Myocardite fulminante : cause, symptômes, Covid, pronostic

La myocardite fulminante est la forme la plus grave de la myocardite (inflammation du tissu musculaire du cœur). Elle est souvent d'origine virale mais peut aussi survenir (très rarement) après la vaccination contre le Covid. Quels sont les symptômes d'alerte ? La cause ? Le pronostic ? Réponses du Dr Géraud Delesalle, cardiologue.

Myocardite fulminante : cause, symptômes, Covid, pronostic
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La myocardite fulminante correspond à la forme la plus grave d'une myocardite (inflammation du muscle du cœur). Compte tenu de sa présentation clinique sévère, la myocardite fulminante nécessite une prise en charge urgente, pouvant aller jusqu'à l'assistance circulatoire. La myocardite est dans la grande majorité d'origine virale et peut survenir (très rarement toutefois) dans un contexte de Covid-19. Quels sont les symptômes à ne pas négliger ? Quand faut-il consulter ? Quelle est la cause de cette inflammation brutale ? Quelle prise en charge envisager ? Quel pronostic de survie ? Réponses du Dr Géraud Delesalle, cardiologue à l'Hôpital-Clinique Claude Bernard à Metz (établissement Elsan). 

5 à 10 cas de myocardite fulminante par millions d'habitants et par an. 

Définition : qu'est-ce qu'une myocardite fulminante ? 

Schéma d'une myocardite
Schéma d'une myocardite © alila - 123RF

La myocardite est une inflammation du tissu musculaire du cœur (généralement le ventricule gauche) qui peut être localisée ou globale et qui perturbe le fonctionnement cardiaque, jusqu'à possiblement entraîner une défaillance totale de la fonction circulatoire. "En fonction de la localisation, de l'étendue de l'inflammation ou de la fragilité du patient, une myocardite peut entraîner des troubles conductifs, des troubles du rythme, une insuffisance cardiaque, voire une mort subite... Mais peut également passer pratiquement inaperçue. On caractérise la myocardite de "fulminante", lorsque l'inflammation s'est rapidement installée et que le tableau clinique est particulièrement bruyant et sévère. Une myocardite fulminante peut entraîner un choc cardiogénique (défini par une défaillance aiguë de la pompe cardiaque) potentiellement fatal en l'absence de prise en charge", décrit le Dr Delesalle. Elle correspond ainsi à la forme la plus grave des myocardites. Mais c'est aussi une forme exceptionnelle : 5 à 10 cas de myocardite fulminante par millions d'habitants et par an. 

Quels sont les symptômes d'alerte d'une myocardite fulminante ?

"Une inflammation cardiaque peut survenir sans entraîner de symptômes. C'est lorsqu'elle s'étend de plus en plus que des signes apparaissent". 

  • Des premiers symptômes, peu spécifiques, comme de la fièvre, une fatigue intense, des maux de tête, des courbatures, des diarrhées, des maux de gorge...
  • Des essoufflements (même au repos) et des difficultés à respirer (insuffisance cardiaque)
  • Des douleurs dans la poitrine, accompagnées de palpitations ou de battements cardiaques forts
  • Des troubles du rythme cardiaque (battements cardiaques rapides ou irréguliers...)
  • Dans le cas d'une myocardite fulminante, l'inflammation évolue rapidement vers une grave défaillance du cœur (détresse respiratoire, voire un arrêt cardiaque), nécessitant une prise en charge en urgence

"Il ne faut en aucun cas hésiter à consulter son médecin traitant ou un cardiologue, parce que plus on sera précoce dans le diagnostic, meilleure sera la survie. En cas de suspicion de myocardite, le médecin pourra réaliser une échographie cardiaque et un dosage des biomarqueurs cardiaques", tient à insister le Dr Dellesalle. 

Quelle est la cause d'une myocardite fulminante ?

Certaines myocardites sont favorisées par un épisode viral (rhinite, gastro-entérite, Covid...)

"Le cœur fonctionne par électricité via des tissus de conduction. Dès lors qu'on a un risque d'avoir une inflammation localisée proche d'un tissu de conduction, l'influx électrique peut perturber le fonctionnement cardiaque et peut générer une irrégularité du rythme cardiaque", détaille notre interlocuteur. La cause d'une myocardite est souvent virale : le virus attaque les cellules du muscles cardiaques. Certaines myocardites sont ainsi favorisées par un épisode viral (rhinite, gastro-entérite, Covid...). Dans de rares cas, une myocardite résulte d'une réaction toxique à un médicament ou à une substance de type cocaïne, arsenic, plomb...  "Par ailleurs, il y a de plus en plus de myocardites dans le milieu du cancer. En effet, certaines immunothérapies peuvent induire une réaction auto-immune qui va, chez certains patients atteints de cancer, cibler par erreur le cœur et entraîner une myocardite. Même si paradoxalement, cela signifie que le patient a une bonne réponse au traitement", explique le cardiologue. La myocardite virale concerne généralement les sujets jeunes ou d'âge moyen. La myocardite chez les enfants survient généralement en réponse à un syndrome inflammatoire global. La myocardite induite par un traitement anti-cancéreux sous immunothérapie concerne, quant à elle, plutôt les sujets âgés ou d'âge moyen.

