Ce qui se passe dans le corps pendant les règles
Mal de ventre, fatigue, déprime... Plusieurs changements peuvent survenir au moment des règles. Ils varient selon les femmes mais sont toujours liés aux variations hormonales. Explications et décryptages avec nos gynécologues.
Les règles. Ce phénomène mensuel physiologique rythme la vie des femmes et s'accompagne parfois de douleurs, de mauvaise humeur, de fatigue... Mais que se passe-t-il réellement dans le corps pendant la période de menstruation ? "C'est compliqué dans la mesure ou chaque femme est différente, ce qu'il se passe dans leurs corps est donc très variable" répond d'emblée le Docteur Océane Pécheux, gynécologue-obstétricienne au Centre Hospitalier de Douai (Nord). Elle incite déjà à distinguer une femme sous contraception et une qui n'en prend pas : "Lorsque la femme a une contraception, les signes désagréables constatés pendant les règles sont très diminués, voire disparaissent, surtout si la contraception est prise en continu comme une pilule oestroprogestative où on enchaîne les plaquettes par exemple." Elle recommande aux femmes qui vivent mal leurs règles à cause de symptômes vraiment gênants à chaque cycle d'envisager de recourir à une contraception en continu pour les bloquer. "Que le symptôme soit mesurable ou non, l'important est d'être à l'écoute de la patiente et de trouver des solutions." Voici les signes les plus fréquents qui se produisent dans le corps des femmes pendant les règles.
Ce qu'il se passe dans l'utérus pendant les règles
Le cycle féminin dure en moyenne de 23 à 35 jours et "il est dirigé par le cerveau, par l'hypothalamus qui produit des hormones gonadotropes qui agissent sur l'hypophyse, qui produit à son tour des hormones, qui ont un action sur les ovaires ou sur l'utérus" explique le Dr Pécheux. La FSH (hormone folliculo-stimulante) et la LH (hormone lutéinisante) sont les deux hormones principales et vont agir sur les ovaires qui, à leur tour, vont produire de la progestérone et des œstrogènes. Le cycle peut être découpé en deux phases :
→ Du premier jour des règles à l'ovulation : "Il s'agit de la période de croissance des follicules, qui contiennent chacun un ovule, un seul arrivera à maturation" explique la gynécologue. A mesure que les follicules augmentent, le taux d'œstrogènes augmente. Ce sont les œstrogènes qui permettent à la muqueuse de l'utérus de s'épaissir (avec du sang et des nutriments) afin d'accueillir un embryon en cas de fécondation.
→ De la fin de l'ovulation au premier jour des règles suivantes : la fabrication des œstrogènes provoque la sécrétion d'une autre hormone, la LH. Cette dernière va libérer l'ovule contenu dans le follicule dominant, jusque dans les trompes de Fallope. C'est également à partir de l'ovulation que la progestérone apparaît. Elle permet à la muqueuse de l'utérus, aussi appelée "endomètre" d'être encore plus épaisse. Puis, son taux chute. Cette chute et la non-fécondation entraînent un détachement de la muqueuse, alors à son épaisseur maximale (environ 10 millimètres selon la gynécologue). Les saignements des règles correspondent au détachement de la muqueuse et interviennent environ 14 jours après l'ovulation. "Pendant cette période, l'endomètre est donc plus fin et il va grossir à nouveau au fil du cycle suivant."
Fatigue et manque de fer causer par les règles
Une étude menée en 2019 a analysé l'impact des règles sur des patientes : 71% déclaraient être plus fatiguées qu'à l'accoutumée. 38% ont même déclaré ne pas pouvoir réaliser toutes leurs activités quotidiennes habituelles pendant leurs règles. "Toutes les variations hormonales ont un impact de manière globale sur la fatigue ou l'humeur, constate Dr Pécheux. Le fait de perdre du sang a aussi un impact puisque l'on perd de l'hémoglobine, du fer, et selon les patientes, ça peut entraîner de la fatigue". Ce phénomène est exacerbé si la personne "part avec un taux d'hémoglobine bas, c'est-à-dire si elle est anémiée." "Cette cause de fatigue est mesurable biologiquement avec une prise de sang, rassure la gynécologue. Si votre hémoglobine est inférieure à 12 grammes par décilitre".
Les règles peuvent entraîner des troubles digestifs comme la diarrhée
La diarrhée et les troubles digestifs sont fréquents pendant les règles et de nombreuses femmes s'en plaignent. Dans une étude de 2014, 28% des 156 femmes interrogées ont déclaré avoir remarqué des signes de diarrhée et 55% ont affirmé avoir eu des troubles gastro-intestinaux.
