Hépatite D (delta) : symptômes, transmission, traitement
L'hépatite D (delta) est la forme la plus sévère des hépatites virales chroniques car elle peut évoluer vers une cirrhose ou un cancer du foie. 5 000 personnes seraient infectées en France, mais seulement 1 500 seraient diagnostiquées. Mode de transmission, symptômes, dépistage, traitement : tout savoir.
L'hépatite D - ou l'hépatite delta - est la forme la plus sévère des hépatites virales chroniques puisqu'elle est liée à un risque élevé de cirrhose et de cancer du foie. En France, 5 000 personnes seraient infectées par le virus de l'hépatite D, mais seulement 1 500 seraient identifiées et prises en charge. Peu connue et souvent oubliée, la maladie est trop peu dépistée. En quoi consiste le dépistage ? Quels sont les symptômes de cette maladie ? Le mode de transmission ? Le traitement ? Eclairage du Dr Christophe Hézode, Directeur Médical Hépatologie à la Direction internationale des Affaires Médicales de Gilead, ancien chef du service d'Hépatologie à l'hôpital Henri Mondor et professeur d'Hépatologie à l'Université Paris-Est Créteil.
Quel est le virus de l'hépatite D ?
"Il s'agit du virus de l'hépatite delta (VHD) découvert par un gastro-entérologue italien (Mario Rizzetto, ndlr) au siècle dernier. Ce virus a une grande particularité puisqu'il doit être avec le virus de l'hépatite B (VHB) pour se multiplier. En d'autres termes, il a besoin de l'enveloppe du virus de l'hépatite B pour sa multiplication. Cela signifie qu'on ne peut pas avoir d'hépatite delta sans une hépatite B. L'hépatite delta, du fait de son besoin du virus de l'hépatite B pour sa multiplication, n'est observée que chez des patients infectés chroniquement par le virus de l'hépatite B", explique d'emblée le Dr Hézode.
Quels sont les chiffres de l'hépatite D en France ? Dans le monde ?
"Selon les différentes études menées en France, il y aurait 5% des patients infectés chroniquement par le virus de l'hépatite B qui seraient infectés par le virus de l'hépatite delta, ce qui ferait environ 5 000 personnes infectées par l'hépatite delta en France, mais seulement 1 500 identifiées et prises en charge. Au niveau mondial, on estime qu'il y aurait environ 250 millions de personnes infectées par le virus de l'hépatite B et que parmi elles, il y aurait entre 12 et 70 millions de patients infectés par le virus de l'hépatite delta. Dans certaines régions du monde comme en Mongolie, dans les régions au nord du Cameroun ou dans les régions au sud du Gabon, les pourcentages de patients infectés par le virus de l'hépatite delta peuvent aller jusqu'à 50%. C'est donc très hétérogène", poursuit notre interlocuteur.
► En France, environ 50% des patients infectés par le virus de l'hépatite D sont d'origine d'Afrique sub-saharienne et 25% d'Europe de l'Est, selon les données issues de la grande cohorte de plus de 1000 patients appelée Deltavir. "En France, c'est une maladie que l'on va voir essentiellement chez les patients migrants. Dans la majorité des cas, la contamination a lieu à la naissance ou très tôt dans la petite enfance", précise notre expert.
Quel est le mode de transmission de l'hépatite D ?
C'est exactement les mêmes modes de transmission que pour le virus de l'hépatite B :
- Essentiellement par voie parentérale (par le sang contaminé ou par du matériel souillé), sachant que le virus de l'hépatite B se transmet très souvent à la naissance (de la mère à l'enfant).
- Possiblement par voie sexuelle.
Quels sont les symptômes de l'hépatite D ?
"Comme toutes les hépatites chroniques virales, l'hépatite D est la plupart du temps asymptomatique, avec néanmoins de la fatigue. Les hépatites virales n'ont généralement pas de symptômes caractéristiques, sauf quand elles arrivent au stade de cirrhose (une des complications de l'hépatite D)", explique le Dr Hézode. Une cirrhose entraîne des signes comme un ventre gonflé (ascite), la présence de varices œsophagiennes (risque d'hémorragie), une encéphalopathie hépatique (confusion, perte de concentration, somnolence) pouvant aller, à l'extrême, jusqu'au coma. De plus, la cirrhose est liée à un risque de cancer du foie (carcinome hépatocellulaire), et dans ce cas, tous les symptômes précédemment cités sont exacerbés.
