Immunité après Covid : durée, combien de temps, 2 fois de suite ?
Près d'une personne sur trois exposées au Sars-CoV-2 est infectée, et même jusqu'à deux sur cinq avec le variant Omicron. Avec l'immunité, ce taux descend à une sur dix.
Presque quatre ans après l'apparition du Covid-19, une grande partie de la population a développé une immunité contre son virus, le SARS-CoV-2, après avoir été infectés et/ou à la vaccinés. En décembre 2022, l'OMS estimait qu'au moins 90% de la population mondiale présentait cette immunité. Malgré cette immunité, beaucoup ont rattrapé le Covid ou le rattrapent aujourd'hui. Combien de temps est-on protégé après l'avoir eu ? Quels risques de le rattraper deux fois de suite ?
C'est quoi l'immunité ?
L'immunité désigne le fait d'être protégé contre une maladie infectieuse, soit par un vaccin, soit parce que l'on a déjà été infecté par un microbe infectieux, un virus ou une bactérie. Ainsi, en cas d'exposition à cet agent infectieux, notre système immunitaire le reconnaît, il nous défend et empêche le microbe de se multiplier dans notre organisme. De manière générale, "la protection donnée par les vaccins est absolument fondamentale au niveau de la population, prévient Nicolas Manel. Concrètement, les vaccins ont vraiment permis d'augmenter la survie de l'humanité de manière incroyable, ça se voit très bien sur la rougeole et la polio par exemple. Plus les gens se feront vacciner contre le SARS-CoV-2, moins le virus tuera de personnes."
Combien de temps est-on immunisé après le Covid ?
Près d'une personne sur trois exposées au SARS-CoV2 est infectée, et même jusqu'à deux sur cinq avec le variant Omicron. En cas d'immunité - conférée par la vaccination, l'infection ou une combinaison des deux (immunité hybride)- ce taux descend à une sur dix. "Toutefois, l'immunité disparaît en quelques mois" a confirmé une équipe de l'Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en septembre 2023. La durée de protection du vaccin est de 6 mois. Ensuite "l'immunité baisse progressivement" expliquait la Haute Autorité de Santé en 2021. Elle ré-augmente avec une dose de rappel. La protection de la vaccination contre les formes sévères "diminue au-delà de 4 mois après le 1er rappel (3ème dose, ndlr) notamment chez les sujets âgés" rapportent ces experts.
Comment s'immunise-t-on après avoir eu le Covid ?
Les premières études ont montré que le taux d'anticorps augmente rapidement dans les 2 à 3 premières semaines suivant l'infection Covid, puis diminue progressivement.
Il y a deux phases de conservation de la réponse immunitaire :
→ Première phase : on a des anticorps dans notre sang qui ont été produits au moment de l'infection ou de la vaccination : le système immunitaire s'active et produit des anticorps qui persistent dans l'organisme pour nous protéger. "La durée de protection varie d'une personne à l'autre, on peut donner comme ordre de grandeur quelques mois. Avec ces anticorps, le risque de ré-infection est très faible. Si une ré-infection à lieu malgré tout, elle est généralement beaucoup moins symptomatique" rassure Nicolas Manel, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (L'INSERM), chef d'équipe à l'Institut Curie, spécialisé en virologie et immunologie.
→ Deuxième phase : "C'est la réponse dite mémoire, on n'a plus du tout ou très peu d'anticorps dans le sang mais les cellules qui ont à produit ces anticorps sont toujours présentes, elles sont juste en dormance en attendant la prochaine infection", explique le chef d'équipe à l'Institut Curie. Autrement dit, si on se faisait ré-infecter, soit on ne développerait même pas de symptômes, soit les symptômes sont moins sévères parce que nos cellules dites mémoire vont pouvoir se réactiver beaucoup plus vite. Même si les anticorps ont disparu, il faut savoir que ces cellules mémoires durent toute la vie.
"Même si une personne a eu une infection antérieure et a été vaccinée, elle est toujours susceptible de subir des effets indésirables"
Au bout de combien de temps peut-on rattraper le Covid ?
Un délai de 60 jours (2 mois) par rapport à une précédente infection semble pertinent pour parler de réinfection par le SARS-CoV-2, estime le Haut conseil de la santé publique. D'après les chiffres publiés par Santé Publique France, le risque de rattraper le Covid augmente avec l'ancienneté de la première infection pour atteindre un plateau environ 6 mois après la première infection. Selon une étude publiée dans Nature Medicine en novembre 2022, la réinfection par le SARS-CoV-2 doublerait les risques de décès et triplerait ceux d'hospitalisation et de problèmes cardiaques. "Même si une personne a eu une infection antérieure et a été vaccinée, elle est toujours susceptible de subir des effets indésirables en cas de réinfection" a commenté Ziyad Al-Aly qui a dirigé l'étude au Centre de santé des anciens combattants de Saint-Louis, dans le Missouri (Etats-Unis).
