Colectomie : pour qui, comment, quelles conséquences ?
La colectomie consiste à enlever une partie du côlon afin de traiter une tumeur ou une inflammation. Comment se déroule l'intervention ? Quelles sont les conséquences ? Le Dr Benoit Gignoux, chirurgien digestif à la clinique de la Sauvegarde à Lyon, spécialisé en chirurgie colo-rectale, nous répond.
Définition : qu'est-ce qu'une colectomie ?
La colectomie consiste en l'ablation d'une partie ou de la totalité du côlon, généralement suivie d'une anastomose ou couture pour rétablir le circuit digestif. Le côlon ou "gros intestin" est la partie qui fait suite à l'intestin grêle ou "petit intestin" et se termine par le rectum puis l'anus. Il dessine un cadre dans l'abdomen divisé en 3 parties : le colon droit qui fait suite à l'intestin grêle, le colon transverse puis le colon gauche qui se prolonge par le rectum. Son rôle est d'absorber l'eau des selles afin de les rendre solides. Contrairement au petit intestin, il n'a pas de rôle dans l'absorption des aliments. En revanche, plus on enlève de côlon, plus il y a un impact sur le transit avec des selles qui seront fréquentes et plus liquides.
Indications : quand faire une colectomie ?
La colectomie est une intervention importante de chirurgie digestive qui est indiquée en cas de :
- Cancer du côlon, la colectomie emmène alors une partie du côlon comportant le cancer et les ganglions en regard de la tumeur ;
- Polype volumineux ou dégénéré : un polype est une excroissance qui se développe sur la muqueuse du côlon et qui peut dégénérer en cancer. Seuls les polypes non enlevables par coloscopie sont proposés à la chirurgie ;
- Sigmoïdite diverticulaire : il s'agit d'infection récidivante de diverticules du côlon sigmoïde ;
- Maladie inflammatoire chronique de l'intestin telle que la maladie de Crohn et la Rectocolite ulcéro-hémorragique.
Colectomie totale ou partielle ?
Il existe plusieurs types de colectomies allant de la colectomie droite, transverse, gauche voire des colectomies plus élargies. La colectomie droite consiste en l'ablation de la petite partie de l'intestin grêle qui se jette dans le côlon et de la partie droite du côlon. La couture se fait entre l'intestin grêle et le colon transverse. La colectomie transverse ou ablation de la partie transverse du côlon avec une couture entre le côlon droit et le colon gauche. La colectomie gauche est l'ablation de la partie gauche du côlon avec une couture entre le côlon transverse et le rectum. Une colectomie élargie (droite + transverse ou transverse + gauche) peut être nécessaire dans certaines situations : double cancer ou cancer opéré en occlusion avec dilation du côlon. La colectomie totale, "dans de rares situations, il peut être indiqué de réaliser une ablation totale du côlon. Cela survient lors d'un cas de cancer colique familial ou syndrome de Lynch, de maladies inflammatoires telles que la Rectocolite ulcéro-hémorragique ou de polypose (présence d'une multitude de polypes dans le côlon qui risquent de dégénérer en cancer). Après une colectomie totale, le rétablissement se fait entre l'intestin grêle et le rectum. Afin d'améliorer le transit, on peut conserver une partie du colon sigmoïde réalisant ainsi une colectomie subtotale", explique le Dr Benoit Gignoux.
Comment se préparer à une colectomie ?
Le diagnostic et le bilan de la maladie du côlon sont réalisés par une coloscopie. Grâce à une caméra introduite par l'anus, on peut ainsi explorer l'ensemble du côlon préalablement vidé de ces selles par une "purge" ou préparation mécanique du côlon. Auparavant, cette préparation était systématique avant une colectomie afin que l'intestin soit propre pour l'intervention. Il est aujourd'hui prouvé que cette préparation n'est plus nécessaire et il est simplement recommandé au patient de faire régime pauvre en fibres pour éviter l'excès de selles liquides dans le côlon au moment de l'intervention. "La préparation du patient ou Préhabilitation consiste à corriger des facteurs de risque pour la chirurgie. On pourra ainsi corriger une éventuelle dénutrition à l'aide de compléments nutritionnels, une anémie par injection de fer ou obtenir le sevrage du tabac chez les fumeurs. Il est en effet essentiel de prendre 2 ou 3 semaines de préparation qui permettront de réduire les complications post opératoires," précise le Dr Gignoux.
Comment se déroule une colectomie ?
