Quelles plantes éviter durant l'épidémie de coronavirus ?

Les autorités sanitaires françaises mettent en garde contre de fausses plantes présentées comme efficaces contre le coronavirus mais qui peuvent s'avérer au contraire dangereuses pour l'organisme. Lesquelles ? Quels risques ? Les infusions ou la diffusion atmosphérique sont-elles aussi proscrites ? Qu'en pensent les spécialistes de la phyto ?

Quelles plantes éviter durant l'épidémie de coronavirus ?
© Natallia Khlapushyna - 123RF

Dans un communiqué du 4 mai, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) met en garde sur l'utilisation de l'Artemisia annua ou Armoise annuelle. Cette plante est "présentée comme une solution thérapeutique ou préventive de l'infection (Covid-19), sous forme de plante sèche, décoction, tisane ou gélules. Ces allégations sont fausses et dangereuses et elles pourraient retarder une prise en charge médicale nécessaire en cas d'infection confirmée" précise l'ANSM. On trouve aussi sur Internet les mises en avant du quinquina et de l'oseille avec des prétendues vertus thérapeutiques contre le SARS-CoV-2. Là encore, ces plantes n'ont pas vocation à soigner ou prévenir l'infection au coronavirus et aucune étude n'a démontré un quelconque bienfait

Il ne faut jamais acheter de produits à visée thérapeutique sur des sites non autorisés, au risque de mettre en danger sa santé  : les sites autorisés pour la vente en ligne de médicaments sont disponibles sur le site du Conseil de l'Ordre National des Pharmaciens.

Dans un Avis publié début avril, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) mettait, elle, en garde contre l'usage d'une vingtaine de plantes en compléments alimentaires qui pourraient perturber les défenses naturelles de l'organisme et interférer avec les mécanismes de défense inflammatoires utiles pour contrer les infections comme celles du Covid-19. Les praticiens en phytothérapie mettent eux en garde sur les conséquences de cette alerte dans un droit de réponse au 24 avril, notamment parce qu'il entrave  le conseil sur les plantes en officine. Le 4 mai, c'est à l'Ansm (Agence nationale de sécurité sanitaire) d'alerter sur l'usage inapproprié et dangereux de certaines plantes à la réputation anti paludisme.

Quelles sont les plantes désignées par l'Anses qui perturbent les défenses immunitaires et inflammatoires ?

Plusieurs plantes ont été identifiées par l'Anses comme présentant des effets contre-productifs dans la défense de l'organisme contre le coronavirus. Il s'agit des plantes contenant des dérivés de l'acide salicylique, analogues de l'aspirine, ou contenant d'autres anti-inflammatoires végétaux. 

Les plantes immunomodulatrices proscrites sont :

  • les échinacées (Echinacea purpurea)
  • la griffe du chat (Uncaria tomentosa) appelée aussi liane du Pérou

Les plantes anti-inflammatoires proscrites sont :

  • la réglisse (Glycyrrhiza glabra L. et Glycyrrhiza uralensis Fisch)
  • le saule (Salix alba L., S. fragilis L., Salix purpurea L., Salix pentandra L., et Salix caprea L)
  • les polygalas : (Polygala sibirica L., Polygala tenuifolia Willd., Polygala vulgaris L.) mais aussi Radix et Rhizoma Rhei (racine de Rheum officinale Baill.), Radix Polygoni multiflori (racine de Polygonum multiflorum Thunb.) et Caulis Polygoni multiflor. Ces plantes font partie de la pharmacopée chinoise.
  • le bouleau (Betula pendula Roth, Betula pubescens Ehrh. et Betula alleghaniensis Britton, B. lenta L.)
  • le peuplier (Populus nigra L., P. tremula L., Populus tremuloides Michx., Populus alba L., et Populus balsamifera L.)
  • la reine des prés (Filipendula ulmaria (L.) Maxim. Filipendula vulgaris Moench.)
  • la verge d'or (Solidago virgaurea L.)
  • l'harpagophytum (Harpagophytum procumbens (Burch.) DC. et Harpagophytum zeyheri Decne, Pedaliaceae)
  • la scrofulaire chinoise (Scrophularia ningpoensis Helmsl.) 
  • le bouillon blanc (Verbascum thapsus L., Verbascum densiflorum Bertol., Verbascum phlomoides L.)
  • les véroniques (Veronica officinalis L., Veronica beccabunga L., Veronica anagallisaquatica L., Veronica chamaedrys L.)
  • les bugles (Ajuga reptans L., A. Ajuga chamaepitys (L.) Schreb., Ajuga iva (L.) Schreb.).
  • les plantes des genres Boswellia connues pour leurs gommes-oléorésines appelées "encens" ou "oliban" (Boswellia serrata)
  • les plantes des genres Commiphora connues pour leurs gommes-oléorésines appelées "myrrhes" (Commiphora mukul (Hook. Ex
    Stocks) Engl., syn. Commiphora wightii (Arn.) Bhandari
    )
  • le curcuma (Curcuma domestica Vahl - synonyme Curcuma longa L.-, Curcuma xanthorrhiza Roxb. - synonyme Curcuma zanthorrhiza Roxb. ou temoe-lawack-) et les curcumas alimentaires (Curcuma longa L., Curcuma xanthorrhiza Roxb. et Curcuma zedoaria (Christm.) Roscoe)

