Syndrome aigu d'irradiation : c'est quoi, causes

Le syndrome aigu d'irradiation (SAI) apparaît après une irradiation du corps entier à une forte dose de rayonnements ionisants et sur une période très courte. Agnès François, ingénieur chercheur à l'IRSN, au Laboratoire de Radiobiologie des Expositions Médicales, nous explique ce phénomène.

Syndrome aigu d'irradiation : c'est quoi, causes
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Définition : c'est quoi le syndrome aigu d'irradiation ? 

"Le développement d'un syndrome d'irradiation aiguë ou syndrome aigu d'irradiation est toujours associé à une irradiation des tissus biologiques du corps entier ou d'une grande surface du corps par une forte dose de rayonnement ionisant sur une période courte (en général quelques minutes)", détaille Agnès François, ingénieur chercheur à l'IRSN. "Les radiations endommagent l'ADN, ce qui entraîne la mort des cellules, et en particulier des cellules souches, très radiosensibles, responsables du renouvellement des organes. Les organes particulièrement sensibles aux rayonnements ionisants sont ceux qui se renouvellent rapidement comme la peau, le tube digestif ou encore la moelle osseuse". Certains symptômes sont potentiellement mortels. Les notions de volume et de dose – mesurée en Gray (Gy)- sont importantes dans les conséquences que peut avoir une exposition aux rayonnements ionisants. "Par exemple, dans le cadre d'une radiothérapie pour le traitement d'un cancer, le patient va recevoir entre 50 (cancer du sein par exemple) et >70 Gy (cancer du poumon par exemple) en dose totale. Cette dose sera délivrée généralement par fractions de 2 Gy par jour et ciblée précisément sur la tumeur. Ces doses fortes peuvent être appliquées car le volume irradié est restreint et qu'elle est administrée en plusieurs fractions. De grands volumes peuvent également être exposés en radiothérapie, comme traitement préparatoire pour une transplantation de moelle dans les cas de cancers du sang (leucémies par exemple). Objectif : détruire la moelle osseuse malade du transplanté pour la remplacer par une moelle saine issue d'un donneur. De plus, les hautes doses de radiations peuvent éradiquer les cellules cancéreuses résiduelles, augmentant les chances de réussite du traitement. Dans ce cas, le patient va recevoir une dose, toujours fractionnée mais beaucoup plus faible, de 10 à 12 Gy, parce que le corps entier est irradié. En revanche, en situation d'irradiation accidentelle, et sans prise en charge thérapeutique intensive, il faut savoir qu'une exposition à une dose supérieure à 6 Gy peut être mortelle. Tout dépend donc du volume et de la dose".

Quels sont les symptômes d'un syndrome aigu d'irradiation ? 

Les symptômes résultant d'une irradiation globale accidentelle n'ont pas de spécificité marquée. "La nature des symptômes, et surtout leur vitesse d'apparition et leur sévérite, vont varier selon le volume corporel irradié, la dose reçue, la répartition de la dose (l'existence de parties du corps plus ou moins irradiées), et le type de rayonnement", rappelle notre interlocutrice. Néanmoins, il existe des symptômes communs comme : 

  • des nausées et des vomissements
  • des maux de tête
  • de la fièvre
  • des vertiges
  • une sensation de désorientation
  • une faiblesse et de la fatigue
  • du sang dans les vomissements et les selles
  • des infections 
  • des rougeurs cutanées
  • une hypotension
  • une dépilation

 "Les symptômes tels que la diarrhée, l'hyperthermie, les céphalées peuvent être observés pour des doses supérieures à 4 Gy. Globalement, plus la sévérite et la vitesse d'apparition des symptômes sont importantes, plus le pronostic est sombre.".

Quelles sont les causes d'un syndrome aigu d'irradiation ? 

"Les sources naturelles de rayonnement ne sont pas assez puissantes pour provoquer le syndrome, rappelle notre interlocutrice. Il résulte en effet le plus souvent d'activités humaines : accident nucléaire grave dans une centrale nucléaire, explosion d'une bombe atomique, ou exposition accidentelle à une source radioactive puissante dans le monde industriel (lors d'un acte de malveillance par exemple)".

Comment évolue un syndrome aigu d'irradiation ? 

On distingue 3 phases d'évolution successives, poursuit notre spécialiste : 
► Tout d'abord, une phase prodromique non létale qui survient dans les minutes ou 1 à 3 jours après l'irradiation. Cette phase se manifeste le plus souvent par l'apparition de nausées, de vomissements, de maux de tête, d'asthénie, d'anorexie, de fièvre et éventuellement d'un érythème cutané. Plus la dose reçue est forte, plus les symptômes apparaissent rapidement et plus ils sont sévères. En particulier, des vomissements très précoces sont le signe d'une dose reçue élevée.

