Maladies alcooliques du foie : liste et symptômes d'alerte

Maladies alcooliques du foie : liste et symptômes d'alerte

Le foie assure plus de 300 fonctions biologiques, comme la filtration des graisses et l'élimination de l'alcool. Mais attention, une consommation excessive d'alcool abîme le foie et peut le rendre malade. Foie lourd, perte de poids, selles noires, fièvre... Zoom sur les 10 symptômes d'une maladie alcoolique du foie avec le Pr Patrick Marcellin, hépatologue.

Définition : qu'est-ce qu'une maladie alcoolique du foie ?

Lorsqu'on boit un verre de boisson alcoolisée, l'alcool passe dans le sang, puis se diffuse dans les cellules ainsi que dans tous les organes de notre corps. Le foie traite tout ce que l'on ingère et joue alors un rôle de filtre : il est capable de métaboliser l'alcool grâce à différentes enzymes. Néanmoins, le foie ne peut neutraliser qu'une certaine quantité d'alcool dans un temps donné. Alors, lorsque la quantité d'alcool est trop importante, le foie ne peut plus la traiter correctement. Conséquence : les toxines contenues dans l'alcool s'accumulent dans les cellules hépatiques et endommagent le foie. Au fil du temps, cette altération du foie peut entraîner une accumulation de dépôts de graisses au niveau des cellules hépatiques (stéatose), mais aussi une inflammation (hépatite) ou des lésions (cirrhose). Non détectée et non soignée, une cirrhose du foie peut évoluer en cancer du foie (carcinome hépatocellulaire).

"Et si le foie ne parvient plus à assurer ses fonctions, le reste de l'organisme souffrira rapidement de l'absence de nutriments et de l'accumulation de déchets et de toxiques dans le sang", indique le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon, Président de l'association de lutte contre les maladies du foie (APHC).

Liste des maladies alcooliques du foie 

Conséquences de l'alcool sur le foie
Conséquences de l'alcool sur le foie © Natalia Chaykovskaya - 123RF

Parmi les maladies alcooliques du foie, il y a : 

  • la stéatose alcoolique qui associe une stéatose, une inflammation et une souffrance des cellules du foie due à une accumulation de graisses.
  • la fibrose hépatique qui est une agression chronique du foie entraînant une cicatrice fibreuse du tissu hépatique
  • la cirrhose du foie qui peut évoluer en cancer du foie : apparition de nodules et de tissus fibreux sur le tissu hépatique
  • l'hépatite alcoolique aiguë qui est une inflammation du foie causée par une consommation excessive d'alcool.

En moyenne, un verre d'alcool (un ballon de vin, un demi de bière, 4 cl de digestif...) servi dans un bar ou au restaurant contient environ 10 g d'alcool. Le seuil de consommation à partir duquel le l'alcool est significativement toxique pour le foie est de : 20 g d'alcool par jour chez l'homme et chez la femme (soit 2 verres)

Maladies alcooliques du foie : 10 symptômes d'alerte

1. Un foie lourd

"Le foie est un organe silencieux qui ne fait généralement pas mal. En revanche, il peut grossir en cas de problème hépatique et être lourd. Une sensation de pesanteur qui persiste sans raison n'est pas forcément liée au foie mais peut être le signe d'un problème hépatique, particulièrement révélateur d'une consommation excessive d'alcool ou d'une stéatose", explique l'hépatologue. Si vous ressentez une pesanteur au niveau du foie, consultez un médecin qui pourra déterminer s'il s'agit de problèmes intestinaux, digestifs ou hépatiques par le biais d'un examen clinique et des dosages sanguins. 

2. Un foie douloureux

"Lorsqu'il fonctionne normalement, le foie est imperceptible. On ne le sent que lorsqu'il est anormalement gros (hépatomégalie en langage médical) ou fibreux, sclérosé et dur, et donc lorsqu'il est pathologique", alerte le Pr Patrick Marcellin. Un foie douloureux et sensible peut être révélateur d'une hépatite aiguë alcoolique liée à une consommation excessive d'alcool dans un temps court (c'est ce qu'on appelle le "binge-drinking"). Un foie gonflé et douloureux peut également être le signe d'une stéatose alcoolique (accumulation de graisses dans les cellules hépatiques due à une consommation régulière d'alcool) qui peut évoluer insidieusement en cirrhose, voire en cancer du foie lorsqu'elle n'est pas prise en charge. 

3. Une fatigue qui persiste

"Une fatigue intense qui persiste pendant les vacances ou malgré le repos peut révéler une maladie du foie plus ou moins sévère, allant d'un foie trop engorgé, à une stéatose hépatique voire à une hépatite, détaille le Pr Patrick Marcellin. Il ne s'agit pas d'une fatigue musculaire à proprement parler, mais plutôt d'une asthénie qui se manifeste par une perte d'intérêt, un manque d'énergie, une baisse de moral voire une dépression."

L'alcool est irritant pour le tube digestif.

4. Des selles noires

L'alcool est irritant pour le tube digestif et en consommer de manière excessive peut entraîner des saignements digestifs, caractérisés par la présence de sang dans les selles. On appelle ça un méléna ou des selles goudronneuses (les selles sont noires comme du goudron). "Un foie endommagé et fibreux ne peut plus traiter et purifier le sang qui le traverse. Du coup, le sang qui vient de l'intestin par la "veine porte" jusqu'au foie se retrouve bloqué. Ce sang peut faire gonfler des veines de l'œsophage et provoquer des varices œsophagiennes. Ces varices peuvent éclater et entraîner des hémorragies digestives", explique notre interlocuteur. Des selles noires constituent une urgence médicale : il ne faut pas hésiter à consulter un médecin qui pourra prescrire un bilan hépatique et un dosage du taux de prothrombine afin d'évaluer la coagulation sanguine du patient.  

