Foie gonflé : 7 causes

Foie gonflé : 7 causes

Vous avez la sensation d'avoir le foie gonflé ? Trop d'alcool, trop de graisses, maladie, calcul... Tour d'horizon des causes d'un foie gonflé et leurs symptômes d'alerte.

Le foie est l'organe le plus volumineux du corps humain : il mesure environ 28 cm de long et pèse en moyenne 1.5 kg. Il est rempli de sang et est composé de deux lobes : le gauche, le plus petit, et le droit, le plus gros. Cet organe a un rôle de stockage, de filtrage, d'épuration et de production de protéines vitales. Il assure plus de 300 fonctions biologiques. Néanmoins, même si c'est un "gros" organe, on ne doit jamais le sentir ! Si on le sent, c'est qu'il y a un problème...

Peut-on sentir son foie au toucher ?

"Le foie est gros, mais si tout va bien, on ne devrait pas le sentir. Il est d'ailleurs relativement discret lors de la palpation car il est bien caché (le foie est situé en haut de l'abdomen à droite, juste en-dessous des côtes et du poumon droit), et il est souple et élastique. On ne le sent que lorsqu'il anormalement gros (hépatomégalie en langage médical) ou fibreux, sclérosé et dur, et donc lorsqu'il est pathologique", alerte le Pr Patrick Marcellin, hépatologue. On ne peut donc pas sentir un foie sain. En revanche, il est révélateur d'une pathologie s'il est gros, gonflé, sensible voire douloureux et s'il a une consistance anormale. A noter que le foie est le seul organe du corps humain à pouvoir se régénérer. Mis au repos ou lorsqu'on le détoxifie, le foie est en effet capable de remplacer les cellules mortes détruites par une agression (virus, alcool ou médicaments) par des cellules neuves. 

7 causes d'un foie gonflé

Le foie est donc un organe silencieux, qu'on ne sent pas et qui ne fait généralement pas mal. "En revanche, il peut grossir en cas de problème hépatique et donner une sensation de lourdeur. Une sensation de pesanteur dans la région du foie qui persiste peut être le signe d'un problème hépatique", explique le Pr Marcellin. Ressentir  l'impression que le foie est gonflé peut ainsi avoir différentes causes. 

→ Si le foie est gonflé de manière temporaire : 

1. Une hépatite aiguë

"En cas d'inflammation, le foie grossit et devient sensible. C'est ce qu'on appelle "une hépatite aiguë" qui se traduit parfois, mais pas toujours, par une jaunisse, avec comme symptômes un jaunissement de la peau et du blanc des yeux, des urines foncées, de la fièvre, des nausées. Ainsi, si la personne a une hépatite aiguë, son foie va être gonflé et gros. Il ne sera pas forcément douloureux, mais plutôt sensible, particulièrement quand on appuie dessus", détaille notre interlocuteur.

Lorsque l'inflammation régresse, le foie dégonfle et reprend sa taille normale.

Il peut s'agir d'une hépatite aiguë due à un virus (hépatite virale), à une consommation excessive d'alcool (hépatite alcoolique) ou à l'ingestion de médicaments en excès ou auxquels on est allergique (hépatite médicamenteuse). Parmi les hépatites virales, la plus fréquente est l'hépatite A qui se transmet par l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminée par des matières fécales. Mais il peut aussi s'agir d'une hépatite E qui se transmet de la même manière que l'hépatite A, d'une hépatite B qui se transmet par voie sexuelle ou de la mère à l'enfant, ou encore, d'une hépatite C qui se transmet par le sang ou un matériel contaminé. "Cette sensation de foie gonflé ne va pas durer très longtemps (entre quelques jours et un mois) puisque par définition, une hépatite aiguë est une inflammation temporaire du foie. La plupart des hépatites aiguës guérissent spontanément. Et lorsque l'inflammation régresse, le foie dégonfle et reprend sa taille normale", rassure le spécialiste. Dans mois d'1 cas sur 1 000, il peut s'agir d'une hépatite avec une très forte inflammation. Dans ce cas il s'agit d'une hépatite fulminante qui détruit très rapidement les cellules du foie et qui peut évoluer vers une insuffisance hépatique grave avec un coma. L'hépatite fulminante a un taux de mortalité de 80% si on ne réalise une transplantation du foie en urgence. 

Le risque d'avoir une hépatite aiguë alcoolique est important à partir de 100 g d'alcool ingurgité, soit 5 à 6 cocktails par exemple. 