Les patients arrivent à l'hôpital la veille de l'opération mais une arrivée seulement 1 heure avant est suffisante et permet de réduire leur stress. La chirurgie a lieu sous anesthésie générale. Elle est réalisée par cœlioscopie à l'aide de petites incisions, d'une caméra et de micro instruments. "La cœlioscopie a permis une révolution de la chirurgie du côlon avec un impact majeur sur la récupération du patient", souligne le chirurgien. Dans certaines situations d'urgence (comme une tumeur en occlusion) ou en fonction de l'expertise du chirurgien, la colectomie peut avoir lieu par laparotomie qui consiste à ouvrir l'abdomen par une incision large. La chirurgie comprend l'ablation d'une partie du côlon suivie du rétablissement du circuit digestif souvent réalisé à l'aide de pinces agrafeuses. Elle dure entre 2 et 3 heures. En cas de polype ou cancer du côlon, le chirurgien enlève également les vaisseaux et les ganglions en regard de la tumeur (ou curage ganglionnaire) pour vérifier s'ils contiennent des cellules cancéreuses. En fin d'intervention, le chirurgien peut laisser en place un drain dans l'abdomen ou une sonde urinaire.
La durée d'hospitalisation est d'environ 5 à 7 jours
Cela n'est cependant plus recommandé car ces attaches empêchent le patient de se mobiliser en post opératoire. La chirurgie est maintenant basée sur les principes de la Réhabilitation Améliorée après Chirurgie (RAC) qui consiste à placer le patient au cœur de son parcours, à réduire l'impact de la chirurgie avec des résultats prouvés scientifiquement : moins de complications et une meilleure récupération. Ainsi, le patient peut se mobiliser et reprendre progressivement une alimentation dès le soir de la chirurgie. De la même façon, les perfusions peuvent être rapidement arrêtées au bout de 24 heures. Grâce à la RAC, la durée d'hospitalisation est d'environ 5 à 7 jours. A l'issue de cette période, si aucune complication n'est observée, le patient regagne son domicile. Pour certaines équipes expertes en RAC, l'intervention peut avoir lieu en ambulatoire sous couvert d'une surveillance infirmière à domicile.
Combien de temps de convalescence après une colectomie ?
Grâce aux principes de RAC, considérée comme une avancée révolutionnaire dans le milieu de la chirurgie, la période de convalescence peut être améliorée et raccourcie. Elle comprend 2 parties : la période post opératoire de 10 jours puis la convalescence. Les 10 premiers jours post opératoires permettent de vérifier si le patient retrouve des fonctions normales, ne souffre pas et ne présente pas de complications. Le temps de convalescence dure tout de même un mois car l'opération représente un stress physiologique assez important. A l'issue de cette période, les patients peuvent reprendre progressivement une activité physique normale.
Quelles sont les conséquences d'une colectomie ?
Après une colectomie, on peut constater une perte de quelques kilos habituellement vite corrigée puisque le patient se réalimente rapidement. Des complications peuvent survenir pendant la période post opératoire dont les plus significatives sont l'iléus et la fistule anastomotique. L'iléus correspond à une forme de paralysie intestinale quand l'intestin ne reprend pas son travail. L'abdomen gonfle et cela peut engendrer des vomissements. Le patient doit être remis à jeun avec des perfusions le temps de la reprise du transit. La fistule anastomotique, quant à elle, est une fuite au niveau de la couture reliant les deux parties du côlon. Du fait de la présence de bactéries au niveau des selles, cette infection engendre un abcès traité alors par antibiotiques, ou une péritonite si la fuite est importante. Dans ce cas, une nouvelle intervention est nécessaire comportant souvent une stomie – mise en place d'un anus artificiel - temporaire le temps de la cicatrisation. Cette complication survient dans environ 5% des cas. Les conséquences sur le transit existent aussi. Les premières semaines, les selles peuvent alterner entre diarrhée et constipation pour se régulariser progressivement. Ainsi, le patient suit temporairement un régime pauvre en fibres à titre de confort afin d'éviter les ballonnements et les diarrhées. A terme, la longueur du côlon étant réduite, le transit peut être plus rapide passant par exemple de 1 selles à 2 selles par jour. En cas de colectomie élargie voire subtotale, les patients ont 3 à 4 selles par jour. Contrairement aux opérations du rectum, il n'y a pas d'incontinence anale après colectomie car le réservoir rectal a été conservé. Enfin, "dans le cadre d'un cancer, le patient est suivi tous les 4 à 6 mois pendant plusieurs années après l'intervention. En fonction du stade de la maladie ou si l'analyse des ganglions enlevés retrouve des cellules cancéreuses, l'équipe médicale peut proposer au patient une chimiothérapie préventive pendant plusieurs mois afin de limiter le risque que la maladie ne revienne sous forme de métastases", explique le Dr Gignoux.
Merci à Benoit Gignoux, chirurgien digestif spécialisé en chirurgie colo-rectale à la clinique de la Sauvegarde à Lyon.