Quels cancers peuvent survenir même si on ne boit pas et qu'on ne fume pas ?
Pas une goutte d'alcool, jamais une cigarette... et pourtant.
Quand un cancer survient chez une personne alors qu'elle n'a jamais bu une goutte d'alcool ou fumé une cigarette, c'est l'incompréhension. Surtout quand il s'agit de cancers que l'on relie à ces deux prinicpaux facteurs de risque. Le cancer du poumon, par exemple. Beaucoup pensent que seuls les fumeurs développent un cancer du poumon or des neurologues réunis au 26ème Congrès de la Société de Pneumologie de Langue Française en 2022 ont rappelé que la proportion de non-fumeurs développant un cancer du poumon est de 12,6%.
"Ce cancer touche une majorité de fumeurs ou ex-fumeurs (85% des cas) mais des personnes qui n'ont jamais fumé peuvent également développer un cancer du poumon. D'autres facteurs tels que l'exposition à des substances cancérigènes professionnelles (amiante, radon, arsenic, chrome, nickel) peuvent jouer un rôle" commente pour nous le Professeur Nicolas Girard, chef du département d'oncologie médicale de l'Institut Curie. Le cancer du poumon peut également être lié à "des expositions prolongées à des niveaux élevés de pollution de l'air, en particulier les particules fines et les gaz polluants". Sans oublier le tabagisme passif. "Ce type de cancer du poumon, non lié au tabagisme ni aux substances professionnelles, est souvent diagnostiqué tardivement, poursuit le spécialiste.
On pense aussi souvent que seuls les buveurs excessifs d'alcool sont concernés par le cancer du foie. "Certes, l'alcoolisme chronique est un facteur de risque majeur, mais d'autres causes, comme l'infection par le virus de l'hépatite B ou C, une cirrhose non liée à l'alcool, et des facteurs génétiques, peuvent également entraîner un cancer du foie" nous rappelle le Professeur Girard. Il peut être asymptomatique à un stade précoce, soulignant l'importance des dépistages réguliers chez les personnes à risque.
Les cancers ORL peuvent aussi survenir chez des personnes qui n'ont jamais bu ou fumé. L'infection par le papillomavirus (ou HPV), en particulier les types 16 et 18, est associée à un risque accru de cancer de l'oropharynx, et on l'oublie trop souvent. "L'infection par le virus du papillome humain est associée à un type spécifique de cancer ORL appelé carcinome épidermoïde ORL. Ce type de cancer peut affecter différentes parties de la tête et du cou, y compris la bouche, la gorge, les amygdales et la base de la langue." La vaccination contre le HPV peut jouer un rôle clé dans la prévention des infections, y compris celles associées aux cancers ORL. Elle est recommandée pendant l'adolescence mais peut également être bénéfique pour les adultes.
Santé Publique France le rappelle : "Pour un certain nombre de cancers, les facteurs de risque relèvent encore du domaine de la recherche". Les causes évidentes ne sont pas toujours avérées. "Il y a une part de malchance dans la survenue d'un cancer, expliquait Gianluca Severi du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Inserm, Villejuif) en 2019. Certains individus qui n'ont pas été exposés à des facteurs de risque et qui ont une bonne hygiène de vie développeront pourtant un cancer." Pourquoi alors ?
"Cette maladie découle d'une succession d'événements : des mutations, mais aussi des anomalies du système immunitaire qui ne détruisent pas les cellules anormales. Ces événements résultent de facteurs génétiques, de facteurs intrinsèques mais aussi largement de facteurs externes" tient à rappeler le chercheur pour qui le cancer n'est pas lié au hasard. "Les données de la littérature permettent d'estimer que jusqu'à 40% des cancers sont évitables, par exemple en améliorant son hygiène de vie. A commencer par l'arrêt du tabac qui résorberait un tiers des cancers." La consommation de tabac est à l'origine de 68 000 nouveaux cancers par an en France et est impliquée dans le développement de 17 localisations différentes de cancers. Celle d'alcool est responsable de 28 000 nouveaux cas de cancer par an et 16 000 décès.