Alcoolisme : signes d'une dépendance à l'alcool, causes, traitements
Même si près de 87 % des Français déclarent boire de l'alcool au moins une fois dans l'année, l'alcoolodépendance (ou alcoolisme) concerne 6 à 10 % de la population. Contrairement à de nombreuses idées reçues, il ne s'agit pas d'un " manque de volonté " ou d'un " défaut de caractère " qui mènent à la dépendance, mais une perte de la liberté de s'abstenir d'alcool, accompagnée de conséquences médicales, psychologiques et sociales parfois dramatiques.
Définition : qu'est-ce que l'alcoolisme ?
En France, on estime qu'environ 1,5 millions de personnes sont alcoolodépendantes et que 2,5 millions de personnes ont une consommation à risque (mais parviennent encore contrôler leur addiction). L'addiction à l'alcool concerne plus souvent les hommes : 14 % de la population masculine aurait une consommation à risque contre 5 % de la population féminine.
La dépendance à l'alcool, appelée "alcoolodépendance" ou "alcoolisme", s'installe souvent de manière insidieuse. Plusieurs années sont parfois nécessaires avant que la personne qui boit ou son entourage prenne réellement conscience de son existence. Elle est souvent précédée d'habitudes dites "à risque" (comme le "binge drinking", des alcoolisations ponctuelles et massives), puis "nocives" où la personne perd petit à petit le contrôle de sa consommation d'alcool.
À plus ou moins long terme, l'alcool prend le dessus et la personne devient dépendante. Tout d'abord, elle s'habitue à l'alcool et développe une tolérance en buvant des quantités de plus en plus importantes pour ressentir les effets qu'elle recherche. Il vient ensuite un moment où elle ne boit plus pour ce que lui procure l'alcool mais parce que cela devient une nécessité. Elle cherche à éviter le manque, qui se manifeste notamment par des sueurs, des tremblements, et des vertiges.
Une fois la dépendance installée, elle se traduit par une envie irrépressible de boire (le craving) et le manque, qui, faute d'une nouvelle prise d'alcool, peut induire un syndrome de sevrage : anxiété, tremblements, sueurs, agitation, tachycardie, fièvre et, dans les cas les plus graves une crise d'épilepsie et un delirium tremens qui peuvent être mortels.
Au-delà de 2 verres standard par jour pour les femmes et de 3 verres par jour pour les hommes, on parle d'alcoolisme.
La quantité d'alcool peut varier d'un individu alcoolodépendant à l'autre. Cependant, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi des repères qui permettent de distinguer une consommation à faible risque d'une consommation à risque plus élevée. Les seuils limite de consommation sont de 2 verres standard par jour pour les femmes et de 3 verres par jour pour les hommes (et 4 verres pour les événements particuliers). Par ailleurs, l'OMS conseille de s'abstenir de boire de l'alcool au moins un jour par semaine.
Symptômes : reconnaître une personne alcoolique
Pour la personne alcoolique, l'alcool devient l'un des piliers de sa vie et il lui est difficile d'envisager de vivre sans. Lorsqu'elle arrête, elle est fragilisée par l'absence de cette béquille et elle doit affronter des difficultés que l'alcool permettait d'occulter. Certains signes permettent de reconnaître une dépendance :
- La consommation d'alcool est de plus en plus fréquente.
- Les quantités d'alcool bues sont de plus en plus importantes.
- Il apparaît des conséquences négatives (conflits, difficultés à assurer vos journées…) qui deviennent de plus en plus nombreuses.
- L'arrêt de la consommation devient de plus en plus difficile.
- L'envie de boire est plus forte et apparaît plus souvent.
- Il existe des signes de manque à l'arrêt : tremblements, sueurs...
- Une consommation d'alcool peut également devenir problématique si elle modifie le comportement et les relations avec les proches.
Progressivement, la dépendance s'installe et la personne ne peut plus s'en passer
Causes de l'alcoolisme
L'alcoolisme est une maladie neurobiologique qui touche le circuit neurologique de la récompense au niveau du cerveau. Plus l'alcool est consommé en grande quantité et/ou fréquemment, et plus le cerveau augmente le seuil de tolérance, c'est à dire qu'il demande plus d'alcool. Progressivement, la dépendance s'installe et la personne ne peut plus s'en passer, au point même de ressentir des symptômes de sevrage à l'arrêt.
Profils à risque
Tout le monde n'est pas égal face à l'alcool : le sexe, l'âge, le patrimoine génétique, le milieu socio-économique et culturel d'origine et certains troubles psychiques contribuent au risque de devenir dépendant à l'alcool. Les femmes et les adolescents sont plus fragiles face à l'alcool. Des études faites sur des jumeaux et sur des familles où les problèmes d'alcoolodépendance sont fréquents ont montré que certains gènes pourraient compter pour 50 à 60 % de la prédisposition d'une personne à devenir alcoolodépendante. Les personnes qui ont grandi dans la pauvreté ont une consommation de boissons alcoolisées supérieure à celle des personnes de classes sociales plus favorisées. Par ailleurs, les personnes qui souffrent de psychoses (schizophrénie, par exemple), d'anxiété généralisée, de phobies, ou de troubles obsessionnels compulsifs, semblent avoir une plus grande vulnérabilité vis-à-vis de l'alcool.
