Syndrome Ehlers-Danlos : vasculaire, hypermobile, c'est quoi ?
Peau hyper élastique, souplesse extrême, fragilité des tissus... Il n'existe pas un mais plusieurs types de maladies dans le syndrome d'Ehlers-Danlos (SED). Définition, symptômes, causes, diagnostic, traitement : tout savoir.
Il n'y a pas un mais des syndromes d'Ehlers-Danlos (SED). Les SED sont un groupe de maladies rares du tissu conjonctif au nombre de 13 (hypermobile, vasculaire, classique...). Divers symptômes peuvent être observés en fonction du type de syndrome d'Ehlers-Danlos (hyperlaxité...). En octobre 2019, la chanteuse australienne Sia avait annoncé publiquement souffrir d'un syndrome d'Ehlers-Danlos. "Je souffre de douleurs chroniques (...) la vie est dure (...) la douleur est démoralisante" partageait-elle sur Twitter. Une candidate de The Voice Kids, Sanaa ainsi que la chanteuse Lucie Bernardoni (Star Academy) ont aussi révélé être atteintes d'un SED. Quelle est la cause ? Les symptômes évocateurs ? Le test pour poser le diagnostic ? Quelle prise en charge pour limiter l'évolution du syndrome et les retentissements au quotidien ? Quelle espérance de vie ? Eclairage du Docteur Karelle Benistan du Centre de référence des syndromes d'Ehlers-Danlos non vasculaires (Hôpital Raymond Poincaré à Garches).
Définition : c'est quoi le syndrome d'Ehlers-Danlos ?
Les syndromes d'Ehlers-Danlos (SED) sont des maladies du tissu conjonctif d'origine génétique caractérisées par une triade caractéristique clinique :
- L'hyperlaxité articulaire (extrême souplesse)
- L'hyper-élasticité de la peau
- La fragilité des tissus
"Historiquement, ce sont deux dermatologues Henri-Alexandre Danlos et Edvard Ehlers qui ont laissé leurs noms à ces syndromes, informe en préambule notre interlocutrice. On a longtemps pensé qu'il s'agissait d'une entité unique (on parlait alors du syndrome d'Ehlers-Danlos) et puis la description de nombreux cas cliniques et les découvertes génétiques ont permis d'identifier différents types de syndromes d'Ehlers-Danlos".
Chiffres : quelle est la prévalence des syndromes d'Ehlers-Danlos ?
D'après The Ehlers-Danlos Society, l'estimation de la prévalence globale est de 1 cas pour 5 000 naissances. "Les SED font partie des maladies rares, mais la fréquence varie énormément en fonction du type de SED. Par exemple, les SED hypermobile et classique sont plus fréquents que les autres. Il y a certains types de SED qui sont beaucoup plus rares, avec une prévalence inférieure à 1 pour 100 000", rapporte notre interlocutrice.
Quels sont les 13 types d'Ehlers-Danlos ?
Au fil du temps et au regard des connaissances génétiques, plusieurs classifications se sont succédées pour classer les différents types de syndromes d'Ehlers-Danlos. Celle qui fait référence à date est la classification de New York proposée et publiée en 2017 par un consortium international d'experts (cliniciens et scientifiques spécialisés dans le domaine des syndromes d'Ehlers-Danlos), qui a ainsi reconnu 13 types de syndromes d'Ehlers-Danlos :
- Syndrome d'Ehlers-Danlos classique
- Syndrome d'Ehlers-Danlos classique like
- Syndrome d'Ehlers-Danlos cardiaque valvulaire
- Syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire
- Syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile
- Syndrome d'Ehlers-Danlos arthrochalasique
- Syndrome d'Ehlers-Danlos dermatosparaxis
- Syndrome d'Ehlers-Danlos cyphoscoliotique
- Syndrome d'Ehlers-Danlos de type Brittle Cornea
- Syndrome d'Ehlers-Danlos spondylodysplasique
- Syndrome d'Ehlers-Danlos musculocontractural
- Syndrome d'Ehlers-Danlos myopathique
- Syndrome d'Ehlers-Danlos parodontal
Quelles sont les causes des syndromes d'Ehlers-Danlos ?
