Hépatite fulminante : cause, traitement, quelle mortalité ?

L'hépatite fulminante est une atteinte très grave du foie qui peut mener jusqu'à un coma mortel. Un surdosage en paracétamol peut être en cause. Quels sont les symptômes d'alerte ? Le traitement d'urgence ? A partir de quel taux de transaminases ? Décryptage du Pr Patrick Marcellin, hépatologue.

Hépatite fulminante : cause, traitement, quelle mortalité ?
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L'hépatite fulminante apparaît brutalement. Il s'agit de la destruction massive des cellules du foie, ce qui entraîne une insuffisance hépatique. Le foie ne peut ainsi plus fonctionner correctement, ce qui peut entraîner un décès. Si l'hépatite fulminante est rare, elle nécessite une hospitalisation et souvent, une transplantation hépatique en urgence pour espérer en guérir. Quels sont les symptômes d'une hépatite fulminante ? Les causes ? Les examens et analyses à faire ? Un dosage des transaminases ? Le traitement d'urgence ? Les risques de mortalité ? Explications du Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon (Clichy).

10% des hépatites peuvent évoluer vers une forme plus grave.

Définition : qu'est-ce qu'une hépatite fulminante ?

L'hépatite fulminante est la complication la plus grave d'une hépatite aiguë, une inflammation du foie qui apparaît brutalement. "Si 90% des hépatites aiguës guérissent spontanément, sans traitement, 10% des hépatites peuvent évoluer vers une forme plus grave. Parmi les formes graves, on retrouve l'hépatite fulminante", alerte d'emblée le Pr Marcellin, hépatologue. Elle est caractérisée par la perte de la fonction globale du foie. Autrement dit, le foie ne peut plus assurer correctement ses fonctions. Elle s'installe sur un intervalle de temps court (quelques jours à quelques semaines) et survient généralement sur un foie auparavant sain.

Schéma d'une hépatite fulminante avec destruction des cellules du foie
Photo d'une hépatite fulminante avec destruction des cellules du foie © alexlmx -123RF

Quels sont les symptômes d'une hépatite fulminante ?

L'hépatite fulminante est une hépatite très sévère. "Plus de 90% des cellules hépatiques meurent, ce qui entraîne une insuffisance hépatique qui est fatale si elle n'est pas traitée", prévient notre interlocuteur. Les signes cliniques d'une insuffisance hépatique sont assez limités au début et ne sont souvent constatés par le patient qu'une fois l'hépatite est devenue sévère. Ils regroupent :

  • Une sensation de fatigue, même après un repos
  • Une jaunisse (aussi appelée ictère) : le blanc de l'œil et la peau deviennent jaunâtres
  • Des troubles digestifs (nausées, vomissements...)
  • Une tendance à faire des hémorragies (sang dans les selles, vomissements sanguinolents) ou des ecchymoses
  • Un gonflement de l'abdomen dû à une accumulation de liquide (ascite)

Le foie, endommagé, n'est plus capable d'éliminer les toxiques comme il est censé le faire habituellement, les substances toxiques s'accumulent dans le sang, certaines arrivant jusqu'au cerveau (dont l'ammonium), ce qui peut entraîner une encéphalopathie hépatique (avec des signes neurologiques : des confusions, des vertiges, une baisse de la vigilance, des somnolences) qui peut elle-même entraîner un coma, potentiellement mortel en 24 à 48 heures.

Quelles sont les causes d'une hépatite fulminante ?

► Origine virale. Une hépatite fulminante est une complication d'une hépatite aiguë, qui est souvent d'origine virale (donc due à un virus). "Si cela reste exceptionnel, l'hépatite fulminante peut survenir en cas d'infection au virus de l'hépatite A, et en cas d'infection concomitante aux hépatites B et D. Mais aussi en cas d'hépatite virale liée au virus de l'Herpès ou au virus de la mononucléose (Epstein-Barr)", détaille notre interlocuteur.

► Origine médicamenteuse. "Une hépatite fulminante peut être observée après avoir pris trop de médicaments, du Doliprane® par exemple. En effet, en cas de surdosage de paracétamol, la partie toxique contenue dans le paracétamol peut détruire les cellules du foie, ce qui peut entraîner une hépatite médicamenteuse fulminante. Cette destruction des cellules du foie peut parfois être asymptomatique et passer inaperçue, mais pas toujours. Si le nombre de cellules hépatiques tuées est très élevé, on peut développer une insuffisance hépatique grave. On a alors un foie qui est de moins en moins fonctionnel, ce qui peut aboutir à un coma", explique le Pr Marcellin. 

Comment pose-t-on le diagnostic d'une hépatite fulminante ?

Pour une hépatite fulminante, le taux de transaminases est généralement compris entre 5 000 et 10 000.

Le diagnostic d'une hépatite fulminante repose sur des analyses de sang pour vérifier le bon fonctionnement des fonctions hépatiques et identifier la cause. "Une hépatite se caractérise par une élévation anormale des transaminases (10 fois plus que la normale). Les transaminases sont des enzymes qui se trouvent dans les cellules du foie : quand ces cellules meurent, ces enzymes passent dans le sang. On comprend donc bien que plus les cellules hépatiques meurent, plus les transaminases sont élevées dans le sang. Pour une hépatite fulminante, le taux de transaminases est généralement compris entre 5 000 et 10 000", indique le Pr Marcellin. A noter que le taux de transaminases peut légèrement varier en fonction du laboratoire. Ensuite, il faut déterminer le pourcentage de fonction hépatique, autrement dit, à combien le foie assure ses fonctions, mesuré à l'aide du taux de prothrombine (aussi appelé TP ou temps de Quick). "Dans le cas d'une hépatite fulminante, le TP est inférieur à 20%, ce qui nécessite une hospitalisation en urgence pour potentiellement réaliser une transplantation hépatique", alerte l'hépatologue. 

La transplantation hépatique permet de sauver plus de 80% des patients.

Quel est le traitement d'une hépatite fulminante ?

En cas d'hépatite aiguë sévère, le traitement consiste à traiter la cause (agent antiviral s'il s'agit d'une hépatite aiguë sévère liée à un virus par exemple, quand celui-ci est disponible). "Quand l'hépatite aiguë sévère évolue défavorablement et devient fulminante, il faut réagir très vite : une transplantation hépatique (greffe du foie) peut être réalisée en urgence. Elle représente le meilleur espoir de survie. La transplantation hépatique permet de sauver plus de 80% des patients", indique le Pr Marcellin. La transplantation hépatique est une technique chirurgicale consistant à remplacer un foie malade et défaillant par un foie sain provenant d'une autre personne afin de restaurer la fonction hépatique. Le donneur et le receveur doivent être compatibles en termes de groupe sanguin. 

Quel est le risque de mort en cas d'hépatite fulminante ?

L'hépatite fulminante peut entraîner un coma qui conduit au décès dans plus de 80% des cas, en l'absence de traitement. La transplantation hépatique représente le meilleur espoir de survie (chiffres du Centre hépato-biliaire Paul Brousse) :

  • 70% des patients sont en vie 1 an après la transplantation hépatique
  • 67% des patients sont en vie 5 ans après la transplantation hépatique (Pour info, le taux de survie à 3 ans était de 30% au début des années 80). 

Néanmoins, la vie d'un patient transplanté est considérablement modifiée, avec souvent, la nécessité de la prise d'un traitement immunosuppresseur à vie, et des complications qui peuvent survenir, même à distance de la transplantation.

Merci au Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon (Clichy) et Président de l'APHC (Association pour l'amélioration de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques du foie)