5. Une perte de poids brutale

Un amaigrissement brutal ainsi qu'une perte d'appétit soudaine peuvent être le signe d'un dysfonctionnement du foie comme une cirrhose. "La perte de poids n'est visible qu'au stade de cirrhose, pas avant", indique le Pr Marcellin. Cependant, ces symptômes ne sont pas typiques d'un problème au foie et peuvent être les signes de nombreuses autres pathologies. Une consultation médicale permettra d'identifier la cause. 

6. Des trous de mémoire

Quand le foie est encrassé par l'alcool, il ne peut plus neutraliser les toxines provenant de l'intestin. "Non éliminées, ces toxines peuvent atteindre le cerveau et provoquer une encéphalopathie hépatique : il s'agit d'une dégradation cérébrale caractérisée par des troubles des fonctions intellectuelles comme une confusion, un manque de concentration ou des pertes de mémoire. Dans les cas les plus graves, cela peut aller jusqu'au coma hépatique", alerte notre interlocuteur. Une encéphalopathie n'est pas exclusivement liée à une maladie du foie et peut être associée à d'autres causes (problèmes au cerveau, virus, début de démence...). Si l'un de ces symptômes apparaît, il faut consulter un médecin en urgence afin d'en déterminer la cause.

7. Une fièvre qui ne passe pas

Une maladie hépatique alcoolique peut être asymptomatique ou dans certains cas être accompagnée de symptômes comme une fièvre persistante. Les spécialistes parlent de fièvre quand la température corporelle est supérieure à 38.5°C, sans avoir effectué d'activités intenses, si on est normalement couvert et exposé à une température ambiante modérée. La fièvre n'est pas un symptôme spécifique d'une maladie du foie, dans tous les cas, il faut consulter un médecin lorsque la fièvre est trop élevée, lorsqu'elle ne passe pas pendant plusieurs jours ou qu'elle est accompagnée d'autres symptômes.

8. Une jaunisse

Lorsque la maladie hépatique alcoolique évolue vers une hépatite alcoolique, la personne peut développer une jaunisse. En cas de jaunisse (ou ictère), le blanc des yeux devient jaune et la peau de couleur jaunâtre. "Cette coloration peut révéler le début d'une cirrhose, il est donc urgent de faire un dosage sanguin de la bilirubine", préconise-t-il.

9. Du liquide dans l'abdomen

Non soignée, une hépatite alcoolique grave avec ou sans cirrhose (fibrose sévère du foie) peut entraîner une accumulation de liquide dans l'abdomen, c'est ce qu'on appelle une ascite. En effet, en cas de maladie du foie, ce liquide s'échappe de la surface du foie et/ou des intestins et s'accumule dans l'abdomen. Et si un grand volume de liquide est emmagasiné dans l'abdomen, ce dernier grossit et cela peut entraîner une perte d'appétit ainsi qu'une sensation d'essoufflement et de gêne permanente. A noter qu'une ascite survient généralement lors d'une maladie du foie chronique et moins lors d'une maladie du foie aiguë.

10. Des mains qui tremblent

Comme vu précédemment : lorsqu'elle n'est pas prise en charge, la cirrhose peut progresser en encéphalopathie hépatique, un trouble caractérisé par des atteintes au niveau cognitif. L'encéphalopathie évolue en plusieurs stades. Parmi les signes d'alerte d'une encéphalopathie, il y a les tremblements des mains involontaires en "battements d'ailes de papillon". Si un tel symptôme survient, il faut consulter un médecin. 

Un taux élevé de transaminases est le reflet d'une atteinte du foie.

Quand consulter ?

Si vous présentez l'un de ces symptômes, parlez-en à votre médecin généraliste. En fonction des symptômes que vous lui décrivez, de vos antécédents médicaux personnels ou familiaux et de vos facteurs de risque, il pourra vous prescrire un bilan hépatique avec un dosage des transaminases (ALAT et ASAT) et des gamma-GT et vous orienter vers un hépatologue en fonction des résultats. Un taux élevé de transaminases est le reflet d'une atteinte du foie, potentiellement liée à l'alcool. Par ailleurs, lorsqu'une personne qui a une consommation problématique d'alcool présente des symptômes de maladie du foie, le médecin prescrit des analyses de sang pour explorer le foie et peut envisager une biopsie du foie

La meilleure prévention est de limiter sa consommation d'alcool. 

Prévention : que faire ?

Pour éviter de développer une maladie alcoolique du foie, il faut limiter sa consommation d'alcool, mais cela peut se révéler difficile chez les personnes qui ont une consommation problématique. A noter qu'il n'existe pas de seuil de consommation permettant de limiter totalement les risques de développer une maladie alcoolique du foie, néanmoins, Santé publique France et l'Institut national du Cancer ont établi des valeurs repères de consommation d'alcool qui sont :

  • Maximum 10 verres d'alcool standard par semaine
  • Pas plus de 2 verres standard par jour (homme et femme) et ce, pas tous les jours. Les experts recommandent d'avoir des jours dans la semaine sans consommation d'alcool. 

Merci au Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon et Président de l'association de lutte contre les maladies du foie (APHC).