Dépendance aux médicaments : symptômes, que faire ?

Normalement, l'utilisation d'un médicament n'entraine pas de risque d'addiction si la durée du traitement et les doses utilisées sont encadrées et limitées au strict besoin thérapeutique. En revanche, un risque de dépendance est envisagé lorsque le médicament est consommé de manière abusive ou incorrecte.

Dépendance aux médicaments : symptômes, que faire ?
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Nom de l'addiction aux médicaments

"Dans le cas d'une addiction aux médicaments, on parle de mésusage médicamenteux", explique Jef Favatier, directeur du Centre d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD).

Quels sont les symptômes ?

"Dans un contexte de lutte contre la douleur, l'utilisation d'antalgiques majeurs comme les opioïdes et de la même manière dans les soins somatiques liés à des troubles anxieux, du sommeil ou de la dépression avec d'autres types de molécules connues pour leurs effets sur le cerveau ou le système nerveux central, la durée du traitement peut conduire à une dépendance, poursuit notre interlocuteur. Il y a donc un premier point à prendre en compte pour évaluer le risque d'une dépendance médicamenteuse dans un cadre thérapeutique : " Suis-je traité pour une pathologie chronique ou un symptôme aigue passager ? ". A ce titre Il est donc extrêmement important de privilégier un dialogue thérapeutique franc et sans détours avec son prescripteur et de bien lui poser toutes les questions légitimes pour sa santé.

"Suis-je traité pour une pathologie chronique ou un symptôme aigue passager ?"

Dans un cadre thérapeutique le niveau d'efficacité ou de satisfaction du patient est essentielle." En effet, un patient insuffisamment soulagé d'une douleur chronique peut avoir la tentation à s'automédicamenter en augmentant la posologie, idem pour les troubles du sommeil et autres. La qualité du dialogue thérapeutique est donc essentielle pour déterminer la bonne posologie et les bonnes pratiques.

Le premier symptôme est la tolérance. "Le traitement perd de son efficacité à posologie constante, j'éprouve le besoin d'augmenter les doses." Il est important de ne pas négliger cette étape du processus pour agir avec son prescripteur. "Plus vous agirez tôt plus vous éviterez le risque d'un sevrage complexe."

Un autre symptôme doit attirer votre attention : "Je n'arrive plus à respecter les horaires des prises et je ressens une envie qui au fil du temps deviendra irrépressible de prendre mon traitement sans attendre l'heure habituelle. Dans les deux cas généralement l'augmentation de la posologie compensera un temps, votre " frustration " jusqu'à la prochaine augmentation du palier voire l'ajout d'une nouvelle molécule pour booster l'effet de la première qui inexorablement vous poussera vers la polyconsommation."

Quelles sont les causes ?

Les causes sont multiples et singulières selon les situations et les individus. "Il est commun de considérer les antécédents d'addiction, le mal être affectif, les difficultés ou la précarité psychosociale et les troubles du comportement comme des terrains favorables, reconnait Jef Favatier. Il ne faudrait pas oublier la recherche de plaisir dans un cadre récréatif et l'expérimentation des substances chez les ados qui parfois débutent certes avec l'alcool et des substances illicites mais également bien souvent avec la pharmacie familiale ! Par ailleurs, je considère que la consommation chez les hommes 30 à 65 ans, hors considération thérapeutique de médicaments vasodilatateurs normalement utilisés dans le traitement des troubles de l'érection, a ouvert la porte à l'usage des stimulants pour améliorer les performances sexuelles avec à terme des polyconsommations potentiellement à risques. Enfin une dépendance médicamenteuse peut s'instaurer chez tout un chacun et ne pas faire partie des catégories susmentionnées ne constituent en rien une protection quelconque."

Quels médicaments entraînent une dépendance ?

Les médicaments à risque de dépendance sont ceux ayant un effet sur le cerveau, les sensations ou le comportement (médicaments contre la douleur, hypnotiques…), rappelle le site Ameli.fr. Ce sont des médicaments psychoactifs. Leurs effets sont recherchés par des personnes dépendantes à d'autres substances, lorsque ces dernières ne sont pas disponibles. L'usage de ces médicaments est alors détourné du cadre d'utilisation prévu par leur autorisation de mise sur le marché. Certaines familles de médicaments sont considérées à risque de dépendance et comme pouvant faire l'objet de détournement.

► Les benzodiazépines : La famille des benzodiazépines compte de nombreux médicaments (diazépam, bromazépam, clonazépam, etc.). Ils font partie des traitements psychoactifs les plus prescrits en France notamment pour les raisons suivantes : anxiété, stress, insomnie, convulsions.

► Les opioïdes : Les opioïdes sont des substances dérivées de l'opium. Certains sont utilisés en thérapeutique comme puissants antidouleurs (morphine, fentanyl, codéine, etc.). Lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre thérapeutique, les opioïdes présentent un risque de dépendance, si l'utilisation du médicament n'est pas encadrée.

Les anesthésiques.

La kétamine et le GHB (gamma hydroxy butyrate) sont de puissants anesthésiques utilisés à l'hôpital. La kétamine est également très utilisée en médecine vétérinaire, qui représente une source importante d'approvisionnement illicite. Le GHB peut, en plus, être utilisé contre une forme particulière de maladie du sommeil, la narcolepsie. Dans le milieu médical, ces 2 médicaments sont très difficiles à obtenir car leur usage est très encadré. Ils sont pourtant également produits dans un cadre illégal et vendus sur les marchés de la drogue.