"Les syndromes d'Ehlers-Danlos sont, comme dit précédemment, des maladies du tissu conjonctif, un tissu fait de cellules et de matrice extracellulaire, qui a un rôle de soutien et de protection pour les autres tissus corporels. C'est cette matrice extracellulaire qui est touchée dans les syndromes d'Ehlers-Danlos, ce qui explique la fragilité tissulaire que l'on retrouve chez les patients atteints. La matrice extracellulaire est faite d'un enchevêtrement complexe de protéines fibreuses, en particulier de collagènes, dont la synthèse implique différents gènes. Chaque collagène a ainsi un rôle particulier pour les tissus du corps. A date, une vingtaine de gènes sont impliqués dans les syndromes d'Ehlers-Danlos. Le gène impliqué détermine le type de syndrome d'Ehlers-Danlos auquel on fait face (voir le tableau ci-dessous). Mais bien sûr, cela pourrait évoluer si on découvre de nouveaux gènes impliqués", explique notre spécialiste.
Type de Syndrome d'Ehlers-Danlos | Protéine impliquée |
---|---|
Syndrome d'Ehlers-Danlos classique |
Collagène de type V Collagène de type I |
Syndrome d'Ehlers-Danlos classique like | Ténascine X |
Syndrome d'Ehlers-Danlos cardiaque valvulaire | Collagène de type I |
Syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire |
Collagène de type III Collagène de type I |
Syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile | Inconnue |
Syndrome d'Ehlers-Danlos arthrochalasique | Collagène de type I |
Syndrome d'Ehlers-Danlos dermatosparaxis | ADAMTS-2 |
Syndrome d'Ehlers-Danlos cyphoscoliotique |
LH1 FKBP22 |
Syndrome d'Ehlers-Danlos de type Brittle Cornea |
ZNF469 PRDM5 |
Syndrome d'Ehlers-Danlos spondylodysplasique |
B4GALT7 B3GALT6 SLC39A13 |
Syndrome d'Ehlers-Danlos musculocontractural |
D4ST1 DSE |
Syndrome d'Ehlers-Danlos myopathique | Collagène de type XII |
Syndrome d'Ehlers-Danlos parodontal | C1R et C1S |
Quels sont les symptômes des syndromes d'Ehlers-Danlos ?
Dans tous les SED, on retrouve la triade caractéristique : hyperlaxité articulaire, hyper-élasticité de la peau (peau très extensible) et fragilité des tissus, responsable de douleurs chroniques qui peuvent impacter fortement la qualité de vie des malades. Toutefois, les syndromes d'Ehlers-Danlos sont des maladies hétérogènes, à la fois sur le plan clinique et sur le plan génétique. Selon le gène muté, les symptômes cliniques seront différents. On peut observer par exemple :
► Des signes sur la peau :
- Des vergetures très anormales (sans raison particulière)
- Des ecchymoses (bleus) apparaissent très facilement (sans traumatisme)
- Des plaies faciles (peau qui va s'ouvrir très facilement) et qu'on va avoir du mal à suturer (déchirures pendant la suture, réouverture de cicatrices...)
- Une lenteur de cicatrisation
- Des hématomes très profonds et anormaux
► Des signes ostéo-articulaires :
- Hyperlaxité articulaire (extrême souplesse) "Nous avons travaillé sur un tutoriel sur l'hyperlaxité disponible sur la Filière OSCAR, pour mieux comprendre ce qu'est l'hyperlaxité", précise notre interlocutrice.
- Entorses ou luxations à répétition (avec apparition de douleurs chroniques...)
