Obésité de l'enfant : en France, solutions, comment la repérer ?
L'obésité toucherait 4% des enfants de plus de 6 ans en France, et 5% des adolescentes. Ces enfants et adolescents sont généralement moins épanouis, ont une moins bonne image de leur corps et sont plus souvent harcelés. Comment repérer l'obésité infantile ? Que faire ? Réponses avec le Dr Véronique Nègre, Pédiatre spécialisée.
L'obésité peut entraîner dès l'enfance, des difficultés respiratoires, des troubles musculosquelettiques, un risque accru de fractures ou encore une hypertension artérielle. "Les enfants et adolescents en situation de surpoids ou d'obésité sont généralement moins épanouis, ont une moins bonne image de leur corps, sont plus souvent harcelés et peuvent avoir de moins bons résultats scolaires" rappelle la Haute Autorité de Santé en février 2022. La prévalence du surpoids et de l'obésité reste importante chez les enfants à partir de l'âge de 6 ans. Elle augmente tout particulièrement chez les adolescentes, qui ont une activité physique et sportive plus faible et une sédentarité plus importante que les garçons.
Définition : qu'est-ce que l'obésité infantile ?
L'obésité infantile se définit comme un excès de masse grasse qui présente un risque pour la santé. Elle est calculée à partir de l'IMC (Indice de Masse Corporelle) et de l'âge. Il faut se reporter aux courbes de corpulence que l'on trouve dans les carnets de santé ainsi que sur des sites de référence. "Concrètement, s'il est normal qu'un bébé soit potelé et un peu grassouillet, il doit s'affiner dès qu'il commence à marcher et ce, jusqu'à l'âge de 5-6 ans, prévient le Dr Véronique Nègre. En revanche, lorsqu'un enfant de cet âge-là a encore un petit ventre de bébé, cela peut être le signe d'un début d'excès de poids qui risque de s'aggraver et de devenir gênant par la suite. La période entre 1 et 5 ans est fondamentale parce que dans 90 % des cas, un enfant qui est obèse ou en surpoids important entre 8 et 12 ans a commencé à prendre du poids à l'âge de trois ans. On appelle cela le rebond d'adiposité précoce et c'est le signe que l'enfant est prédisposé à prendre du poids très facilement ".
Les filles sont aussi plus à risque de présenter du surpoids ou de l'obésité par rapport aux garçons.
Combien d'enfants obèses en France ?
Selon les résultats de l'étude ESTEBAN 2014-2016, 17% des enfants âgés de 6 à 17 ans sont en surpoids, dont 4% d'obèses (respectivement 20% et 5,4 % chez les adolescentes). Chez les jeunes en situation de handicap, cette prévalence plus importante dès l'enfance peut s'accélérer au cours du temps et induire un surhandicap. En avril 2022, une étude menée dans le Val-de-Marne (Ile-de-France) et publiée par Santé Publique France montre une augmentation du statut staturo-pondéral des enfants en moyenne section de maternelle (4 ans) à la suite de la crise sanitaire du Covid-19. Parmi les 48 119 enfants analysés, la proportion des enfants en surpoids selon l'IMC était significativement plus important en 2020-2021 par rapport aux années précédentes. Selon l'étude, les facteurs de risques identifiés sont la scolarisation dans une école de réseau d'éducation prioritaire (REP) ou prioritaire renforcée (REP+). Les filles sont aussi plus à risque de présenter du surpoids ou de l'obésité par rapport aux garçons. Pour rappel, la probabilité qu'un enfant obèse le reste à l'âge adulte varie de 20 à 50 % avant la puberté, elle atteint 50 à 70 % après la puberté.
Quelles sont les causes de l'obésité chez l'enfant ?
L'obésité est une maladie chronique complexe. Les déterminants du surpoids et de l'obésité sont multiples : environnements obésogènes, facteurs psychologiques et sociaux, origines génétiques. L'obésité infantile résulte rarement d'une cause unique, plutôt d'un ensemble de facteurs de risque :
• Causes médicales : "Elles sont très rares et ne représentent pas plus d'1% de l'obésité infantile mais il ne faut pas passer à côté d'une anomalie hormonale, d'une maladie génétique, d'une tumeur cérébrale ou de toute autre cause potentiellement grave ", explique la pédiatre.
• Les facteurs de prédisposition pendant la grossesse (maman qui fume, qui a eu un diabète gestationnel mal équilibré ou a pris beaucoup trop de poids) qui vont favoriser la prise de poids du bébé qui va naître parfois très gros à la naissance et être ensuite à risque d'excès de poids.