2. Boire trop d'alcool

Une sensation de foie gonflé et lourd peut aussi être révélatrice d'une consommation massive d'alcool dans un temps très court. "Ce phénomène est de plus en plus observé avec la tendance du binge-drinking (boire une grande quantité d'alcool en un laps de temps très court). Le binge-drinking entraîne une réaction inflammatoire du foie et peut causer une hépatite alcoolique. Le profil-type d'une hépatite aiguë alcoolique est généralement une personne jeune qui a fait la fête le samedi soir et qui se réveille le dimanche avec un foie gonflé : son foie n'a pas supporté l'arrivée massive d'alcool et parfois, jusqu'à 80 à 90% des cellules hépatiques sont détruites", illustre l'hépatologue. Cette nouvelle pratique de consommation d'alcool a augmenté au cours des 10 dernières années et est souvent associée à la prise d'autres substances toxiques pour le foie (stupéfiants...). 

Quelques repères :

  • Dans une bouteille de vin, il y a 80 g d'alcool.
  • Dans une bouteille d'alcool fort à 40° (gin, vodka, rhum...), il y a 350 g d'alcool. 
  • La quantité d'alcool dans un verre d'alcool fort à 40° correspond à celle de 4 verres de vin.
  • "A partir de 100 g d'alcool ingurgités dans un délais très court, soit 5 à 6 cocktails par exemple, le métabolisme n'a pas le temps d'absorber l'alcool et il y a un risque de faire une hépatite aiguë", indique l'hépatologue.

3. Un excès de médicaments

Même si cela est relativement rare, de nombreux médicaments peuvent endommager le foie et entraîner une hépatite médicamenteuse, caractérisée par une inflammation et des lésions du foie. On peut ainsi ressentir une lourdeur au niveau du foie ainsi qu'une hypersensibilité. "Cela peut être dû à un surdosage en médicaments ou à une réaction allergique au médicament", décrit l'hépatologue. 

4.  Un calcul biliaire

Parfois, un calcul - un petit caillou - peut se former dans la vésicule biliaire, une petite poire qui se trouve en-dessous du foie, capable de stocker la bile et de l'éjecter au moment du repas pour favoriser la digestion. "Si ce calcul migre au niveau du canal biliaire qui relie le foie à l'intestin, il peut empêcher l'évacuation de la bile, un liquide biologique qui aide à la digestion, en particulier des graisses. Ainsi, la bile remonte dans le foie, stagne au niveau de cet organe et provoque un gonflement, ainsi que de la fièvre, une jaunisse avec coloration de la peau et du blanc de l’œil en jaune et des douleurs très intenses au niveau de l'épigastre (en haut de l'abdomen, au milieu des côtes)", explique notre interlocuteur. C'est ce qu'on appelle une colique hépatique. Elle doit être soulagée dans un premier temps avec des médicaments anti-inflammatoires et antispamodiques. Puis, si le caillou ne se dissout pas spontanément, il faut déboucher la voie biliaire en urgence par voie endoscopique (en passant un tuyau dans l'estomac). 

→ Si le foie est gonflé de manière chronique :

1 Français sur 5 a un foie gras

5. Une NASH

La première cause d'un foie gonflé de manière permanente est le fait d'avoir un "foie gras" (stéatose en langage médical). Et un foie gras est dans 20% des cas accompagné d'une inflammation : c'est ce qu'on appelle la NASH (stéato-hépatite non alcoolique). Elle peut se manifester par une pesanteur au niveau du foie et peut évoluer, si on ne réagit pas et s'il s'agit d'une NASH, vers la cirrhose, voire vers un cancer du foie. "Le fait d'avoir un foie gras concernerait au moins 1 Français sur 5 (30% des hommes et 15% des femmes adultes) et la NASH quant à elle toucherait 1 Français sur 20. On a d'autant plus de risque d'avoir un foie gras que l'on a des troubles métaboliques (un diabète ou un cholestérol trop élevé, une glycémie à la limite du taux normal...), une surcharge pondérale, si on est trop sédentaire, si on a une alimentation trop riche en graisse et surtout en sucre, si on consomme trop d'alcool et si on a plus de 45 ans, liste le spécialiste. Chez la femme, le risque d'avoir un foie gras augmente considérablement à partir de la ménopause car les changements hormonaux pendant cette période favorisent la prise de poids, l'hyperlipidémie et le diabète."

• Un foie trop gras a un aspect brillant et blanc à l'échographie : on dit qu'il est hyperéchogène, c'est-à-dire qu'il réfléchit les ultrasons de manière plus forte. 

6. Une cirrhose

Boire 2 ou 3 verres d'alcool tous les jours provoque une accumulation de graisses dans le foie.

