Amibe : dangers, eau du robinet, traitement
Micro-organismes omniprésents dans l'environnement, certaines amibes peuvent se révéler pathogènes pour l'homme et être responsables de diverses infections comme l'amibiase, la kératite amibienne ou la méningite-encéphalite amibienne. Le point avec le Dr. Elisabeth Labruyère, chercheur à l'Institut Pasteur et le Dr. Ascel Samba, maître de conférences à l'Université de Poitiers.
Définition : qu'est-ce qu'une amibe ?
Une amibe est un micro-organisme unicellulaire, c'est-à-dire un être vivant formé d'une cellule unique qui se déplace en se déformant et en émettant des extensions membranaires (pseudopodes). Il existe différentes espèces d'amibes dont certaines sont des parasites exclusifs de l'homme telle Entamoeba histolytica ; alors que d'autres, dites libres, n'ont pas besoin d'hôte pour vivre et se reproduire. Par exemple : Acanthamoeba spp. et Naegleria fowleri. "Environ 10% de la population mondiale serait infectée par des amibes parasites du genre Entamoeba dont la plus pathogène est Entamoeba histolytica, l'agent de l'amibiase" précise Elisabeth Labruyère, docteur en microbiologie et chercheur à l'Institut Pasteur.
Où est-elle présente ?
Si les amibes sont présentes dans l'environnement partout dans le monde, certaines amibes libres comme Naegleria fowleri affectionnent particulièrement les milieux humides et les eaux douces chaudes dont la température s'échelonne entre 25°c et 40°c.
Comment peut-on être contaminé ?
Les types de contamination dépendent de l'espèce d'amibe. Ainsi, le mode de transmission de l'Entamoeba histolytica se fait principalement par la voie oro-fécale c'est-à-dire par l'intermédiaire de mains sales, d'aliments ou d'eau souillés par des matières fécales. Dans le cas de la redoutable Naegleria fowleri, la contamination s'effectue par inhalation de gouttelettes d'eau lors d'une baignade dans des eaux douces stagnantes dont la température dépasse 25°c. Quant à l'amibe Acanthamoeba, on la trouve partout (sols et eaux non stériles). Elle est, heureusement, peu pathogène pour l'homme.
Amibe et eau du robinet : quels risques ?
Dans certaines régions du monde où l'eau est non traitée, jusqu'à 20 % de la population peut être infectée. "Les kystes – c'est-à-dire la forme de résistance et de dissémination de l'amibe – sont éjectés dans les fèces et contaminent ensuite les rivières et les terres où l'eau des toilettes se déverse, explique le Dr. Elisabeth Labruyère. Dans les pays développés, la contamination à l'amibe Acanthamoeba est souvent associée à l'utilisation de lentilles de contact. "Ces amibes sont présentes dans l'eau non stérile, précise Ascel Samba, docteur en microbiologie cellulaire. Si d'aventure, celles-ci viennent à contaminer l'eau du robinet, alors rincer ses lentilles avec cette eau peut causer une kératite amibienne. Une pathologie rare mais difficile à soigner qui peut être évitée en adoptant une hygiène rigoureuse lorsqu'on porte des lentilles."
Amibe et alimentation : précautions, risques
Le risque d'être contaminé par l'amibe Entamoeba histolytica en buvant de l'eau non traitée dans les pays tropicaux ou en mangeant étant élevé, la prévention de la parasitose repose sur des mesures d'hygiène. "Par exemple, consommer uniquement de l'eau potable bouillie, en bouteille ou filtrée, recommande la spécialiste de l'Institut Pasteur. Bien cuire les aliments avant de les manger, éviter les glaçons (si ces derniers ne sont pas faits avec de l'eau filtrée), les crudités et enfin se laver régulièrement les mains à l'eau savonneuse ou avec un gel hydro-alcoolique notamment avant la préparation des repas."
Amibe dans l'organisme : quels symptômes et risques ?
Une contamination par l'amibe Entamoeba histolytica pourra engendrer une amibiase dont les signes cliniques iront d'un simple mal de ventre jusqu'à une diarrhée dysentérique amibienne avec des selles parfois glairo-sanglantes, de la fatigue et un amaigrissement. "Outre les lésions du colon, lorsque le parasite parvient à gagner la circulation sanguine, il peut infecter le foie – voire les poumons - et donner naissance à des abcès, confie le Dr. Elisabeth Labruyère. Beaucoup de porteurs du parasite sont asymptomatiques, la maladie se développe chez seulement 10 à 20 % des personnes infectées." Naegleria fowleri ou "amibe mangeuse de cerveau" est quant à elle responsable de la méningite-encéphalite amibienne, une infection au pronostic très sombre (97 % de décès). "La pathologie se traduira par de violents maux de tête, une forte fièvre et des vomissements en jet. C'est une urgence médicale." Enfin, la kératite amibienne entraînera une rougeur et une douleur de l'œil avec sensation de corps étranger, une production excessive de larmes et parfois une sensibilité à la lumière.
Quel est le diagnostic ?
Lorsqu'une amibiase - contamination par l'amibe Entamoeba histolytica - est suspectée chez un patient, le diagnostic repose sur un examen de selles fraîches et une PCR. Le diagnostic d'infection à Naegleria fowleri se fait, quant à lui, via un prélèvement du liquide céphalo-rachidien et une PCR. Enfin, pour confirmer une kératite amibienne (Acanthamoeba), l'ophtalmologiste effectuera des prélèvements (biopsie) sur la cornée suivis d'une culture cellulaire associée à une PCR.
Quels traitements ?
Les traitements dépendront du type d'amibe. Ainsi, les amibiases aigües seront traitées par la prise d'antiparasitaires à large spectre. "En général le traitement est long et plus ou moins bien toléré par les patients" précise la spécialiste de l'Institut Pasteur. Tandis que dans le cadre d'une kératite amibienne on aura recours à l'association de médicaments antimicrobiens sous forme de collyres. "Cette affection rare mais sévère peut parfois engager le pronostic visuel de l'œil atteint, explique le Dr. Ascel Samba. D'où la nécessité d'un diagnostic et d'un traitement précoce pendant plusieurs mois."
Quelle prévention ?
Pour prévenir les contaminations par l'amibe Entamoeba histolytica dans les pays où les conditions sanitaires sont déficientes, il est important de respecter des règles d'hygiène simples : se laver régulièrement les mains à l'eau savonneuse, consommer de l'eau filtrée ou en bouteille (décapsulée devant soi) et cuire les aliments. Dans les pays industrialisés, où la contamination par l'Acanthamoeba reste rare, "il ne faut jamais nettoyer ses lentilles avec l'eau du robinet" rappelle le Dr. Samba. Enfin, afin d'éviter d'être infecté par l'amibe Naegleria fowleri, il est conseillé de ne pas plonger ni se baigner dans les eaux douces stagnantes et chaudes (lacs, rivières, piscines mal entretenues). "Et ce, même avec un pince-nez !" conclut le Dr. Labruyère.
Merci à Elisabeth Labruyère, docteur en microbiologie et chercheur à l'Institut Pasteur.