• Le mode éducatif parental : "La façon dont on va le nourrir, est-ce qu'on va le forcer à finir son assiette, est-ce qu'on va systématiquement le récompenser par de la nourriture, si on lui donne des boissons sucrées, etc, sont autant de facteurs qui peuvent expliquer l'obésité infantile ", poursuit la spécialiste.
• Le niveau socio-économique et l'origine culturelle : les femmes issues des milieux sociaux économiques défavorisés sont celles qui sont le moins bien suivies durant leur grossesse, qui prennent le plus de poids, mangent moins équilibré et qui peuvent ensuite rencontrer des difficultés éducatives. "À ces facteurs s'ajoutent parfois des facteurs génétiques, notamment quand on vient d'Afrique ou des DOM-TOM car les gènes de prédisposition sont inégalement répartis selon les origines ", commente le Dr Véronique Nègre.
• La sédentarité et l'alimentation : quand l'enfant grandit, le manque d'activité physique et la qualité de ce qu'on va lui donner à manger vont influer sur son poids. "Cependant certains enfants sont minces alors qu'ils ont une alimentation très déséquilibrée mais comme ils ne sont pas génétiquement programmés pour prendre du poids, ils sont incapables de manger de grosses quantités parce qu'ils sont très vite rassasiés. Cela ne les empêchera toutefois pas d'avoir des problèmes de santé liés à ce déséquilibre ", nuance la pédiatre.
• Les facteurs psychologiques : un enfant qui est en souffrance va avoir tendance à se rassurer avec de la nourriture. "Mais c'est un facteur parmi d'autres, il ne faut pas faire de raccourci car les enfants trop gros n'ont pas tous une origine psychologique à leur excès de poids. En revanche, lorsqu'il va grandir, il va souvent souffrir de son obésité et les problèmes psychologiques seront plutôt la conséquence du poids que la cause ", précise le Dr Véronique Nègre.
• Un trop gros appétit : "Certains enfants mangent au-delà de leurs besoins. Or, c'est très difficile en tant que parent de faire la part des choses entre le réel appétit d'un enfant qui est en pleine croissance et le "trop". D'autant plus qu'un enfant qui a de l'appétit est associé à un signe de bonne santé ", admet la Présidente de l'APOP.
• Le sexe : Les filles sont plus à risque de présenter du surpoids ou de l'obésité par rapport aux garçons.
Quelles sont les conséquences de l'obésité infantile ?
La première conséquence, celle dont les enfants souffrent le plus, c'est l'exclusion, les moqueries, la mise à l'écart. Les enfants/adolescent(e)s en situation de surpoids ou d'obésité sont généralement moins épanoui(e)s, limitent leur activité physique, ont une moins bonne image de leur corps. "Parfois, dans les quartiers populaires où il y a beaucoup de personnes en situation d'obésité, les enfants en excès de poids peuvent se sentir mieux psychiquement que dans les quartiers où l'apparence physique prédomine" observe la pédiatre. Si l'environnement joue un rôle essentiel, la famille aussi. Un enfant en surpoids dans une famille où tout le monde est mince et sportif sera naturellement plus impacté que celui qui vit dans une famille où tout le monde est en surpoids. Sur le plan médical, L'obésité entraîne chez l'enfant un risque accru d'obésité à l'âge adulte, de décès prématuré et de handicap à l'âge adulte. L'obésité peut entraîner des difficultés respiratoires, des troubles musculosquelettiques, un risque accru de fractures, une hypertension artérielle, une apparition des premiers marqueurs de maladie cardio-vasculaire, une résistance à l'insuline et des problèmes psychologiques
Quels sont les signes d'alerte de l'obésite ?
La Haute Autorité de Santé recommande de surveiller l'IMC rapporté à la courbe de corpulence chez tous les enfants et adolescents, quel que soit leur âge, leur corpulence apparente, le motif de consultation et ce, deux à trois fois par an. Il faut également prêter attention au rebond d'adiposité précoce qui se situe normalement vers l'âge de 6 ans. Or, plus il survient tôt, plus le risque de devenir obèse est élevé. Les signes d'alerte à repérer à partir de l'IMC et de son évolution sont :
- ascension continue de la courbe de corpulence depuis la naissance ;
- rebond d'adiposité précoce ;
- changement rapide de couloir de la courbe de corpulence vers le haut ;
- obésité précoce et sévère.
Diagnostic et bilan
Suivre la croissance staturo-pondérale, le développement physique, psychomoteur, psychologique, le bien-être, est essentiel tout au long de l'enfance et de l'adolescence, rappelle la Haute Autorité de Santé.
- Mesurer l'indice de masse corporelle (IMC) et suivre son évolution à partir des courbes de référence du carnet de santé1
- Reporter systématiquement l'IMC sur le carnet de santé et tracer la courbe.
