Cancers de la femme âgée : liste, âge, traitements, survie

Côlon, poumon, sein... Un tiers des cancers sont diagnostiqués chez la femme après 75 ans. Quels sont les cancers les plus fréquents chez la femme âgée ? Quelles en sont les causes ? Quels sont les traitements possibles ? Les chances de survie ? Réponses du Pr Eric Solary, médecin-chercheur, hématologue

Cancers de la femme âgée : liste, âge, traitements, survie
© Jean-Paul - 123RF

En France, un cancer sur trois est diagnostiqué chez la femme après l'âge de 75 ans, avec un risque évolutif important pour certains cancers. Avec l'âge, d'autres problèmes de santé peuvent apparaître et compliquer la prise en charge du cancer. Sein, côlon, utérus, poumon, ovaire... Quels sont les cancers les plus fréquents chez la femme âgée ? Quelles en sont les causes ? Quels sont les traitements possibles ? Et les chances de survie dans cette tranche d'âge ? Réponses du Pr Eric Solary, médecin-chercheur, hématologue et président du conseil scientifique de la Fondation ARC.

Liste des cancers chez la femme âgée : quels sont les plus fréquents ?

"Les personnes de plus de 75 ans ont un accès moins immédiat aux nouveaux médicaments"

Il n'y a pas d'âge officiel déterminé pour définir à partir de quel âge on parle de "personne âgée". "Généralement, dans les essais cliniques concernant l'introduction de nouveaux médicaments, la barre est fixée à 75 ans par les laboratoires pharmaceutiques, même si cet âge peut apparaître comme totalement arbitraire. En raison de cet âge limite, les personnes de plus de 75 ans ont un accès moins immédiat aux nouveaux médicaments", indique en préambule le Pr Solary. A savoir que la quasi-totalité des cancers sont favorisés par le vieillissement des tissus et sont donc fréquents chez la femme âgée. "Il n'y a pas de cancer spécifique des personnes de plus de 75 ans. Les trois cancers les plus fréquents chez la femme après 75 ans sont les mêmes que les trois cancers les plus fréquents chez la femme tout âge confondu", précise notre interlocuteur. Autrement dit :

  • Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Un tiers d'entre eux se développent chez des femmes de plus 70 ans. "L'âge moyen au diagnostic est de 63 ans et l'âge moyen au décès est de 74 ans", indique le spécialiste.
  • Le cancer colorectal, le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme. En France, l'âge moyen au moment de la découverte d'un cancer colorectal est de 71 ans.
  • Le cancer du poumon, le troisième cancer le plus fréquent et le deuxième cancer le plus meurtrier chez la femme. L'âge moyen d'apparition d'un cancer du poumon est entre 60 et 65 ans chez la femme.
  • Bien que plus rare, le cancer de l'ovaire touche également fréquemment la femme âgée et apparaît généralement après la ménopause, en moyenne à l'âge de 65 ans. On retrouve un pic d'incidence entre 75 et 79 ans et un pic de mortalité entre 80 et 84 ans. 
  • Le cancer de l'utérus touche particulièrement les femmes de 60 à 70 ans, mais aussi les femmes de 70 à 80. L'âge moyen au moment du diagnostic est de 68 ans. 
  • Le cancer de la vessie est souvent découvert après 60 ans chez la femme.

Quelle est l'incidence des cancers chez la femme âgée ?

En France, un cancer sur trois est diagnostiqué chez la femme après 75 ans. "Les personnes de plus de 75 ans représentent 50% de la mortalité totale", indique le médecin. 

Quelles sont les causes d'un cancer chez la femme âgée ?

On sait aujourd'hui que le vieillissement des tissus favorise l'émergence et le développement des cellules cancéreuses. Depuis quelques années, la connaissance des effets biologiques du vieillissement progresse à grands pas. "On commence même à envisager des traitements qui limitent le vieillissement des tissus, notamment des traitements sénolytiques qui seraient capables d'éliminer les cellules sénescentes, c'est-à-dire celles qui vieillissent le plus", indique notre interlocuteur. Bien entendu, le vieillissement n'est pas la seule cause des cancers. Des facteurs de prédisposition génétique jouent un rôle, même chez les personnes âgées. Le tabagisme, la consommation d'alcool, l'exposition aux rayonnements UV, l'exposition à certains agents infectieux (virus ou bactérie), l'exposition professionnelle à des substances cancérigènes, une alimentation déséquilibrée, le manque d'activité physique... sont d'autres facteurs de risque bien identifiés.

Quels sont les traitements du cancer chez la femme âgée ?