Quelles peuvent être les complications de l'hépatite D ?
L'hépatite delta est l'hépatite virale la plus sévère et la plus dangereuse. "C'est l'hépatite virale qui donne le plus de cirrhoses du foie, le plus de cancers du foie et qui nécessite le plus de transplantations hépatiques. Après 10 ans d'évolution d'hépatite delta, 50% des patients développent une cirrhose (cohorte Deltavir) dont un tiers de ces patients une cirrhose décompensée et 15% des patients après 10 ans un cancer du foie. C'est aussi l'hépatite virale qui a la plus grande mortalité. Comparé à l'hépatite B seule, le risque de développer une cirrhose est multiplié par 2 à 3, le risque de développer un cancer du foie est multiplié par 3 à 6, le risque d'avoir recours à une transplantation hépatique est multiplié par 2 et le risque de décès est également multiplié par 2", déroule notre interlocuteur.
Comment pose-t-on le diagnostic de l'hépatite D ?
L'hépatite delta est une maladie peu fréquente, peu connue (y compris des médecins généralistes et des spécialistes du foie) et donc souvent oubliée, ce qui complique énormément le dépistage. Pourtant, le dépistage est très simple : les recommandations des sociétés savantes françaises et européennes sont de dépister systématiquement tous les patients porteurs du virus de l'hépatite B, par une simple prise de sang (sérologie delta afin de rechercher les anticorps totaux anti-delta). "En pratique, selon une étude menée en France dans un centre expert en virologie et en hépatologie, on s'est rendu compte qu'il n'y avait que 50% des patients identifiés comme ayant une hépatite B qui avaient eu une recherche d'anticorps de l'hépatite delta. Autrement dit, 50% des patients n'avaient pas été dépistés. Dans les autres centres, pas spécialement experts en maladies du foie, le taux de dépistage est d'environ 20 à 30%", indique le Dr Hézode. Une option permettrait de mieux dépister l'hépatite delta : le reflex testing, une méthode selon laquelle le virologue fait, de lui-même, la sérologie delta face à une sérologie d'hépatite B positive (ce qui permettrait d'atteindre 90% de dépistage). "Cette méthode qui apparaît idéale pour améliorer le dépistage n'est aujourd'hui pas légale en France car pour faire un examen de laboratoire, le biologiste doit avoir une prescription", explique-t-il.
Quel traitement pour soigner une hépatite D ?
"Aujourd'hui, on a la possibilité de pouvoir traiter les patients. L'idéal est bien entendu de mettre en place un traitement avant le stade de cirrhose. Cependant, un patient cirrhotique doit absolument être traité car la mise en route d'un traitement va prévenir la survenue de complications de la cirrhose (décompensation, varices œsophagiennes, cancer du foie) et in fine, va diminuer de façon très significative le risque de mortalité, insiste le Dr Hézode. Mais le message à retenir est qu'il faut dépister avant le stade de cirrhose" Il existe deux traitements antiviraux disponibles en France ciblant le virus de l'hépatite delta : l'interféron alpha pégylé (Peg-IFNa) et plus récemment le bulévirtide.
Existe-t-il un vaccin pour se prémunir de l'hépatite D ?
"Il n'y a pas de vaccin spécifique pour l'hépatite delta, mais puisque cette maladie est totalement associée au virus de l'hépatite B, le meilleur traitement préventif reste la vaccination contre le virus de l'hépatite B."
"Si vous êtes vacciné(e), il n'y a aucun risque de développer une hépatite D. La prévention via la vaccination nécessite néanmoins le dépistage de l'hépatite B chez la femme enceinte. En cas de dépistage positif chez la femme enceinte, on peut séro-vacciner l'enfant dans les 24 premières heures après la naissance, ce qui va empêcher dans la plupart des cas la contamination de la mère à l'enfant", conclut notre interlocuteur.
Merci au Dr Christophe Hézode, Directeur Médical Hépatologie à la Direction internationale des Affaires Médicales de Gilead, ancien chef du service d'Hépatologie à l'hôpital Henri Mondor et professeur d'Hépatologie à l'Université Paris-Est Créteil.