Dépendance au tabac : définition, durée, symptômes, test
La cigarette entraîne rapidement le fumeur vers la dépendance, en quelques semaines voire beaucoup moins pour certaines personnes. Quels sont les signes de la dépendance ? Comment arrêter de fumer ? Réponses avec Bernard Antoine, addictologue et tabacologue.
C'est quoi le tabac ?
La Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac définit les produits du tabac comme des "produits fabriqués entièrement ou partiellement à partir de tabac en feuilles comme matière première et destinés à être fumés, sucés, chiqués ou prisés". Toutes les formes de tabac sont nocives et il n'y a pas de seuil au-dessous duquel l'exposition est sans danger. Le tabac est le plus souvent consommé sous la forme de cigarettes mais il existe d'autres produits comme le tabac pour pipe à eau, différents produits du tabac sans fumée, les cigares, les cigarillos, le tabac à rouler, le tabac pour pipe, les bidis et les kreteks.
Définition : qu'est-ce que la dépendance au tabac ?
"Contrairement à ce que l'on peut croire, la dépendance n'est pas que chimique : elle est aussi comportementale et psychologique", commence le docteur Bernard Antoine, addictologue, tabacologue et formateur en tabacologie dans le 14e arrondissement de Paris. Il nous explique que ce n'est pas la nicotine seule qui crée la dépendance : en réalité, au bout de 2 ou 3 semaines d'arrêt, la dépendance à la nicotine est partie, mais ce qui reste, ce sont la dépendance comportementale et la dépendance psychologique. "La fumée du tabac contient des éléments capables de bloquer des enzymes appelées 'monoamines-oxydases', qui contrôlent les niveaux de certains neurotransmetteurs dans le cerveau. Ces éléments sont appelés 'inhibiteurs des monoamines-oxydases' ou IMAO. Cela aurait un effet antidépresseur sur le fumeur, et crée donc la véritable dépendance", explique-t-il. C'est cette mécanique qui fait que le fumeur se sent déprimé et anxieux à l'arrêt du tabac. Il ne faut pas non plus sous-estimer la dépendance comportementale : la cigarette est associée à des rituels, des réflexes conditionnés chez le fumeur. L'envie de fumer est souvent liée à un lieu dans lequel le fumeur ne peut pas résister à allumer immédiatement une cigarette : une salle de pause, un bar… "Bien sûr, le fumeur est dépendant à la nicotine, mais il l'est avant tout de la cigarette : celle-ci est devenue la compagne de tous les instants de vie (…) c'est une présence, une chaleur, toujours à portée de main," détaille-t-il dans son livre, "Le livre-blanc de l'apprenti ex-fumeur".
Symptômes : reconnaître une personne dépendante au tabac
Selon les critères de dépendance de la CIM-10, on peut reconnaître une personne dépendante si elle présente au moins trois de ces six signes :
- Un désir puissant ou compulsif de fumer.
- Des difficultés à contrôler sa consommation.
- Quand la personne diminue ou arrête sa consommation, un syndrome de sevrage physiologique survient.
- Une tolérance qui s'installe, entraînant un besoin de fumer plus important pour que l'effet apaisant ou antistress soit efficace.
- La personne abandonne progressivement d'autres sources de plaisir et d'intérêts et augmente son temps passé à fumer.
- Enfin, la personne continue de fumer malgré l'apparition d'effets nocifs.
"Un fumeur ne décide pas de fumer, il y est obligé !"
Une personne dépendante au tabac ne peut donc plus contrôler sa consommation, fume par " réflexe " et se sent stressé, voire panique si elle ne fume plus. "Le plaisir à fumer est illusoire : il s'agit, tout simplement, par l'effet de la nicotine (et d'autres substances) de la libération d'un manque, un peu comme lorsque vous mettez fin à quelque chose qui vous gratte en vous grattant. Mais ça vous démange à nouveau lorsque vous arrêtez de vous gratter" explique-t-il. La cigarette devient alors un remède à l'angoisse. "Un fumeur ne décide pas de fumer, il y est obligé !", nous rappelle ainsi le tabacologue.
Au bout de combien de temps est-on dépendant au tabac ?
"Ce qu'il faut savoir c'est que la dépendance au tabac est l'une des plus puissantes : aucune drogue n'exige d'être ingérée de nouveau toutes les 45 minutes, le laps de temps suffisant pour éliminer la nicotine", explique le docteur Bernard Antoine. La dépendance au tabac s'installe très vite : chaque cigarette rendra plus accro. " En général, on commence à l'adolescence, avec les amis, ou seul dans sa chambre. Mais plus on fume précocement et plus le risque de dépendance est important ", explique l'addictologue.
80% des fumeurs auraient débuté avant 18 ans.
En effet, 80% des fumeurs auraient débuté avant 18 ans. "On ne peut pas fumer avec modération, précise-t-il. Tout dépend de la manière dont on tire sur la cigarette. Et puis, quand un fumeur ne peut pas fumer de tout l'après-midi, il se rattrapera le soir. Statistiquement, les fumeurs occasionnels, ça n'existe quasiment pas."
Test et questionnaire pour calculer sa dépendance au tabac
Pour choisir le traitement qui convient le mieux pour arrêter de fumer (cigarette électronique, coaching personnalisé ou thérapie comportementale...), il est possible d'évaluer le niveau de dépendance par un bilan. Vous pouvez vous rendre chez un tabacologue pour le faire, mais il est aussi possible de faire des tests soi-même pour commencer à se faire une idée. Par exemple, le questionnaire de Fagerstrom peut permettre de comprendre son niveau de dépendance à la nicotine. Le résultat est donné sur 10 : un score de 4 ou plus caractérise une dépendance élevée ou un gros fumeur.
Comment arrêter de fumer ?
Prise en charge psychologique
"Dès qu'on décide d'arrêter de fumer, on devient un apprenti ex-fumeur. Il faut donc commencer par éteindre tous les rituels associés. Cela peut prendre entre 6 mois et 1 an ", explique le médecin.
Cela peut prendre jusqu'à 1 an pour éteindre les rituels.
Pour cela, il conseille de consulter un vrai tabacologue reconnu, avec une formation de médecin et des diplômes. Celui-ci aidera le patient à comprendre les mécanismes qui le rendent accro et qui l'empêchent d'arrêter : "Pour se sortir de la dépendance, il faut d'abord comprendre ce qui se passe dans son cerveau", insiste le tabacologue. Pour lui, il ne faut pas croire que les fumeurs n'ont pas de volonté pour arrêter. "La volonté, ils l'ont : pour commencer à fumer bien que cela ne soit pas du tout agréable lors des premières cigarettes, il faut le vouloir ! Les fumeurs ont simplement besoin d'ouvrir les yeux, voilà pourquoi la thérapie est indispensable. L'hypnose peut aussi être une vraie solution, je la pratique aussi au bout de plusieurs séances", détaille le tabacologue.
Source : Principaux faits sur le tabac, OMS, 27 mai 2020.
Merci au docteur Bernard Antoine, addictologue, tabacologue et formateur en tabacologie dans le 14e arrondissement de Paris.