Selon l'Anses, ces plantes sont susceptibles de perturber les défenses naturelles de l'organisme et la réaction inflammatoire bénéfique développée par l'organisme au début des infections. Ces réactions naturelles pourraient être utiles pour lutter contre les infections et, en particulier, contre le COVID-19. Les experts de l'Agence rappellent qu'une inflammation ne doit être combattue que lorsque elle est excessive. Pour les praticiens et spécialistes des plantes médicinales et des pharmacopées traditionnelles, "les conclusions (de l'alerte de l'Anses) risquent de contribuer malheureusement à écarter le public d'un conseil scientifique, officinal et médical pourtant bienvenu" expriment Jacques Fleurentin et Jean-Michel Morel dans leur droit de réponse au communiqué de l'Anses le 24 avril. La dangerosité des plantes ainsi présentée par l'Agence de sécurité sanitaire "risque de laisser encore plus le champ libre à des non-professionnels, à internet." Car "A n'en pas douter, le circuit officinal tiendra compte de ces recommandations de l'Anses et cessera tout conseil dans ce domaine. (...) Dorénavant, le terme "anti-inflammatoire" a de fortes chances de devenir un épouvantail, indiquent les signataires du droit de réponse. Le pharmacien et le médecin sont les interlocuteurs privilégiés du grand public dans ce domaine et ils ont plus besoin de pistes positives que de listes négatives."

Quels sont les compléments alimentaires proscrits ?

Tous les compléments alimentaires composés de plantes aux propriétés anti-inflammatoires visées par l'Anses sont susceptibles d'agir comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Pour rappel, les autorités sanitaires ont proscrit, depuis le 14 mars 2020, l'utilisation de médicaments contenant de la cortisone et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez des patients atteints ou suspects d'être atteints de COVID-19, en raison de la survenue d'"événements indésirables graves" consécutifs à la prise de ces médicaments. La contre-indication sur les plantes suit les mêmes précautions.

"Les mécanismes d'action de ces plantes sont susceptibles d'accroître la gravité et/ou la durée de l'infection"

Qui doit arrêter de consommer ces plantes ?

L'Anses recommande à toutes les personnes consommant ces compléments alimentaires dans un but préventif de suspendre immédiatement leur consommation dès l'apparition des premiers symptômes évocateurs du COVID-19. En revanche, elle préconise aux personnes consommant ces compléments dans le contexte de pathologies inflammatoires chroniques de discuter impérativement avec leur médecin de la pertinence de poursuivre ou non leur consommation. "Cette période épidémiologique ne nous permet pas de déterminer qui est "positif" ou non au virus, c'est pourquoi il est préférable de ne pas utiliser les plantes aux vertus anti-inflammatoires" explique Fevzi Sat, biologiste-microbiologiste et phytothérapeute à Lyon.

Quels sont les risques en consommant ces plantes ?

Dans un contexte épidémique de coronavirus, les personnes - contaminées par le virus ou suspectées de l'être - consommant ces plantes s'exposent à un risque de complications infectieuses. "Les mécanismes d'action de ces plantes sont susceptibles d'accroître la gravité et/ou la durée de l'infection virale, mais aussi d'augmenter le risque d'infections bactériennes associées. Ils sont également susceptibles d'interagir avec les mécanismes de production ou de résolution des dégâts tissulaires générés par l'infection, au niveau des muscles ou du système nerveux centrale" précisent les experts de l'Anses.

Peut-on prendre les plantes en infusion, décoction ou les diffuser dans l'air ?

Les plantes visées par l'Anses doivent faire l'objet des mêmes précautions "quelle que soit la forme : en gélule, en tisane, en poudre, en teinture mère, en sirop, en huile essentielle. Le dosage est différent mais les effets restent les mêmes, prévient notre phytothérapeute. Avant d'utiliser les plantes médicinales, dans tous les cas, il faut se renseigner auprès d'un spécialiste, et écouter ses conseils, car une plante n'est pas "bonne" pour tout le monde."

Sources : Mise en garde de l'Anses, 17 avril 2020.

Mise en garde de l'Ansm, 4 mai 2020.

Droit de réponse, Jacques Fleurentin et Jean-Michel Morel, 24 avril 2020.

Merci à Fevzi Sat, D.E. biologiste-microbiologiste, phytothérapeute et D.E. Sécurité et Veille sanitaire, Herboristerie Gailleton, à Lyon.