Immunité hybride = "super immunité" contre le Covid ?
Il semblerait que la meilleure "option" pour se protéger du coronavirus Sars-Cov-2, du moins de ses formes graves, soit la combinaison de la vaccination puis de l'infection. C'est ce qu'on appelle l'immunité hybride. Les résultats d'une étude relayée par l'Inserm en mars 2023 ont indiqué que six mois après la dernière injection vaccinale ou après infection, les personnes qui présentent une immunité hybride sont celles qui ont les plus forts taux d'anticorps neutralisants dans le sang.
Les personnes qui présentent une immunité hybride sont celles qui ont les plus forts taux d'anticorps neutralisants dans le sang
En septembre 2022 déjà, une étude relayée dans le BMC Medicine a montré que chez 36% des personnes infectées par le Covid mais non vaccinées, les anticorps n'étaient plus détectables 1 an après l'infection alors que "les participants vaccinés et infectés avaient des niveaux d'anticorps supérieurs au fil du temps" notaient les chercheurs. En décembre 2021, une étude américaine publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) avait aussi montré sur des soignants vaccinés puis infectés par le Covid (test PCR positif) entre janvier et août 2021 et d'autres vaccinés mais non infectés que les premiers avaient une quantité plus importante d'anticorps dans le sang : "Une augmentation de 1000 % et parfois même de 2000 %, donc une immunité vraiment élevée. C'est presque une 'super-immunité" a commenté le Professeur Fikadu G. Tafesse, co-auteur de l'étude. D'autres recherches comme celles publiée dans The Lancet Infectious Diseases en janvier 2022 ont aussi montré que les patients ayant un schéma vaccinal complet et infectés (par rapport à l'absence de vaccination) avaient moins de risque d'hospitalisation, de symptômes dans la première semaine de la maladie (après la première ou la deuxième dose) et de symptômes de longue durée (≥ 28 jours) après la deuxième dose. Presque tous les symptômes ont été signalés moins fréquemment chez les personnes infectées vaccinées que chez les personnes infectées non vaccinées, et les participants vaccinés étaient plus susceptibles d'être complètement asymptomatiques.
Peut-on faire une prise de sang pour connaître son immunité ?
La présence d'anticorps indique que le sujet a été infecté par le SARS-CoV-2, quelle que soit la gravité des symptômes, ou même en l'absence de symptômes. À ce jour, plusieurs études montrent que les personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2 développent des anticorps propres à ce virus. Néanmoins, les concentrations d'anticorps peuvent varier entre les personnes ayant eu une forme grave de la maladie (plus d'anticorps) et les personnes ayant été atteintes de formes bénignes ou d'infections asymptomatiques (moins d'anticorps). Les "tests sérologiques" détectent les anticorps contre le virus et mesurent la quantité d'anticorps produite à la suite d'une infection, ce qui permet de déterminer si une personne a été préalablement infectée par le SARS-CoV-2. Ces tests sont réalisables idéalement environ 14 jours après le début des symptômes. La présence d'anticorps de type IgG signifie que le sujet a rencontré le virus et a développé une réaction immunitaire dont témoignent ces anticorps. Cela ne veut pas forcément dire que l'on est immunisé mais que l'on a été infecté.
Est-on plus protégé si on a fait une forme sévère ?
"La réponse des anticorps varie bel et bien en fonction de la sévérité de la maladie. On observe en effet une bonne corrélation entre quantité d'anticorps et virémie, c'est-à-dire la force avec laquelle le virus s'est multiplié dans l'organisme. En présence d'une forme sévère, il y a plus de virus, ce qui fait que le système immunitaire s'active davantage et produit plus d'anticorps", confirme le spécialiste en immunologie et virologie. Autrement dit, si on a contracté une forme sévère de la maladie, on a beaucoup d'anticorps en circulation dans le sang et le risque de se faire ré-infecter dans les mois qui suivent est réduit. En revanche, si on a fait une forme légère, relativement asymptomatique, la réponse des anticorps est faible et le risque de se faire ré-infecter est potentiellement plus élevé.
Quelle immunité si on a été asymptomatique ?
Près de la moitié des personnes infectées par le SARS-CoV-2 ne développe pas de symptôme. La réponse immunitaire induite par les formes asymptomatiques de la Covid-19 est mal connue. Des scientifiques de l'Institut Pasteur ont montré que les personnes asymptomatiques possèdent des anticorps mais que leur réponse est légèrement plus faible que celle des patients atteints de formes modérées de la Covid-19.
Les femmes sont-elles immunisées plus longtemps ?
