Vaccin à adénovirus : contre la Covid, qu'est-ce que c'est ?
Le vaccin à adénovirus, aussi appelé vaccin à vecteur viral, emploie un virus non pathogène pour provoquer une réponse immunitaire. C'est le cas du vaccin d'AstraZeneca et de Johnson&Johnson contre la Covid. Comment ça marche ? Qu'est-ce qu'un adénovirus ? Le point avec Cecil Czerkinsky, vaccinologiste, directeur de recherche Inserm à l'IPMC-CNRS-université de Nice à Sophia Antipolis.
Définition : c'est quoi un adénovirus ?
"Un adénovirus est un virus qui n'a pas d'enveloppe mais comme son nom l'indique, un génome à ADN protégé par une capsule qui est constituée de spicules ou griffes lui permettant de s'attacher aux cellules avant de les infecter", explique Cecil Czerkinsky. Il est très hétérogène dans le sens où il en existe plus de 80 types qui peuvent infecter l'homme, et sont la cause la plus fréquente des infections virales respiratoires, pour la plupart bénignes mais qui peuvent être très sévères chez les sujets immunodéprimés. "Ils ont ceci de particulier que l'on connaît très bien leur génome, leur mécanisme de réplication et d'entrée dans les cellules du corps. On a même réussi à les atténuer de telle façon à ce qu'ils ne puissent plus se répliquer complètement dans l'organisme tout en étant capables d'injecter leur génome. C'est-à-dire que lorsqu'ils rentrent dans la cellule, ils délivrent leur ADN qui va être converti en ARN et l'ARN sera converti en protéine afin de provoquer une réponse du système immunitaire", précise le vaccinologiste.
Comment fonctionne un vaccin à adénovirus ?
Les vaccins à vecteur viral sont distincts des vaccins classiques qui contiennent une partie protéique d'un virus (vaccins dits "sous-unités") voire le virus entier mais atténué ou tué, pour provoquer une réponse du système immunitaire. Le vaccin à vecteur adénovirus utilise un virus vivant mais rendu inoffensif pour l'homme, pour véhiculer une partie précise de l'ADN d'un autre virus, en l'occurrence celui du SARS-CoV-2, dans les cellules afin de déclencher une réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2. "Concrètement, on va greffer dans le génome de l'adénovirus un morceau d'ADN qui code pour une protéine d'intérêt, c'est-à-dire celle contre laquelle on veut induire une immunité, et on utilise ce virus pour aller infecter les cellules", indique le spécialiste. "En l'occurrence, dans le cas des vaccins contre la Covid-19, il s'agit de la protéine Spike entière ou de fragments de celle-ci qui permettent au SARS-CoV-2 d'entrer dans les cellules de l'hôte pour les infecter. Dès lors que le vaccin est injecté dans l'organisme par voie intramusculaire, le virus va entrer et délivrer son ADN dans les cellules, lesquelles vont convertir l'ADN du virus en ARN (transcription) puis traduire le message ARN en protéine (traduction). La cellule exprime alors cette protéine d'intérêt (la fameuse protéine S), attire les cellules immunitaires qui vont la reconnaître et ainsi être éduquées pour mémoriser cette protéine et déclencher une réponse immunitaire contre celle-ci", continue-t-il.
Quels sont les vaccins à adénovirus contre la Covid-19 ?
Tous les vaccins anti-Covid actuellement autorisés en urgence ou en cours de validation sont des vaccins qui ont incorporé tout ou partie de la protéine Spike mais ils n'ont pas tous le même mode d'action.
Pour l'instant, trois types d'adénovirus exprimant tout ou partie de la protéine Spike sont utilisés dans les vaccins anti-covid approuvés en urgence :
- l'adénovirus de chimpanzé par Oxford/AstraZeneca,
- l'adéno 26 par Johnson & Johnson,
- l'adéno 5 du vaccin CanSinoBio développé en Chine,
- et les adéno 26 et adéno 5 pour le vaccin Spoutnik V développé par l'institut russe Gamaleya.
Les vaccins Oxford/AstraZeneca et le vaccin Spoutnik sont administrés en 2 injections espacées d'au moins 3 à 4 semaines alors que les vaccins Johnson & Johnson et CanSinoBio sont administrés en une seule injection.
Le vaccin AstraZeneca, conçu par l'université d'Oxford, utilise un adénovirus de chimpanzé, administré en deux doses. Le vaccin Johnson & Johnson emploie quant à lui un adénovirus humain dans lequel on a greffé la protéine Spike. "Il y a une version bivalente développée par l'institut russe Gamaleya qui semble plus astucieuse puisqu'elle utilise deux types d'adénovirus différents entre la première et la deuxième injection", commente Cecil Czerkinsky. Dans la mesure où il existe un grand nombre d'adénovirus différents, on essaye d'utiliser comme vecteurs ceux qui sont peu communs, c'est-à-dire contre lesquels la population n'a pas ou peu été exposée et n'a donc pas développé d'immunité, afin que le système immunitaire, qui connaît ces adénovirus, ne se mette pas à attaquer le vecteur." C'est pour cela qu'on sélectionne des types d'adénovirus qui sont peu courants parce qu'on sait qu'immuniser avec un vecteur adénovirus plusieurs fois peut développer une immunité anti-vecteur. "La première injection du vaccin russe Spoutnik V contient un adénovirus de type 26, dans lequel on a greffé la protéine Spike, ce qui permet d'éduquer le système immunitaire, contre cette protéine mais inévitablement aussi contre le vecteur. Pour éviter que la réponse immunitaire contre ce premier vecteur n'empêche le vecteur de s'introduire et d'infecter les cellules lors d'une deuxième vaccination (vaccin rappel), un deuxième type d'adénovirus, l'adénovirus 5, exprimant lui aussi la même protéine Spike est utilisé comme vecteur. C'est la raison pour laquelle le vaccin russe, qui utilise cette stratégie à 2 vecteurs, est probablement plus efficace que ses cousins utilisant le même vecteur lors de la primo-vaccination et de la vaccination de rappel", argue le vaccinologiste. "Néanmoins, on ne sait pas encore si, et pendant combien de temps, ce type de vaccin sera efficace, notamment chez les sujets âgés mais des rappels seront probablement nécessaires pour maintenir un niveau suffisant d'immunité voire même pour induire des réponses spécifiques contre certains variants du Sars-CoV-2 exprimant des mutations au niveau de la protéine Spike", nuance le spécialiste.
Existe-t-il des vaccins à adénovirus contre d'autres pathologies ?
Cette technologie dite "à vecteur viral" est étudiée depuis une trentaine d'années. Elle a notamment été utilisée dans des protocoles de thérapie génique et de vaccination anti-cancer et dans la vaccination anti-infectieuse. Ainsi, un vaccin a été développé contre l'adénovirus par l'armée américaine, et plusieurs vaccins ont été développés à un stade avancé contre le virus Ebola, le coronavirus du MERS et le VIH. À ce jour, d'autres vaccins de ce type sont en cours de développement très avancé : contre les virus Chikungunya et Zika. Le vaccin de Johnson & Johnson/ Janssen s'appuie d'ailleurs sur la plateforme technologique AdVac®, utilisée pour le vaccin contre le virus Ebola développé par le laboratoire, qui a reçu une AMM européenne en juillet dernier.
Merci à Cecil Czerkinsky, vaccinologiste, directeur de recherche Inserm à l'IPMC-CNRS-université de Nice à Sophia Antipolis.