Quelles sont les complications cardiovasculaires de la Covid-19 ?
Une vaste étude a montré que les personnes ayant une maladie cardiovasculaire ou des facteurs de risques cardiovasculaires (surpoids, diabète) avaient un risque de complications multiplié par 2 si elles étaient infectées au Covid-19. Pourquoi ? Qui est le plus à risque ? Quelle est la conduite à tenir ?
On a rapidement pu constater que les facteurs de risque cardio-vasculaires et les maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires (maladie coronaire, accident vasculaire cérébral) représentaient un risque de présenter une forme grave de la COVID-19. "Nous avons constaté que ce sur-risque concernait en particulier les personnes ayant une maladie coronaire, une insuffisance cardiaque, des arythmies cardiaques (par tachycardie ou cœur trop lent) ou des facteurs de risque d'athérosclérose notamment le surpoids, le diabète, peut-être dans un moindre degré l'hypertension artérielle. En outre, il apparaît que les facteurs de risque cardiovasculaire ne s'ajoutent pas les uns aux autres mais qu'ils potentialisent le risque cardiaque du Sars-CoV-2", décrit le Professeur Ariel Cohen, Président de la Société Française de Cardiologie et Chef de service de cardiologie des hôpitaux de l'Est parisien.
Par ailleurs, une méta-analyse* de 26 études sur plus de 8000 patients a montré que les personnes qui avaient une maladie cardiovasculaire (maladie coronaire, accident vasculaire cérébral) ou des facteurs de risque cardiovasculaire avant d'être touchés par la COVID-19 avaient un risque de mortalité multiplié par 2 par rapport à ceux ne présentant pas d'antécédents cardiovasculaires.
Quelles sont les causes d'une mortalité plus élevée ?
Il existe plusieurs mécanismes par lesquels la COVID-19 affecte le système cardiovasculaire :
► Le premier mécanisme expliquant cette sur-mortalité est l'inflammation qui entraîne un réveil de l'athérosclérose. "Ce réveil inflammatoire très particulier, l'orage cytokinique, est à l'origine de certaines des manifestations cliniques de l'infection COVID-19-. Cette inflammation est responsable d'une déstabilisation de la plaque d'athérome qui réduit le calibre des artères du cœur, du cerveau, de l'abdomen ou des membres inférieurs. Cette plaque d'athérome qui devient vulnérable retient les éléments figurés du sang dont les plaquettes et l'artère est à risque de se boucher, avec comme conséquence un infarctus du myocarde, un infarctus cérébral ou une ischémie des jambes" explique le Pr Ariel Cohen.
► Le deuxième mécanisme est lié à la toxicité directe du Sars-CoV-2 sur le muscle cardiaque. "Ce virus a un tropisme pour le muscle cardiaque comme les virus de la grippe et peut causer une myocardite aiguë (inflammation du muscle cardiaque)", indique le cardiologue.
► Le troisième mécanisme qui explique la surmortalité par le cœur est "le fait que l'infection COVID-19 altère pour des raisons inconnues la micro-circulation du muscle cardiaque", explique notre interlocuteur.
Qui est le plus à risque ?
Les personnes ayant des facteurs de risque cardiovasculaires ou une maladie cardiovasculaire avérée ont un risque plus élevé de présenter une morbidité et une mortalité en cas d'infection par la COVID-19 par décompensation cardiaque. Néanmoins, la toxicité sur le cœur du Sars-CoV-2 peut concerner aussi les personnes sans facteurs de risque cardiovasculaires. "Des patients plus jeunes sans facteurs de risque cardiovasculaires peuvent faire une myocardite aigue. Le principal mécanisme est une inflammation du muscle cardiaque. Il se pourrait aussi qu'il y ait des cardiomyopathies de stress. Le cœur, confronté à une situation grave, peut se mettre en état de sidération : c'est le syndrome de Takotsubo" décrit le cardiologue.
"La surmortalité observée chez les patients cardiaques nous préoccupe au point que nous pensons qu'il faut qu'une partie de la recherche clinique et fondamentale soit dédiée à cette problématique" souligne le Pr Ariel Cohen. La Fondation Cœur & Recherche va prochainement lancer un appel à projets pour soutenir les travaux portant sur les atteintes cardiaques associées à l'infection au virus SARS (CoV-2. "Il nous faut des modèles animaux et expérimentaux afin d'apprendre à prévenir les complications cardiovasculaires observées" indique le cardiologue.
Quelle est la conduite à tenir ?
Si vous êtes porteurs d'une maladie cardiovasculaire ou des facteurs de risque cardiovasculaire, il est recommandé d'être très vigilant en cette période de pandémie car il y a un risque accru de déstabilisation de la maladie chronique cardiovasculaire sous-jacente.
→ Restez attentif aux signaux d'alerte, par exemple des douleurs dans la poitrine si vous avez une maladie coronaire, un essoufflement ou une prise de poids inhabituels, et en consultant votre médecin au moindre signe d'alerte.
→ Consultez normalement. "Nous avons maintenant tous les moyens pour consulter nos patients, en présentiel ou à distance" rassure le cardiologue.
→ Prenez vos traitements habituels, "car en cas d'infection par la COVID-19, l'inflammation va faire que votre état cardiaque risque d'être déstabilisé", explique le Pr Ariel Cohen, qui insiste sur le fait que les traitements anti-hypertenseurs ne doivent absolument pas être arrêtés.
→ Pratiquez une activité physique régulière et ayez une alimentation équilibrée pour ne pas prendre de poids pendant cette période de confinement.
Merci au Professeur Ariel Cohen, Président de la Société Française de Cardiologie et Chef de service de cardiologie des hôpitaux de l'Est parisien.
Sources :
- *Moula AI,Micali LR,Matteucci F et al.Quantification of Death Risk in Relation to Sex, Pre-Existing Cardiovascular Diseases and Risk Factors in COVID-19 Patients: Let's Take Stock and See Where We Are. J Clin Med 2020; 19 :doi: 10.3390/jcm9092685.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32825068
- Le site de la Fondation Coeur et Recherche - www.coeur-recherche.fr