L'alcool est toxique lui-même et contient une grande quantité de sucre qui peut être également toxique pour le foie. Le sucre est stocké sous forme de graisse avec le risque de foie gras. Ainsi, "boire modérément mais régulièrement de l'alcool (2 ou 3 verres de bière ou de vin tous les jours) peut entraîner une accumulation de graisses dans les cellules hépatiques qui, à terme, provoque une stéatose alcoolique qui peut évoluer insidieusement en cirrhose, voire en cancer du foie lorsqu'elle n'est pas soignée. Si les petites tumeurs peuvent être supprimées par la chirurgie, des traitements locaux ou grâce à une greffe de foie, les cancers du foie à un stade avancé ont quant à eux un très mauvais pronostic avec un risque élevé de métastases. "Heureusement, l'arrivée de l'immunothérapie (stimulation de la réponse immunitaire détruisant les cellules cancéreuses) va permettre de traiter de plus en plus de cancers" se réjouit le Pr Marcellin.

7. Une insuffisance hépatique

La NASH, l'alcool ou les hépatites chroniques virales (B et C) peuvent entraîner progressivement en plusieurs années ou dizaines d'années de la fibrose puis une cirrhose avec une insuffisance hépatique : le foie ne peut alors plus filtrer les toxiques et produire suffisamment de protéines vitales. Le foie d'abord gonfle et peut ensuite rétrécir (atrophie). Toutefois, "un foie grossit beaucoup plus avec l'accumulation de graisses dans les cellules hépatiques (foie gras ou NASH) qu'avec l'alcool ou les virus", tient à préciser le Pr Marcellin. 

Un taux élevé de transaminases est le reflet d'une atteinte du foie.

Que faire en cas de sensation de foie gonflé ? 

"Le foie est la tour de contrôle de l'organisme : s'il souffre, il alerte sur la présence de failles au niveau du métabolisme, de l'équilibre hormonal ou de l'immunité. Donc si vous sentez une pesanteur au niveau de votre foie, parlez-en à votre médecin généraliste. En fonction des symptômes que vous lui décrivez, il pourra vous prescrire un dosage des transaminases (transaminases ALAT et ASAT). Cet examen sanguin est un moyen très simple de savoir si le foie est en souffrance", rappelle l'hépatologue. Un taux élevé de transaminases est le reflet d'une atteinte du foie, qu'elle soit liée à un foie gras, à l'alcool ou à une hépatite virale, toxique ou médicamenteuse.  

Taux normal des transaminases

  Femmes (adulte) Hommes (adulte)
Taux d'ALAT 6 à 35 UI/L 8 à 45 UI/L
Taux d'ASAT 10 à 35 UI/L 10 à 40 UI/L

► une augmentation importante et temporaire (moins de 6 mois) des transaminases supérieure à 10 fois la valeur normale peut être le signe d'une hépatite aiguë virale, toxique ou médicamenteuse.

►  une augmentation faible ou modérée et prolongée (plus de 6 mois) des transaminases de 2 à 10 fois supérieure à la valeur normale peut être le signe d'une maladie chronique du foie liée à un foie gras, à l'alcool, à un médicament, plus rarement à une hépatite auto-immune ou une hémochromatose (surcharge en fer). Une maladie chronique du foie, si elle n'est pas traitée, peut évoluer vers une cirrhose à haut risque de cancer du foie.

Une foie le dosage des transaminases effectué, il faut déterminer la cause d'un foie gonflé. En fonction des résultats du dosage des transaminases, le médecin généraliste peut vous orienter vers un hépatologue. Ce spécialiste du foie réalise une palpation pour voir si la pesanteur au niveau du foie est diffuse ou localisée à un endroit précis, si elle homogène ou douloureuse, et procède à un interrogatoire pour connaître la présence d'autres symptômes, les antécédents médicaux ou familiaux ainsi que les facteurs de risque (s'il boit régulièrement de l'alcool, s'il est sédentaire, s'il a une alimentation déséquilibrée, s'il a récemment pris du poids...). En fonction de l'orientation du diagnostic, le médecin réalise une échographie abdominale ainsi que des examens sanguins. D'autres examens comme une élastométrie, une tomodensitométrie ou une IRM peuvent aider à préciser l'origine du trouble. "A noter qu'il est facile de confondre une pesanteur au niveau du foie avec une pesanteur au niveau de l'estomac ou de l'intestin. Un bilan médical adapté permettra de distinguer un problème hépatique d'un problème digestif et de le traiter à temps et efficacement afin d'éviter la cirrhose et le cancer du foie", tient à préciser le Pr Marcellin. 

Merci au Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon, , Président de l'association de lutte contre les maladies du foie (APHC).

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