Dysphagie (trouble de la déglutition) : cause, symptômes, traitements
En France, 2 millions de personnes souffrent de dysphagie, un trouble qui se manifeste par des difficultés à avaler les aliments et les boissons. Plus de la moitié des patients ayant subi un AVC sont à risque. Quels sont les symptômes ? Les causes et les traitements ? Eclairage de Marlène Simean, diététicienne.
En France, environ 2 millions de personnes sont atteintes de dysphagie, indique la Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (SNFGE). Il s'agit d'un trouble de la déglutition qui se caractérise par de grandes difficultés ou une impossibilité à avaler certains aliments ou boissons, parfois même de l'eau. La dysphagie peut survenir à tout âge mais elle est plus fréquente chez la personne âgée, la personne ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC), atteinte de la maladie d'Alzheimer ou de la maladie de Parkinson. Quels sont les symptômes pour la reconnaître ? Les causes qui expliquent son apparition ? Et les solutions pour mieux la vivre au quotidien ?
Définition : c'est quoi la dysphagie ?
La dysphagie correspond à des troubles de la déglutition. Elle se manifeste par des difficultés ou une impossibilité à avaler certains aliments et boissons. La personne peut se plaindre d'une gêne à la déglutition ou avoir la sensation qu'un obstacle empêche l'aliment ou le liquide de pénétrer jusqu'à l’œsophage. "Normalement, lorsqu'on avale des aliments ou des liquides, nos voies aériennes sont fermées. Mais une personne qui souffre de dysphagie a un défaut de fermeture des voies aériennes : le clapet (l'épiglotte) qui ferme la glotte au niveau du larynx ne peut plus se refermer à temps ou n'est plus capable de se refermer. Ainsi, des micro-particules, solides ou liquides, peuvent y pénétrer et atteindre les voies respiratoires au lieu d'aller dans l’œsophage qui est la voie alimentaire normale", explique Marlène Simean, diététicienne.
Quels sont les symptômes de la dysphagie ?
La déglutition est un processus qui se déroule en 4 temps :
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Les symptômes de la dysphagie sont très variables d'une personne à une autre. La dysphagie est parfois accompagnée par ce qu'on appelle "des fausses routes alimentaires" qui surviennent lorsqu'un aliment ingéré passe dans les voies aériennes au lieu de passer dans les voies digestives. Ces fausses routes peuvent être silencieuses : les aliments ou liquides vont passer au niveau de la trachée sans que le patient ne s'en rende compte, Au contraire, certaines fausses routes peuvent fragiliser les voies pulmonaires et aller jusqu'à l'étouffement lorsqu'un gros morceau vient bloquer la voie respiratoire.
La dysphagie peut entraîner des signes évocateurs pendant la prise alimentaire (ingestion d'aliments et/ou de liquides) :
- Une toux régulière
- Des reflux par le nez
- Une gêne ou des douleurs en avalant
- Des fuites alimentaires par la bouche (le fait de baver en mangeant)
- Un maintien prolongé des aliments en bouche
- Une tendance à manger très lentement et une durée des repas excessive
- La présence de restes de nourriture dans la bouche après la déglutition
- Un changement de voix (enrouée, voilée, cassée) après la déglutition
La dysphagie peut également entraîner des symptômes non spécifiques en dehors des repas comme :
- Des épisodes de fièvre récurrents et inexpliqués
- Une pneumopathie chronique (infection des poumons) sans que l'on trouve la cause de ces récidives. "Les particules se sont logées au niveau du poumon et ont provoqué une infection", précise la diététicienne.
- Une perte d'appétit ou de poids
Quelles sont les causes de la dysphagie ?
Parfois, la dysphagie est visible dès la naissance. Mais le plus souvent, la dysphagie survient à l'âge adulte avec comme possibles causes :
→ Le vieillissement naturel des parois du larynx qui se relâchent avec l'âge et qui entraîne un manque de force musculaire. "On estime que 60% des personnes âgées à domicile peuvent avoir des difficultés à avaler, avoir une déglutition difficile, rencontrer une gêne à la déglutition, et donc à s'alimenter et à s'hydrater", précise Marlène Simean.
→ Un accident de vie comme un AVC qui peut endommager le mécanisme de fermeture des voies respiratoires. Les troubles liés à la dysphagie peuvent toucher plus de la moitié des patients ayant subi un AVC.
→ Une pathologie neurodégénérative comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson qui fragilise également le mécanisme de fermeture des voies respiratoires. Les troubles liés à la dysphagie peuvent toucher jusqu'à 80% des patients atteints d'Alzheimer.