Des chercheurs de l'Inserm ont suggéré que le taux d'anticorps développé par les femmes est plus stable que celui des hommes. "Immédiatement après l'infection, le taux d'anticorps anti-Covid-19 est en moyenne inférieur chez les femmes. Mais avec le temps, il suit un déclin qui est généralement moins prononcé chez elles que chez les hommes, quel que soit leur âge ou leur poids" a indiqué Samira Fafi-Kremer, qui a dirigé ce travail en collaboration avec l'équipe d'Olivier Schwartz de l'institut Pasteur. "On sait par exemple que les femmes ont d'une façon générale une réponse humorale et cellulaire plus robuste que les hommes, que ce soit face à d'autres maladies infectieuses ou en réponse à une vaccination. Le versant délétère de cette plus large réactivité est que les femmes sont plus souvent sujettes aux maladies auto-immunes", rappelle Samira Fafi-Kremer. Plusieurs mécanismes pourraient être impliqués, à la fois hormonaux, environnementaux (notamment via l'épigénétique) et génétiques. "Une grande partie des gènes de l'immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes."
C'est quoi l'immunité naturelle ?
L'immunité naturelle est une résistance à l'infection conférée par une protection immunologique innée : les premières défenses immunitaires, dites "innées", fonctionnent très rapidement pour éliminer le virus, à tel point que bien souvent, le virus ne se multiplie même pas et n'est pas détectable dans l'organisme. "Si cette immunité innée n'est pas suffisante, le virus commence à se multiplier et c'est l'immunité acquise qui prend le relai. Il y a également une fraction de la population qui est résistante parce qu'elle possède des mutations génétiques, mais c'est extrêmement rare" commente Nicolas Manel, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), chef d'équipe à l'Institut Curie, spécialisé en virologie et immunologie.
"Il est devenu difficile de modéliser le niveau d'immunité populationnelle"
C'est quoi l'immunité acquise ?
L'immunité acquise est celle que l'on acquiert, soit en réponse à un vaccin, soit en réponse au virus lorsque l'on a été infecté par celui-ci. Elle a l'avantage de durer un certain temps, de plusieurs mois à toute une vie selon les cas.
C'est quoi l'immunité croisée ?
Les virus font partie d'une grande famille, il en existe des millions et comme dans toutes les familles, il y en a qui se ressemblent plus ou moins. Par exemple, dans la famille des coronavirus, on distingue les alpha, qui causent notamment des rhumes chez les enfants, et les bêta, dont le SARS-CoV-2 fait partie. Bien que différents du SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19, les alpha présentent quand même des similitudes. "Voilà pourquoi certains patients ayant eu des infections à coronavirus dans leur enfance ont acquis une immunité contre ces derniers et peuvent l'avoir conservée suffisamment longtemps pour que la mémoire immunitaire s'active, précise le directeur de recherche à l'Inserm. Autrement dit, le système immunitaire réagit contre un virus de la même famille et même si ce n'est pas aussi efficace, cela peut aider à développer moins de symptômes : c'est ce que l'on appelle l'immunité croisée."
C'est quoi l'immunité collective ?
L'immunité collective est une notion d'épidémiologie qui s'applique à de vastes populations. Concrètement, sur un panel de 1000 personnes, si seulement 10 d'entre elles ont acquis une immunité contre la Covid-19, celui-ci va continuer à se propager entre les autres personnes. "Pour atteindre cette immunité collective et mettre fin à l'épidémie, il est nécessaire qu'un pourcentage élevé de la population soit immunisé contre ce virus, même si tout le monde n'a pas été infecté ou vacciné. Cela est lié au comportement des virus et à la manière dont ils se transmettent d'une personne à une autre", détaille le virologue. L'immunité collective avec la Covid-19 nécessite du temps. Contrairement aux virus saisonniers que l'on connaît, qui réapparaissent tous les ans, et pour lesquels il y a déjà des immunités pré-existantes, la population humaine n'avait jamais été confrontée au SARS-CoV-2 auparavant.
Merci à Nicolas Manel, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (L'INSERM), chef d'équipe à l'Institut Curie, spécialisé en virologie et immunologie. Propos recueillis en décembre 2020.
Sources :
Avis du 20 octobre 2022 du Comité de Veille et d'Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS).
Les risques de réinfections par le SARS-CoV-2. Point au 15 septembre 2022. Santé Publique France.
Anti-SARS-CoV-2 Antibodies Persist for up to 13 Months and Reduce Risk of Reinfection. Hôpitaux universitaires de Strasbourg. 18 mai 2021
Asymptomatic and symptomatic SARS-CoV-2 infections elicit polyfunctional antibodies, Cell Reports Medicine, 21 avril 2021
L Grzelak et coll. Sex differences in the evolution of neutralizing antibodies to SARS-CoV-2. J Infect Dis., édition en ligne du 7 mars 2021.
Rapport Aspects immunologiques et virologiques de l'infection par le SARS-CoV-2, HAS, 1er décembre 2020