En théorie, tous les traitements anticancéreux peuvent être envisagés, mais ils sont nécessairement adaptés à l'âge et à l'état de santé global du patient. "En effet, la situation est un peu plus complexe à 75 ans qu'avant 35 ans par exemple. En général, après 75 ans, les patients ont une ou plusieurs autres pathologies (comorbidités), ce qui complique la prise en charge, et ils peuvent prendre un ou plusieurs médicaments pouvant interférer avec les traitements du cancer. Puisque tout le monde ne vieillit pas de la même façon et comme l'âge civil est un critère insuffisant pour évaluer l'état physiologique d'une personne, on peut procéder à ce qu'on appelle une évaluation gériatrique approfondie (EGA) qui va permettre de mesurer l'âge biologique du patient sur les plans médicamenteux, cardiovasculaire et cognitif. Le vieillissement ne favorise pas que le cancer, il favorise aussi le développement de pathologies neurodégénératives, de troubles cognitifs, de problèmes de mémoire, d'autonomie... Autant de facteurs qui peuvent interférer avec la prise en charge thérapeutique", détaille notre interlocuteur. Cette évaluation est particulièrement indiquée quand les traitements envisagés sont à risque d'effets secondaires importants (par exemple chimiothérapie ou chirurgie lourde). Concrètement, cette évaluation gériatrique comporte :

  • Une évaluation de l'état fonctionnel du patient (est-ce qu'il est capable de se laver, manger, s'habiller, faire les courses, téléphoner, utiliser les transports en commun, marcher...)
  • Une évaluation de l'état nutritionnel du patient (poids, IMC, échelle de nutrition (MNA)...)
  • Une évaluation de l'état cognitif du patient (mini mental state) et de son état psychologique (dépression, isolement...)
  • Une évaluation des comorbidités et des pathologies associées (hypertension artérielle, diabète, ostéoporose...) afin de définir leur nombre et leur sévérité (bilan endocrinien et métabolique...)
  • Une évaluation des médicaments consommés au long cours, leurs indications et les risques d'interactions éventuelles. 
  • Une évaluation des syndromes gériatriques du patient (troubles visuels ou auditifs, incontinence urinaire ou fécale, chutes, dépression, démence, fractures spontanées...)
  • Une évaluation du statut socio-économique du patient (conditions de vie, entourage, recours à une auxiliaire de vie...)

Au-delà de 75 ans, le recours aux traitements standards n'est pas toujours possible.

Ces différents facteurs sont déterminés lors d'une consultation pluridisciplinaire (une équipe composée de radiothérapeutes, chimiothérapeutes, chirurgiens, gériatres...). En fonction de ces paramètres, les traitements anticancéreux (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, thérapie ciblée, immunothérapie) sont ainsi adaptés. "Dans tous les cas, il est extrêmement important de ne pas refuser le recours aux outils thérapeutiques sous prétexte que la personne a plus de 75 ans. Il faut simplement évaluer le contexte dans lequel se trouve le patient et adapter au besoin la prise en charge qui peut aller des traitements classiques les plus agressifs à des traitements réduits du fait d'un contexte difficile", préconise le médecin. 

► Chez la personne âgée, la chirurgie, la radiothérapie et l'hormonothérapie peuvent être envisagées. Néanmoins, pour certaines personnes, on proposera des adaptations de traitements comme une radiothérapie hypofractionnée réduisant le nombre de séances et de déplacements.

► Au-delà de 75 ans, le recours aux traitements standards n'est pas toujours possible. "Par exemple, le recours à certaines chimiothérapies nécessite un excellent état cardiovasculaires ou une très bonne fonction rénale. Lorsqu'il existe plusieurs pathologies, on peut être amené à réduire les doses ou la durée de la chimiothérapie ou à choisir des médicaments différents", explique le médecin.

► En plus des traitements anticancéreux, certaines personnes nécessitent différentes interventions gériatriques : kinésithérapie, soutien nutritionnel, mesures psychosociales...

Quel est le pronostic de survie chez la femme âgée ?

"Après 75 ans, on garde toutes ses chances de survie"

Aujourd'hui, une femme de 70 ans peut encore espérer vivre 15-20 ans. Voilà pourquoi il est important d'évaluer les différents aspects de santé des patientes afin de leur proposer le schéma thérapeutique le plus adapté. "En théorie, si on élimine les comorbidités (autrement dit s'il n'y aucune autre pathologie ou aucun antécédent médical) et si la tumeur est similaire (même stade, même localisation, même étendue), le pronostic de survie chez la femme âgée n'est pas moins bon que celui de la femme jeune. Après 75 ans, on garde toutes ses chances de survie, si bien entendu il n'y a pas de pathologies associées. Un pronostic moins bon chez les sujets âgés s'expliquerait par un diagnostic plus tardif et la présence de comorbidités limitant le traitement curatif", conclut l'expert. En pratique, le calcul des taux de survie des cancers dépend de nombreux facteurs comme les antécédents de santé, le type de cancer, son stade, ses caractéristiques, sa localisation et des traitements choisis. Ainsi, selon les derniers chiffres de l'Institut du cancer :

  • La survie nette à 10 ans pour un cancer du sein est de 65% pour les femmes de 75 ans et plus.
  • La survie nette à 10 ans pour un cancer colorectal est de 46% pour la femme de 75 ans et plus.
  • La survie nette à 10 ans pour un cancer du poumon est de 4% pour la femme de 75 ans et plus. 

Merci au Pr Eric Solary, médecin-chercheur-hématologue et président du Conseil scientifique de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.