul cas de l'allergie". Si l'hyperéosinophilie est massive et a fortiori s'il y a des signes cliniques alarmants, on lance un bilan comprenant :
- des prises de sang,
- des imageries (scanners),
- des explorations hématologiques (myélogramme)
- des biopsies, etc.
Conséquences : l'hyperéosinophilie peut-elle être grave ?
"Les symptômes associés à une éosinophilie peuvent être ceux de la maladie causale ou ceux des conséquences de l'hyperéosinophilie elle-même. Sans prise en charge adaptée, ces complications sont parfois graves : atteintes cardiaques (l'endocardite fibroblastique), cérébrales, vasculaires (thromboses), digestives, cutanées...", énumère le spécialiste.
Quel traitement pour soigner l'hyperéosinophilie ?
Le traitement de choix reste les corticoïdes
Le traitement dépendra de la cause : traiter la cause fera baisser le niveau de polynucléaires éosinophiles dans le sang. La cause parasitaire étant parfois difficile à diagnostiquer, on prescrit parfois un traitement antiparasitaire dit d'épreuve, avec un contrôle sanguin dans les semaines qui suivent. La leucémie chronique à éosinophile, très grave en l'absence d'une prise en charge adaptée, répond bien au traitement par l'imatinib, un médicament "inhibiteur de tyrosine kinase". Pour les autres syndromes hyperéosinophiliques, "le traitement de choix reste les corticoïdes", note la SNFMI. "L'abstention thérapeutique est la règle dans les nombreuses situations d'hyperéosinophilie sans aucune manifestation organique", est-il encore précisé.
Merci au Pr. Pascal Cathébras, chef du service de médecine interne au CHU de Saint-Etienne