- Suivre régulièrement l'évolution de la corpulence tout au long de l'enfance et de l'adolescence. Dès la naissance : les examens obligatoires de santé suffisent si le suivi est assuré. Après l'âge de 6 ans, un suivi annuel est préconisé.
- Suivre plus fréquemment l'enfant/l'adolescent(e) en cas de risque de développer un surpoids ou une obésité. Avant l'âge de 3 ans : les examens obligatoires de santé suffisent si le suivi est assuré. Après l'âge de 3 ans : un bilan tous les 6 mois est préconisé.
- Le service de la médecine scolaire participe au suivi grâce aux examens obligatoires, à la demande de la famille, de l'enfant, de l'adolescent(e) ou des équipes pédagogiques, et identifie les possibles interactions entre une situation de surpoids ou d'obésité et la scolarité.
"Le diagnostic ne doit pas être culpabilisant pour les parents qui de base, se sentent déjà coupables. Il faut également garder à l'esprit qu'il n'y a pas de "modèle" de l'enfant trop gros et qu'on ne peut pas partir du postulat que parce qu'un enfant est gros, il mange n'importe quoi. L'excès de poids n'est pas toujours le reflet de l'équilibre alimentaire familial. Le médecin doit prendre le temps de comprendre la situation avec la famille, de l'expliquer et de présenter des objectifs à atteindre à long terme ", ajoute la spécialiste.
Quand et qui consulter ?
Idéalement, le médecin de famille, pédiatre ou généraliste, doit être capable d'établir le diagnostic, de faire un point avec la famille et puis d'orienter si besoin. Lorsque l'on s'y prend tôt, il n'y a pas besoin d'une équipe spécialisée hospitalière. "On peut aussi se rendre dans un RePPOP (Réseau de Prévention et de Prise en charge de l'Obésité Pédiatrique). Il en existe neuf, répartis sur tout le territoire national. C'est un réseau qui s'appuie sur des professionnels de proximité pour permettre à l'enfant d'être accompagné près de chez lui. On peut aussi faire appel aux CSO (Centres Spécialisés Obésité) qui sont présents sur tout le territoire ", précise le Dr Véronique Nègre.
"L'objectif n'est pas de faire maigrir l'enfant mais de faire en sorte qu'il grossisse moins vite"
Quelle est la prise en charge de l'obésité ?
La prise en charge doit être multidisciplinaire (psychologique, alimentaire, lutte contre la sédentarité, activité physique). "On commence par faire le bilan des habitudes avec la famille et on met en évidence ce qui pourrait être amélioré, souligne la spécialiste. Par exemple, si c'est la consommation de boissons sucrées qui apparaît vraiment trop importante, il va falloir agir sur ce point, en limitant l'offre à la maison par exemple. Cela peut-être aussi une question de quantités alors on va servir dans de plus petites assiettes, manger plus lentement, retirer le plat de la table pour éviter les tentations, etc. Il ne faudra pas tout focaliser sur l'alimentation mais encourager aussi une activité physique ludique régulière. L'objectif n'est pas de faire maigrir l'enfant mais de faire en sorte qu'il grossisse moins vite car en grandissant, il va s'affiner. Il n'y a pas de régime restrictif ni d'aliments interdits. Enfin toute la famille devra participer avec l'enfant en surpoids : manger mieux et bouger plus est intéressant pour tous, que l'on soit en surpoids ou non ".
Comment prévenir l'obésité chez l'enfant ?
Selon l'OMS, le meilleur moyen d'enrayer l'épidémie d'obésité infantile reste la prévention. Elle rappelle que "le but de la lutte contre l'obésité de l'enfant consiste à atteindre un équilibre énergétique susceptible d'être maintenu pendant toute la vie de l'individu ". Elle recommande notamment de consommer plus de fruits et légumes, de céréales complètes, légumineuses et fruits secs. Mais aussi de limiter la consommation de graisses, surtout saturées, de réduire la consommation de sucres et de pratiquer une activité physique modérée à intense au moins 60 minutes par jour.
Merci au Dr Véronique Nègre, Pédiatre, coordinatrice des Centres Spécialisés Obésité de la région PACA – Présidente de l'APOP (Association pour la Prévention et la prise en charge de l'Obésité Pédiatrique), membre de l'ECOG (European Childhood Obesity Group) ; Auteur de "L'enfant en surpoids", aux Editions John Libbey Eurotext.
Sites à consulter : Surpoids-enfant.fr ; Obésitedesjeunes.org ; Réseaux RéPPOP ; Association pour la Prise en charge et la Prévention de l'Obésité en Pédiatrie