Un risque après un vaccin anti Covid ?

"Nous n'avons pas retrouvé de notion de myocardite caractérisée comme "fulminante" suite à la vaccination anti Covid"

"Un risque de myocardite après la vaccination Covid-19 est confirmé mais peu fréquent et d'évolution favorable", a mis en évidence l'Agence nationale du médicament (ANSM). L'étude Epi-Phare, basée sur les données du Système National des Données de Santé (SNDS) visant à mesurer l'association entre les vaccins Comirnaty (de Pfizer) et Spikevax (de Moderna) et le risque de myocardite, a rapporté 919 cas de myocardites entre le 15 mai et le 31 août 2021. "Sur ces cas, aucun décès n'a été répertorié. Pour l'instant, la vaccination reste plus favorable quant aux bénéfices", rappelle le médecin. Ces chiffres ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque des vaccins contre la Covid-19 Comirnaty et Moderna, estime l'ANSM. Dans ces contextes, la myocardite survenait la plupart du temps dans les 7 jours après la 2e injection, "ce qui n'est pas un délai de survenue rapide, précise le médecin. Nous n'avons pas retrouvé de notion de myocardite caractérisée comme "fulminante" suite à la vaccination anti Covid. D'autant plus que l'ANSM rapporte un pronostic d'évolution clinique favorable" (dans 87% des cas avec le vaccin de Moderna). 

Comment est posé le diagnostic d'une myocardite fulminante ?

"Difficile de déterminer le délai de survenue ou de dégradation brutale, autrement dit à quel moment la myocardite a démarré", explique d'emblée le cardiologue. Néanmoins, pour poser un diagnostic, on dispose de plusieurs entités d'examens :

  • L'examen clinique avec l'analyse des symptômes (signes d'insuffisance cardiaque, présence d'un frottement...)
  • Une prise de sang pour doser les biomarqueurs cardiaques, dont le NT-proBNP (biomarqueur cardiaque essentiel guidant au diagnostic de l'insuffisance cardiaque), la troponine (substance protéique qui entre dans la constitution des fibres musculaires et régule leur contraction, notamment au niveau du muscle cardiaque) ou le BNP (taux plus élevé chez un patient présentant une insuffisance cardiaque). 
  • L'électrocardiogramme pour spécifier les troubles conductifs, les arythmies...
  • Une échographie cardiaque ou une IRM cardiaque quand le patient est suffisamment stable cliniquement. 
  • Une coronarographie pour éliminer les problèmes d'artères cardiaques. 

Quel est le traitement d'une myocardite fulminante ?

Pour limiter l'inflammation cardiaque, la myocardite fulminante demande une prise en charge en urgence en service de soins intensifs. Le traitement dépend de la sévérité de l'atteinte du cœur. "Si on a des signes de gravité, une défaillance hémodynamique (mauvaises conditions mécaniques de la circulation du sang) ou une dysfonction ventriculaire à l'échographie, on va mettre en place un traitement cardioprotecteur, et des traitements dits de suppléance en association aux anti-inflammatoires. Parmi les traitements de suppléance, il y a le remplissage vasculaire, l'administration d'amines (noradrénaline, dobutamine...), des médicaments qui vont booster la fonction cardiaque et maintenir une pression artérielle suffisamment haute, voire les appareillages d'assistance circulatoire (ECMO ou autre). Parmi les traitements anti-inflammatoires, on proposera des corticoïdes, échanges plasmatiques ou immunoglobulines... En dernier recours, il y a la greffe cardiaque", liste notre interlocuteur.

Si un traitement est rapidement mis en place, la myocardite reste réversible et de pronostic favorable.

Quel est le pronostic de survie d'une myocardite ?

"Si un traitement est rapidement mis en place (assistance circulatoire, administration d'amines...), la myocardite reste réversible et de pronostic favorable. Ce n'est pas une règle absolue, il peut y avoir des séquelles ou être non réversible. La fragilité du patient reste importante par rapport au pronostic. La myocardite en réponse à un traitement du cancer a un pronostic de survie de 50% (un décès sur deux). En revanche, pour une myocardite aiguë virale chez un sujet jeune, le pronostic est bien meilleur", conclut notre expert. 

Merci au Dr Géraud Delesalle, cardiologue à l'Hôpital-Clinique Claude Bernard à Metz (établissement Elsan).