Des nausées à cause des règles
"La nausée est un signe très subjectif" prévient la gynécologue. Le sentiment de nausées pourraient s'expliquer physiologiquement par plusieurs hypothèses :
► Les variations d'hormones : "Les femmes qui ont des taux de variation plus importants sont plus susceptibles de ressentir cette nausée" explique Dr Pécheux.
► Les vomissements et les nausées peuvent être liés à des réactions vagales, "par exemple en cas de règles douloureuses et intenses : l'excitation vagale provoque une atonie gastrique (un défaut de tonicité) et des contractions des muscles thoraciques et abdominaux (dont notamment le diaphragme) d'où les vomissements."
► Les œstrogènes pourraient jouer un rôle. Pourquoi ? "Parce que certaines patientes sous contraception œstroprogestative se plaignent de nausées et parce qu'en début de grossesse, au moment où les patientes présentent souvent des nausées, les œstrogènes s'élèvent. Mais ils sont à leur maximum au troisième trimestre, période à laquelle les nausées se font beaucoup plus rares, ainsi leur rôle pose un doute" nuance la gynécologue.
► "L'implication de la progestérone a déjà été évoquée, avec un rôle de relaxation gastrique, mais rien n'est sûr" précise la praticienne.
Le désir sexuel augmente pendant les règles
Certains femmes ont plus de désir sexuel quand elles ont leurs règles. La faute aux hormones ? "La libido augmente pendant les règles chez certaines femmes alors qu'elle serait supposée faible comme la progestérone et les oestrogènes chutent, ce qui prouve que ce n'est pas les variations hormonales qui nous dictent un comportement unanime" répond la gynécologue. Une autre hormone pourrait jouer un rôle ici : la testostérone. Elle est produite en très infime quantité mais augmente lors des règles or "des études montrent que cette hormone augmente la libido". De plus "les règles peuvent aussi être considérées comme un lubrifiant naturel, ce qui peut jouer un rôle dans l'augmentation de la libido".
Libido et ovulation : "L'augmentation de la libido s'observe aussi souvent en période péri-ovulatoire (juste avant l'ovulation) et pourrait être liée au pic d'œstrogènes, informe la gynécologue. Après l'ovulation, la progestérone augmente et beaucoup de patientes se plaignent d'une baisse de libido en période prémenstruelle."
Mal aux seins pendant les règles à cause des hormones
"Les douleurs aux seins peuvent souvent apparaître un peu avant les règles", indique le Dr Joelle Robion, gynécologue. Ces douleurs peuvent s'expliquer par deux facteurs :
► Une variation hormonale. "En deuxième partie de cycle après l'ovulation et avant les règles, normalement les ovaires sécrètent la progestérone et en cas de petite insuffisance de progestérone, voire pas de progestérone tout court, ce manque provoque des douleurs dans les seins" détaille le Dr Robion.
► Une prédisposition génétique au niveau des seins. "A variation hormonale équivalente, certaines femmes vont avoir mal aux seins tous les mois et d'autres jamais", explique la gynécologue. "Tout dépend de la nature des seins, ils sont plus ou moins denses, glandulaires et plus ou moins sensibles."
Des boutons d'acné pendant les règles
Certaines femmes remarquent l'apparition de petits boutons ou problèmes de peaux pendant leurs règles. "Cela est dû à la chute des hormones, les œstrogènes et la progestérone, qui rend la peau plus fine, plus sèche, plus fragile et plus sensible aux agressions extérieures." explique le Dr Joelle Robion, gynécologue. "La légère augmentation de sécrétion de testostérone par l'ovaire peut aussi jouer un rôle dans l'apparition de boutons."
Déprime et mauvaise humeur pendant les règles
"C'est encore une fois la faute des hormones", informe la gynécologue, "La chute des hormones à l'approche des règles provoque ces émotions. Ce sont plus précisément les neuromédiateurs qui sont réceptifs aux chutes d'hormones qui font que l'humeur des femmes changent sous l'impact de la chute d'hormones." C'est aussi "très génétique" : "Il y a des femmes qui ne vont pas ressentir de changements d'humeur, alors que pour d'autres, ça va prendre des proportions."
Merci au Docteur Océane Pécheux, gynécologue obstétricienne au Centre Hospitalier de Douai et
Sources :
Gastrointestinal symptoms before and during menses in healthy women, US National Library of Medecine, 2014
The impact of menstrual symptoms on everyday life: a survey among 42,879 women, National Library of Medecine, Pubmed.com, 201