Délirium tremens : durée, symptômes, prise en charge
Le delirium tremens est un état dans lequel se trouve la personne alcoolique en cas de sevrage sans surveillance médicale. Il peut conduire dans certains cas à des crises d'épilepsie, à un coma, voire au décès. Le docteur Alexandre Baguet, addictologue, nous explique en détail ce phénomène
Définition : c'est quoi le délirium tremens ?
Les personnes dépendantes de l'alcool développent des symptômes de sevrage dans les heures qui suivent l'arrêt brutal des consommations. "Si la plupart du temps ce syndrome reste léger à modéré, avec une certaine irritabilité, des sueurs, et quelques tremblements des membres supérieurs, il peut également être beaucoup plus sévère, avec la survenue d'une agitation, d'une confusion, de symptômes de délire, et parfois d'hallucinations ; c'est ce qu'on appelle Délirium Tremens (DT)", explique le Dr Alexandre Baguet, addictologue. "Il s'agit donc d'une forme grave de sevrage alcoolique, qui peut conduire à des crises d'épilepsie, à un coma, voire au décès. C'est une urgence qui nécessite des soins médicaux".
Quels sont les symptômes du délirium tremens ?
Le tableau clinique s'installe rapidement après les dernières consommations d'alcool, avec trois pôles syndromiques. "Au premier plan, un délire confus, plus ou moins agité, accompagné en particulier d'éléments hallucinatoires, souvent des animaux, une insomnie, détaille le médecin. Ces éléments sont accompagnés d'un syndrome adrénergique à qui l'on doit les tremblements des extrémités, surtout les mains, ainsi que d'éléments neurovégétatifs, avec des sueurs, des nausées, parfois une fièvre". L'évolution est fluctuante au cours de la journée, rapidement progressive. "Sans soin adapté, des crises d'épilepsie peuvent survenir, un coma s'installer, voire le décès".
Quelle est la cause d'une crise de délirium tremens ?
"La consommation chronique excessive d'alcool entraîne progressivement, au niveau neuronal, des mécanismes adaptatifs complexes, avec en particulier une modification de la structure membranaire (liposolubilité), et une perturbation de nombreux neurotransmetteurs (GABA, NMDA, dopamine…) dans le cerveau, répond le spécialiste. Ainsi, l'absence d'alcool, voire une baisse trop rapide de l'alcoolémie chez les personnes alcooliques chroniques, entraine une souffrance neuronale d'installation rapidement progressive". Le DT est l'expression clinique de cette souffrance neurologique.
Quelle est la durée d'une crise de délirium tremens ?
Le delirium tremens apparaît généralement 48 à 72 heures après le début du sevrage alcoolique. "Cet état peut durer entre 5 jours à 2 semaines selon les cas et la prise en charge".
Quelle est la prise en charge du délirium tremens ?
"Le délirium tremens est une urgence médicale qui nécessite des soins rapides, en hospitalisation", alerte notre interlocuteur. Si la crise survient à domicile, il conviendra à ses proches d'appeler les secours (le 18 pour les pompiers et le 15 pour le SAMU) au plus vite afin que le malade soit hospitalisé. En milieu hospitalier, les premiers soins effectués sur le malade sont les suivants :
- Installation dans une ambiance calme et rassurante, avec une surveillance constante.
- Réhydratation, par la bouche si possible, sinon avec une perfusion,
- Prescription de benzodiazépines, là aussi par la bouche ou avec une perfusion,
- Prescription de vitamines B1 : vitamine très importante au niveau musculaire et cérébral. Or, c'est une vitamine en carence chez les alcooliques, et elle doit absolument être prescrite avec la réhydratation.
"Dans certains cas, l'agitation du patient étant difficilement maîtrisables et entrainant des conduites de mise en danger, il pourra être nécessaire de contentionner le patient temporairement, pour le protéger en attendant que les traitements fassent effet".
Quelles sont les séquelles d'une crise de délirium tremens ?
"Le delirium tremens peut se compliquer de plusieurs accidents aigus : état de mal épileptique, coma, myélinolyse pontique, mais aussi chute de lit, fracture, hémorragie intracrânienne, pneumopathie, septicémie, escarres, troubles du rythme cardiaque, automutilation…, observe l'addictologue. A plus long terme, "du fait de la souffrance cérébrale et de l'intensité de la maladie alcoolique qu'il sous-tend, un épisode de DT est associé potentiellement à la survenue de complications évolutives de la maladie alcoolique : démence, syndrome de Korsakoff ou de Wernicke, hémorragie digestive, retentissement social et relationnel, cancers… ". La survenue d'un délirium trémens est ainsi une incitation forte à mettre en place, reprendre ou poursuivre, un suivi addictologique spécifique.
Peut-on mourir d'une crise de délirium tremens ?
"On peut mourir d'un delirium tremens, en raison de la déshydratation, des crises convulsives, ou d'autres complications aigues", rappelle le Dr Baguet. On estime d'ailleurs qu'en l'absence de prise en charge, le delirium tremens est mortel dans 5% à 20% des cas. "Avec une prise en charge appropriée, la mortalité ne dépasse pas 1%".
Le delirium tremens est mortel dans 5% à 20% des cas
Prévention : comment éviter de faire un délirium tremens ?
"La prévention du délirium trémens s'appuie sur un traitement prophylactique efficace, essentiellement les Benzodiazépines, qui présentent peu de contre-indication, et sont donc susceptibles d'être largement utilisées en milieu hospitalier, et même en ambulatoire", insiste le Dr Baguet. Pourtant, la survenue de délirium trémens reste encore trop fréquente, "soit à l'occasion d'une tentative de sevrage sans encadrement médical, soit à l'occasion d'une hospitalisation non programmée qui s'imposent le plus souvent dans l'urgence, pour des raisons diverses, somatiques ou psychiatriques, circonstances qui peuvent faire passer au second plan la pathologie alcoolique". D'autant que la dépendance alcoolique s'accompagne souvent de déni. "Le sujet ne peut exprimer clairement sa dépendance, laissant à l'entourage et aux soignants la tâche de découvrir cet aspect de lui". La vigilance et l'attention que nous portons à nos proches est ainsi le premier maillon de la prévention d'un délirium trémens.
Merci au Docteur Alexandre Baguet, Chef du service d'Addictologie au CHU de Rouen.