→ Un cancer des voies respiratoires, particulièrement après une chimiothérapie ou une radiothérapie.
Attention : "Certains médicaments peuvent altérer le mécanisme de déglutition comme les relaxants musculaires qui vont causer un relâchement des muscles de la langue, ce qui peut provoquer une fuite un peu trop prématurée des aliments et des liquides dans la gorge et le larynx", signale Marlène Simean.
Quels sont les risques de la dysphagie ?
Un patient qui a mal lorsqu'il avale peut réduire considérablement ses prises alimentaires. Il y a alors un risque évident de dénutrition (perte de l'envie de s'alimenter, peur de manger et donc diminution de la prise alimentaire) ou de déshydratation. Des carences peuvent également survenir si une ou plusieurs catégories d'aliments sont peu ou ne sont plus du tout consommées. "C'est le cas de la viande par exemple qui peut être difficile à mâcher et donc à avaler", précise notre interlocutrice. Enfin, à cause des fausses routes à répétition, il y a également un risque de faire des pneumonies de manière chronique ainsi qu'un risque de décès par étouffement lorsqu'un résidu alimentaire de grande taille bloque les voies respiratoires et n'est pas évacué assez rapidement.
Quel est le diagnostic ?
Pour poser un diagnostic de dysphagie, le médecin en premier lieu doit repérer les signes évocateurs cités ci-dessus comme une toux ou des douleurs pendant les repas, une fièvre ou une pneumopathie injustifiée. "Soit, le patient est en mesure de décrire ses symptômes, soit c'est son entourage ou l'équipe soignante si le patient est dans un établissement médico-social qui alerte le médecin", précise Marlène Simean. Ensuite, des tests de déglutition peuvent être réalisés par des professionnels de santé. Ces tests consistent à proposer au patient différentes textures d'aliments et/ou de liquides afin de pouvoir observer sa capacité de déglutition et d'identifier, en situation, la texture adaptée pour l'hydratation et l'alimentation. Enfin, des examens d'exploration comme une endoscopie ou un examen ORL sont parfois nécessaires pour orienter le diagnostic.
Quelles sont les solutions en cas de dysphagie ?
Le but de la prise en charge repose sur trois axes :
- Assurer la sécurité du patient en évitant les risques de déshydratation, dénutrition et décès par étouffement.
- Assurer un bon état nutritionnel et une bonne hydratation.
- Maintenir une bonne qualité de vie et un bon niveau de plaisir lors des repas.
Pour cela, il faut adapter la texture des aliments en fonction du niveau du trouble de la déglutition du patient. "On pourra ainsi lui proposer des textures lisses, moulinées, hachées ou mixées. Et cela peut se faire de deux façons : soit le patient lui-même ou son entourage prépare des repas avec une texture adaptée, soit le patient a recours à des plats cuisinés avec un bon apport nutritionnel spécialement conçus pour les personnes souffrant de dysphagie et classés par grades en fonction de leur texture", indique notre experte. Par ailleurs, en fonction du diagnostic, "on pourra également adapter les liquides en proposant des eaux gélifiées prêtes à l'emploi ou à reconstituer ainsi que des poudres épaississantes qui vont faciliter l'ingestion. Car lorsqu'ils sont épaissis, les liquides passent moins vite dans la gorge et ont moins de risque de pénétrer dans les voies respiratoires. Ces produits permettent également de s'adapter aux goûts du patient car il est possible d'épaissir n'importe quelle boisson (vin, café, thé, jus, eau...)", poursuit-elle.
La prise en charge est généralement assurée par une équipe pluridisciplinaire composée d'un médecin et d'un diététicien et peut être complétée, chez l'enfant et la personne jeune par exemple, par une rééducation de la déglutition par un orthophoniste. A noter qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas d'opération pour traiter la dysphagie car il s'agit d'un mécanisme de la glotte et de l'épiglotte qu'on n'est pour le moment pas capable d'opérer. De même, il n'existe pas de médicaments capables de compenser ce défaut de fermeture des voies respiratoires.
Merci à Marlène Simean, diététicienne chez Nutrisens, groupe agroalimentaire spécialisé dans la nutrition et la santé qui propose des produits spécialement conçus (plats à texture adaptée, poudres épaississantes, eaux gélifiées, compléments alimentaires...) pour les personnes dysphagiques et qui met en relation des diététiciens certifiés avec des patients et leurs familles dans le but de mettre en place des téléconsultations.