► Les stimulants comme Ritaline ou Quasym, particulièrement prescrits chez les enfants pour lutter contre l'hyperactivité.

Enfin, il ne faut pas oublier les médicaments vendus sans ordonnance : antalgiques et antitussifs codéinés, antitussifs au dextrométhorphane, décongestionnants nasaux à base de pseudoéphrédrine, ainsi que certains antihistaminiques.

"En règle générale, les médicaments ne nécessitant pas d'ordonnance sont normalement les moins dangereux d'un point de vue de la létalité, sauf allergie ou intolérances massives (cas qui restent rares), détaille notre spécialiste. Les médicaments nécessitant une ordonnance sécurisée avec durée de prescription encadrée et délivrance limitée à 7-14-21-28 jours (règles des 7 jours) sont les plus à risques d'un point de vue de leur toxicité (addiction - létalité). Normalement le nom de la pharmacie doit être mentionné sur l'ordonnance sécurisée. La plupart des molécules délivrées dans ce cadre peuvent se révéler létales en cas de mésusage (surdosage important et/ou de consommation associées), rappelons que dans la plupart des cas la consommation d'alcool potentialise l'effet et augmente les risques de façon considérable."

Qui est le plus à risque ?

Comme mentionné plus haut, les personnes présentant des antécédents d'addiction, de mal être affectif, de difficultés ou de précarité psychosociale et des troubles du comportement sont considérées comme des terrains favorables. "Souvent les uns et les autres ne s'identifient pas à ces profils à risques avec pour conséquences de se penser moins voire pas vulnérables du tout, observe notre interlocuteur. On peut également citer les profils concernés par la recherche de performances qui renvoie au dopage souvent médicamenteux. Les sports d'endurance et de combat sont les plus concernés. La consommation d'anabolisants pour la musculation particulièrement en vogue chez les jeunes conduit parfois à des polyconsommations puis à l'addiction. Enfin d'un point de vue socioprofessionnel les professions soumises à une forte pression managériale et les personnes en souffrance au travail sont également souvent en situation à risque en raison de prescription médicamenteuse de longue durée voire en raison d'automédication. Le monde de l'entreprise commence peu à peu à traiter le sujet en particulier dans le cadre des démarches qualité de vie au travail mais cela reste encore insuffisant."

La durée du sevrage est d'environ 14 jours.

Quand et qui consulter ?

Au moindre doute ou question, il faut prendre les devants. "Il faut évidemment en premier lieu interroger son prescripteur voire son pharmacien, insiste le directeur du centre. Mais n'oubliez pas que rechercher un second avis est tout à fait légitime si le premier ne vous satisfait pas. Oublié souvent par méconnaissance, vous pouvez faire appel à un Centre d'Accueil et d'Accompagnent à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues (CAARUD). La législation en prévoit au moins un par département, il y en a donc forcément un près de chez vous. Les CAARUD conduisent la politique de réduction des risques définies par le gouvernement. A ce titre ils constituent la porte d'entrée vers les soins et leur équipe effectue au quotidien des diagnostics pour évaluer et proposer les solutions les plus adéquates au regard des situations individuelles." Le recours au CAARUD est couvert par l'anonymat, vous pouvez les appeler les consulter sans craintes, ils disposent bien souvent de permanences téléphoniques. Vous disposez également des numéros vert type drogues-info-services.fr (DIS 0800 23 13 13 7/7) pour obtenir des informations et ou une orientation vers un établissement ou un professionnel. En dernier lieu, le patient peut s'orienter vers les Centres de Soins d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) et dans les grandes villes, vers les services en addictologie hospitaliers ou les centres antidouleurs.

Comment faire un sevrage ?

Le sevrage peut être réalisé en ambulatoire ou avec une prise en charge avec hébergement (type clinique/hôpital). La durée est en général de 14 jours. "Il existe également des lieux de post-cure (durée de prise en charge environ 6 mois), précise Jef Favatier. Vous pouvez aussi vous faire aider par des associations d'usagers, comme les Alcooliques Anonymes (A.A). Il existe aussi les Narcotiques Anonymes (N.A) sur le même principe dit des 12 étapes et l'association ASUD (Auto Support des Usagers et ex usagers de drogues)." 

 Evitez les sevrages sauvages type "je pars une semaine dans les cévennes sans aucune médicamentation".

Evitez les sevrages sauvages, je pars une semaine dans les cévennes sans aucune médicamentation. C'est bien souvent une mauvaise idée. "En termes de réussite on a l'habitude de dire que la première tentative de sevrage est généralement celle qui a le plus de potentiel de réussite. Enfin, si le sevrage est un échec ou n'est pas une option pour vous vous pouvez bénéficier selon votre addiction soit d'un traitement de substitution ou un accompagnement médicamenteux. Il s'agit là, de stabiliser ses consommations tout en continuant à avoir une vie familiale et professionnelle dans le cadre d'un accompagnement thérapeutique généralement réalisé en CSAPA, en médecine de ville ou dans les centres de lutte contre la douleur pour la dépendance aux opioïdes."

Merci à Jef Favatier, Directeur du CAARUD ASUD à Nîmes et Membre fondateur de l'association Auto Support des Usagers et ex-usagers de Drogues (ASUD).