La consommation excessive d'alcool serait responsable de 33 000 à 49 000 décès par an en France.
Conséquences sur la santé
L'alcoolisme entraîne différents troubles selon qu'il est récent ou ancien et en fonction de la quantité d'alcool ingérée. A court terme, il est susceptible d'entraîner des pathologies telles que des ulcères, des reflux gastro-œsophagiens, des hépatites, des nausées et des vomissements. A moyen et à long terme, il entraîne des pathologies d'ordre neurologique, des hépatiques graves, une cirrhose éthylique, des pancréatites, des problèmes cardiaques et troubles de la libido. De plus, l'alcool augmente considérablement les risques d'accidents de la route mortels et a des conséquences psychologiques et sociales importantes (isolement, dépression, anxiété, tentatives de suicide, violence, troubles relationnels, etc.). La consommation excessive d'alcool serait responsable, selon les sources, de 33 000 à 49 000 décès par an en France.
Quand consulter ? Quel spécialiste consulter ?
Il est possible d'arrêter de boire seul, sans aide extérieure. Toutefois, les risques liés au syndrome de sevrage peuvent se révéler élevés, occasionnant des troubles plus importants que les symptômes habituels dus au manque d'alcool. C'est pourquoi avant tout arrêt, il est conseillé de rencontrer un professionnel de l'addictologie, un addictologue, ou son médecin traitant, afin de faire le point sur la dépendance et d'établir un protocole d'arrêt adapté. Un sevrage avec ou sans hospitalisation peut être mis en place ainsi qu'une réflexion sur la place que l'alcool a prise et les raisons ayant entraîné cette consommation. Une prise en charge globale est essentielle, la consommation d'alcool n'étant jamais un problème isolé dans la vie d'une personne.
Diagnostic et test
Le diagnostic d'alcoolisme peut être aisément fait par l'interrogatoire du patient qui évoque la perte de contrôle de sa consommation, les symptômes de manque et les envies de consommer. Les questionnaires FACE (Formule pour Approcher la Consommation d'alcool par Entretien) ou AUDIT (Alcohol Use DIsorders Test) reposent sur une série de questions portant sur l'analyse de la consommation au cours des douze mois qui précèdent. Ils peuvent être très utiles au diagnostic. Les examens biologiques ne permettent pas de faire le diagnostic mais d'évaluer les conséquences de la consommation :
- Une macrocytose c'est-à-dire une augmentation du volume des globules rouges dans le sang ;
- Une augmentation du taux de gamma GT (gamma glutamyl-transpeptidases ou gamma glutamyl-transférases) ;
- La présence d'alcool dans la circulation sanguine signe d'une prise récente d'alcool ;
- L'augmentation de la CDT (ou carbohydrate deficient transferin) qui reflète la consommation des 3 derniers mois en moyenne ;
- Des carences en vitamines B1.
Traitements : soigner l'alcoolisme
Le traitement de l'alcoolisme nécessite une prise de conscience du problème par le patient et son adhésion à la prise en charge. Il commence par la mise en place d'un sevrage, plus ou moins progressif avec des objectifs de diminution de consommation et un suivi régulier. Le patient peut se faire accompagner par un addictologue et/ou un psychologue, un psychiatre, le médecin traitant, un hépatologue, ou un gastro-entérologue par exemple. Certains groupes de paroles comme les Alcooliques Anonymes (AA), par exemple peuvent être une aide pour éviter la rechute en mettant en place un soutien psychothérapeutique. Enfin, il existe des médicaments qui diminuent l'envie de consommer de l'alcool et permettent de limiter les rechutes à long terme comme le Revia, l'Aotal, le baclofene ou le Selincro. Dans certains cas, une hospitalisation ou une prise en charge dans un centre de cure peuvent être proposées pour limiter les risques au moment du servage et travailler à la prévention des rechutes à long terme.
Remèdes naturels contre l'alcoolisme
Certaines plantes aux propriétés relaxantes comme la Valériane ou l'Aubépine peuvent être une aide pour gérer l'anxiété, tout comme un traitement homéopathique, mais ils ne remplaceront jamais une prise en charge médicale nécessaire lors du servage et de la prévention des rechutes. Attention donc aux remèdes naturels en cas d'alcoolodépendance car le sevrage d'alcool sans encadrement médical peut être à risque de complications très graves comme l'épilepsie et le delirium tremens.
Aides
Il est possible de trouver de l'aide pour une personne alcoolodépendante et son entourage sur Alcool Info Service et en consultant une équipe d'addictologie dans les CSAPA (Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie) repartis dans chaque département. Prendre appui sur l'entourage peut être aussi précieux, tout comme prendre contact avec des associations d'anciens alcooliques (comme les alcooliques anonymes ou Vie libre par exemple).
Les conseils du médecin
Le maintien de l'abstinence se construit jour après jour. Chaque journée sans boire est une nouvelle victoire. Arrêter de boire est une démarche difficile à entreprendre mais elle vous permettra peu à peu d'améliorer le regard que vous portez sur vous-même et la relation avec vos proches.
Pour aller plus loin : Observatoire français des drogues et des toxicomanies