Perte de mémoire anormale : ces signes sont des "drapeaux rouges" pour notre neurologue

Il y a les trous de mémoire normaux, liés à l'âge ou à une charge mentale trop élevée. Et les autres, ceux qui doivent interpeller et pousser à consulter pour déterminer une éventuelle maladie neurologique à traiter.

Perte de mémoire anormale : ces signes sont des "drapeaux rouges" pour notre neurologue
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A partir d'un certain âge, la mémoire n'est plus aussi vive qu'avant. "Le pic de fonctionnement cognitif se situe autour de 25-30 ans. Passé cet âge, vos capacités cérébrales dont la mémoire commencent à décliner. C'est physiologique" nous indique le Dr Wilfrid Casseron, neurologue. Une perte de mémoire "normale" s'observe à partir de 60-65 ans chez la majorité des individus. Elle se manifeste par des troubles de la mémoire immédiate qui sont bénins tels que "je ne sais plus où j'ai mis mes clés, j'ai oublié ce que j'ai mangé au dîner il y a 3 jours ou ce que tu m'as dit au téléphone avant-hier". "Il faut rassurer les patients qui accompagnent leurs parents de 95 ans inquiétés par leurs trous de mémoire. Il est rare à cet âge d'avoir des facultés cognitives indemnes" insiste le Dr Casseron. En langage médical, la perte de mémoire est associée à la diminution des facultés cognitives.

Les trous de mémoire bénins sont souvent limités dans le temps.

"La cognition est l'ensemble des processus mentaux qui recouvrent la mémoire, le langage, la perception, les gestes et les fonctions exécutives (organisation, planification, jugement)" rappelle le neurologue. Les troubles proprement attribués à la mémoire sont à distinguer de ceux que l'on qualifie de troubles de l'attention. "Oublier son portable, ne plus se souvenir de sa place de parking, ouvrir un placard et ne plus savoir ce qu'on venait y cherchait... Ce sont des troubles attentionnels bénins et non des signes de pathologies de la mémoire" rassure l'expert. Les trous de mémoire bénins sont d'ailleurs souvent limités dans le temps. "Sur le coup on a oublié mais un petit effort et l'information revient" souligne le neurologue. En revanche, certaines pertes de mémoire sont anormales et peuvent indiquer des problèmes plus importants.

"Un patient qui pense être au mois d'août alors qu'il fait très froid"

Cela traduit une confusion et une désorientation spatio-temporelle et "c'est un drapeau rouge pour nous" illustre le neurologue. A différencier du patient retraité qui confond les jours de la semaine. "La dame qui va au supermarché, oublie temporairement où elle s'est garée mais finit par retrouver sa place, ça ne m'inquiète pas. Par contre, la dame qui rentre chez elle en bus, persuadée de ne pas avoir de voiture alors qu'elle s'est garée au parking du supermarché, je le note comme un drapeau rouge" développe le Dr Casseron.

"Il a changé, je ne le reconnais plus"

Les troubles du comportement et les changements dans le caractère font suspecter un trouble anormal de la mémoire. "Lorsque les proches nous disent "il a changé, je ne le reconnais plus, il ne faisait jamais ça...", c'est un signal" précise l'expert. "S'énerver rapidement à l'évocation du trouble ou redoubler de pirouette en prétextant une blague pour justifier ses oublis font partie des comportements suspects" ajoute le neurologue.

"Il est persuadé que tout va bien"

L'anosognosie (ou mauvaise conscience du trouble) désigne la situation dans laquelle le patient "ne se rend pas compte", d'après son entourage, qu'il est sujet à des troubles de la mémoire. "C'est une forme de déni par méconnaissance, le patient est persuadé de n'avoir aucun problème. C'est plus inquiétant que le patient qui consulte parce qu'il se rend compte qu'il a des oublis" reconnaît le médecin neurologue. 

"Il ne sait plus faire ce plat qu'il adorait cuisiner"

Des tâches quotidiennes qui étaient autrefois faciles sont maintenant difficiles voire impossible à réaliser ? "Ne plus savoir exécuter des gestes et habitudes comme cuisiner un plat que vous faites très souvent ou bricoler peuvent révéler un trouble anormal de la mémoire" souligne le neurologue. De la même manière, "le patient qui déclare que son fils a 25 ans alors qu'il a dépassé la quarantaine ou celui qui pense que ses enfants sont décédés alors qu'ils sont vivants, ce sont des signes inquiétants" expose l'expert. C'est dans ce cas la mémoire biographique qui est touchée. Enfin, certaines personnes peuvent manifester des troubles du sommeil en plus de leurs problèmes de mémoire : car "les troubles de la mémoire dégénératifs anormaux impactent le rythme veille-sommeil" défend le Dr Casseron.

Comment diagnostiquer une perte de mémoire anormale ?

Lors de la consultation, le neurologue fait passer des tests de mémoire et un questionnement médical au patient. "En cas de suspicion avec la consultation clinique, on prescrit des examens d'imagerie (IRM cérébrale et éventuellement scintigraphie) et un bilan sanguin. On propose également un bilan neuro-psychologique standardisé et chiffré pour évaluer la situation cognitive, poursuit le neurologue. On peut aussi réaliser une étude des biomarqueurs via une ponction lombaire mais cet examen est invasif donc pas systématique".

Peut-on prévenir ou ralentir une perte de mémoire anormale ?

"Il n'existe pas de traitement médical curatif pour ralentir la perte de mémoire mais des essais cliniques sont actuellement en cours pour élaborer des stratégies thérapeutiques" encourage le Dr Casseron. Cependant, certains facteurs influencent les facultés cognitives telles que la mémoire :

► Les troubles perceptifs comme la perte auditive aggravent les difficultés cognitives d'où l'importance d'appareiller rapidement un patient qui perd l'ouïe.

► Une mauvaise alimentation, la prise de médicaments psychotropes (benzodiazépine) et la consommation d'alcool accroissent les troubles de la mémoire. "Une corrélation a été établie entre une mauvaise santé cardio-vasculaire et les troubles cognitifs, que l'on appelle les troubles neurovasculaires" souligne l'expert.

L'isolement, l'absence de relations sociales et le temps passé devant les écrans ont un impact négatif sur les fonctions cognitives. A l'inverse, "des conversations et activités sociales (sortir au cinéma, voir une exposition etc) favorisent le maintien de la mémoire. Avoir un bon bagage socio-culturel accroît la mémoire et les facultés cognitives (lire, écrire, s'instruire)" défend notre interlocuteur. 

► Le manque de sommeil et la déprime amplifient les pertes cognitives.

Merci au Dr Wilfrid Casseron, neurologue.

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