Insuffisance respiratoire chronique : signes et traitements
De nombreuses maladies respiratoires (BPCO, grippe, Covid, asthme...) sont susceptibles d'évoluer en insuffisance respiratoire chronique. Quels sont les symptômes de cette affection ? Les complications ? Les causes ? Explications avec le Dr Élise Noël-Savina, pneumologue au CHU de Toulouse
Définition : qu'est-ce que l'insuffisance respiratoire chronique ?
L'insuffisance respiratoire est une incapacité de l'appareil respiratoire à assurer une oxygénation correcte du sang et l'élimination du gaz carbonique. L'insuffisance respiratoire est dite chronique quand elle perdure à l'état stable et qu'elle s'accompagne d'une hypoxémie, c'est-à-dire d'une pression artérielle en oxygène (PaO2) inférieure à 70mm de mercure. Le diagnostic est confirmé quand cette mesure est effectuée deux fois en air ambiant, sans oxygène, au repos, à deux reprises et à au moins deux semaines d'intervalle.
Quels sont les symptômes ?
L'insuffisance respiratoire chronique se manifeste par une augmentation progressive des difficultés à respirer avec l'apparition d'une cyanose, coloration bleutée des téguments révélant une augmentation de la proportion de sang désoxygéné. "Les symptômes sont en fonction de la cause de l'insuffisance respiratoire chronique. Le plus caractéristique d'entre eux est la dyspnée (gêne pour respirer), qui est à son minimum pour des efforts importants et va devenir une véritable gêne pour respirer au repos. Le degré d'activité auquel la gêne pour respirer apparaît est très important pour quantifier cette dyspnée. D'autres symptômes peuvent survenir : la toux sèche en cas de fibrose, des expectorations en cas de maladies bronchiques, une altération de la qualité du sommeil en cas d'insuffisance respiratoire secondaire à un syndrome d'obésité hypoventilation", commente le Dr Élise Noël-Savina.
Quelles sont les causes ?
Plusieurs maladies respiratoires peuvent évoluer vers une insuffisance respiratoire chronique. Les trois principales causes les plus fréquentes sont :
- La bronchite obstructive (BPCO) qui est principalement due au tabac ;
- Le syndrome d'obésité hypoventilation : "certains patients obèses ventilent moins bien surtout la nuit, leur taux d'oxygène va donc baisser et leur taux de gaz carbonique va augmenter dans le sang", explique la pneumologue ;
- Les maladies neuromusculaires : sclérose latéral amyotrophique, myopathie de Duchenne... Ce sont toutes les maladies qui vont atteindre les nerfs ou les muscles, empêchant le patient de ventiler correctement. Par conséquent, le taux d'oxygène va chuter et le gaz carbonique va augmenter.
Quand parle-t-on d'une insuffisance respiratoire chronique grave ?
"On parle d'insuffisance respiratoire chronique grave quand la pression artérielle en oxygène à l'air ambiant (PaO2) est inférieure à 60mm de mercure. Ceci constitue une indication à mettre de l'oxygène à la maison", indique la spécialiste.
Quelles peuvent être les complications ?
La principale complication est l'insuffisance respiratoire aigüe dans laquelle le patient va se dégrader progressivement. C'est un processus irréversible, lentement évolutif : le patient va se sentir de plus en plus gêné pour respirer, il ne pourra plus marcher, ni effectuer sa toilette, ni sortir de son lit. Des décompensations survenant en phase aiguë peuvent également mettre en jeu le pronostic vital. "Par exemple, une grippe ou une infection par le SARS-COV-2 chez ces patients-là aggravent de manière extrêmement importante l'hypoxémie : leur taux d'oxygène dans le sang va chuter très vite et peut conduire à l'arrêt cardiaque. Parfois, le taux d'hémoglobine va augmenter pour compenser le taux d'oxygène qui est bas dans le sang, ce qui peut entraîner des maux de tête, des thromboses artérielles ou veineuses. Des œdèmes aux jambes ou une hypertension pulmonaire peuvent aussi apparaître : comme le poumon et ses vaisseaux sont malades, cela finit par retentir sur le cœur et entraîner une insuffisance cardiaque droite", détaille notre interlocutrice.
Est-ce que l'asthme est une insuffisance respiratoire ?
"L'asthme peut être une cause d'insuffisance respiratoire chronique à terme, mais il faut que ce soit un asthme très évolué. Ce n'est pas la cause la plus fréquente", nuance le Dr Élise Noël-Savina.
Comment se fait le diagnostic ?
Il faut distinguer deux diagnostics : le diagnostic de la maladie sous-jacente et le diagnostic de l'insuffisance respiratoire chronique. Le diagnostic de l'insuffisance respiratoire chronique est posé par l'étude des gaz du sang réalisés après un prélèvement de sang artériel ou gazométrie. Vient ensuite le bilan étiologique de cette insuffisance respiratoire chronique : les patients sont invités à souffler pour obtenir une évaluation de leur fonction respiratoire. La maladie sous-jacente est quant à elle déterminée par des imageries du thorax (scanner).
Quel traitement pour soigner une insuffisance respiratoire chronique ?
Pour traiter l'insuffisance respiratoire chronique, il faut améliorer l'oxygénation, à l'aide d'un apport d'oxygène plus important par un tuyau : c'est l'oxygénothérapie, ou parfois grâce à l'utilisation d'une machine assurant la ventilation : c'est la ventilation mécanique. Dans certains cas, une greffe de poumon peut être envisagée. La pneumologue précise également que l'arrêt du tabac est impératif, quelle que soit la cause de l'insuffisance respiratoire chronique puisqu'il l'aggravera. La plupart du temps, il en est d'ailleurs la cause.
Les décompensations aigues, qui constituent la complication principale de l'insuffisance chronique, sont la plupart du temps favorisées par des causes infectieuses. Les vaccinations contre la grippe, le pneumocoque et le Sars-Cov-2 sont donc vivement recommandées. L'activité physique et la réadaptation respiratoire en kinésithérapie font également partie de la prise en charge.
Quant au traitement de la cause sous-jacente : en cas de BPCO due au tabac, l'arrêt du tabac et l'administration de traitements broncho-dilatateurs sont recommandés. Lorsqu'une fibrose pulmonaire est à l'origine de l'insuffisance respiratoire chronique, le traitement repose sur la prise d'anti-fibrosant. Si elle est due à une hypertension pulmonaire, le traitement consiste en un vasodilatateur pour diminuer la pression au niveau des poumons.
Merci au Dr Élise Noël-Savina, pneumologue au CHU de Toulouse