► S'ensuit une phase de latence, asymptomatique et d'apparente guérison, qui est d'autant plus courte que la dose est élevée. Elle dure quelques heures à quelques semaines

► Enfin, survient la phase clinique manifeste, caractérisée par un retour des symptômes de la phase prodromique, et potentiellement mortelle. Les troubles sont liés à l'atteinte de la moëlle osseuse (dès 1 Gy), du système digestif (à partir de 4 à 6 Gy) et du système neuro-vasculaire (à partir de 15 à 20 Gy).

Dans cette dernière phase, le syndrome aigu d'irradiation comprend trois syndromes majeurs, selon la radiosensibilité des systèmes concernés :

► Le syndrome hématopoïétique, qui apparaît pour des doses supérieures à 1 Gy, affecte la moëlle osseuse, responsable de la production de toutes les cellules sanguines (globules blancs, globules rouges, plaquettes). Il se caractérise par une aplasie médullaire (baisse ou arrêt de la production des cellules sanguines par la moelle osseuse), entraînant un risque important d'infections (moins de globules blancs), d'hémorragies (moins de plaquettes) et d'anémie (moins de globules rouges) ;

► Le syndrome gastro-intestinal, qui survient pour des doses supérieures à 4 à 6 Gy, affecte le tube digestif. Il se caractérise par l'apparition de diarrhées, de crampes abdominales, parfois même d'hémorragies digestives et de septicémie du fait de la rupture de la muqueuse intestinale et des ulcérations digestives. Il peut entraîner la mort en une à deux semaines. Le syndrome gastro-intestinal est toujours associé à un syndrome hématopoïétique. 

► Le syndrome neurovasculaire est létal en quelques heures. Il apparaît pour des doses supérieures à 20 Gy et se caractérise notamment par un coma, causé par la présence de lésions vasculaires dans le cerveau et globalement par une augmentation sévère de la pression intra-crânienne.

Quels sont les dangers d'un syndrome aigu d'irradiation ? 

"Le danger majeur d'un syndrome aigu d'irradiation est la mort, reconnait notre interlocutrice. La prise en charge est lourde et compliquée, en particulier pour les doses les plus fortes. De plus, la prise en charge thérapeutique est compliquée par le développement, pour les doses généralement supérieures à 6 ou 8 Gy, de ce que l'on appelle une défaillance multiple des organes, impliquant non seulement la moelle osseuse et le système digestif, mais également le fonctionnement des poumons, des reins, du foie et globalement d'une grande partie des organes. Nous sommes encore aujourd'hui face à un mur thérapeutique en ce qui concerne la défaillance multiple des organes radio-induite".

Comment pose-t-on le diagnostic d'un syndrome aigu d'irradiation ? 

"Afin de débuter un traitement adapté, il est indispensable d'évaluer au plus vite les atteintes physiopathologiques, insiste Agnès François. En premier lieu, une numération-formule sanguine est systématiquement prescrite face à une suspicion d'irradiation. La sévérité et la vitesse d'apparition de l'aplasie médullaire ainsi que des premiers symptômes peuvent donner une idée de la dose moyenne reçue par l'individu mais ne renseigne pas sur la répartition de la dose (existence de zones plus ou moins irradiées). Par ailleurs, une dosimétrie biologique consistant à dénombrer les aberrations chromosomiques radioinduites dans les lymphocytes circulants peut renseigner sur la dose moyenne reçue par l'individu. Une reconstitution des conditions d'exposition et une dosimétrie physique peuvent également être réalisées afin d'avoir une idée de la répartition de la dose".  

Quel traitement en cas de syndrome aigu d'irradiation ? 

"Il existe un traitement pour le syndrome hématopoïétique à base de cytokines et de facteurs de croissance qui va venir stimuler les cellules souches encore vivantes, répond notre chercheuse. Cela n'est possible que si les irradiations sont hétérogènes, c'est-à-dire que certains territoires médullaires sont épargnés. On parle d'hématopoïèse résiduelle. Les cytokines et facteurs de croissance peuvent alors soutenir et régénérer l'hématopoïèse, déficiente dans les territoires irradiés. "En revanche si la moelle osseuse est sévèrement atteinte, ces facteurs de croissance sont inefficaces, et une greffe de cellules souches hématopoïétiques est parfois réalisée, avec cependant des risques importants de maladie du greffon contre l'hôte s'il existe une hématopoïèse résiduelle non détectée." Pour les personnes qui souffrent d'un syndrome gastro-intestinal, il n'y a malheureusement pas de traitement curatif. On peut en revanche, avec des médicaments, soulager les symptômes grâce à des antibiotiques, des anti-émétiques, une réhydratation et atténuer la douleur. "Le pronostic reste sombre pour cette catégorie de patients".

Est-ce qu'un syndrome aigu d'irradiation peut provoquer la mort ?

"Oui, notamment en cas de syndrome gastro-intestinal", conclut notre interlocuteur.

Merci à Agnès François, ingénieur chercheur à l'IRSN, au Laboratoire de Radiobiologie des Expositions Médicales

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