- Scoliose qui peut être évolutive
- Déformation des pieds ou des doigts (pieds plats, doigts en col de cygne)
- A la naissance, luxation congénitale de hanche
► Le tissu conjonctif étant partout dans le corps, d'autres signes ou complications peuvent être évocateurs d'un SED :
- Fragilité au niveau du côlon
- Fragilité au niveau pelvien (prolapsus pelvien)
- Pneumothorax
- Fragilité des parois (hernie inguinale)
- Complications artérielles (anévrismes, dilatation de l'aorte, valvulopathies cardiaques...)
- Anomalies bucco-dentaires...
C'est quoi le syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile ?
Le syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile est le plus fréquent représentant environ 90% des cas de SED, avec une prévalence estimée à environ 1 pour 5 000. Il se manifeste par une hypermobilité articulaire généralisée, une instabilité articulaire et des douleurs chroniques. Il s'y associe d'autres signes cliniques : cutanés, cardiovasculaires… Une grille de critères cliniques a été proposée par le Consortium International (EDS Society) pour poser le diagnostic.
Les syndromes d'Ehlers-Danlos sont des maladies héréditaires.
C'est quoi le syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire ?
Le syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire est beaucoup plus rare, avec une prévalence estimée à 1 sur 100 000 à 200 000. Il expose à des complications particulièrement graves comme un risque de dissection artérielle, de pneumothorax, de perforation du côlon ou de rupture utérine pendant la grossesse. Les syndromes d'Ehlers-Danlos vasculaires sont pris en charge dans le Centre de référence des Maladies Vasculaires Rares, coordonné par l'équipe de l'Hôpital européen Georges Pompidou, car ce sont des patients qui vont avoir besoin d'un plateau technique spécifique.
Quel est le mode de transmission d'Ehlers-Danlos ?
Les syndromes d'Ehlers-Danlos sont des maladies héréditaires. Les mutations peuvent être héritées d'un ou des parents selon le type. Mais certaines mutations peuvent apparaître "de novo", c'est-à-dire chez un individu dont aucun des parents ne la possède dans son patrimoine génétique. "Le mode de transmission varie en fonction du type de SED (autrement dit, selon le gène muté). Le plus souvent, on observe une transmission autosomique dominante : il y a un risque de transmission de 50% à la descendance. C'est notamment le cas pour les SED classique et vasculaire", indique notre interlocutrice.
A quel âge le syndrome d'Ehlers-Danlos se manifeste-t-il ?
"En général, les symptômes apparaissent dès l'enfance, plus ou moins précocement selon le type de SED. Déterminer un âge moyen est compliqué car il est variable en fonction du type, d'autant qu'on sait que les enfants de moins de 6 ans sont généralement plus laxes que les personnes plus âgées, donc l'hyperlaxité ne va pas forcément interpeller. Ce qui va interpeller, ce sont plutôt les déformations comme les scolioses, une fragilité de la peau ou les atteintes vasculaires par exemple", décrit le Dr Benistan.
Test : comment diagnostique-t-on le syndrome d'Ehlers-Danlos ?
Pour chaque type d'Ehlers-Danlos, le consortium de la classification de New York a établi les critères diagnostiques concernant les manifestations cliniques. Aussi, parmi les 13 types de syndromes d'Ehlers-Danlos, 12 sont éligibles à un test génétique qui permet de confirmer formellement le diagnostic. "Néanmoins, il reste un type de syndrome d'Ehlers-Danlos, qui pourtant est le plus fréquent (SED hypermobile) pour lequel il n'existe pas encore de test confirmant le diagnostic. Cela expose donc à un risque d'erreur de diagnostic car ce dernier repose uniquement sur une grille de critères cliniques (checklist des critères de diagnostic officielle disponible sur le site de The Ehlers-Danlos Society, en anglais), toujours définis par le consortium de la classification de New York. Pour le moment, les bases moléculaires ne sont encore pas bien connues même s'il y a des recherches en cours", détaille notre spécialiste. Enfin, les médecins peuvent évoquer un "désordre du spectre de l'hypermobilité" en présence d'un patient qui a des symptômes qui ressemblent à ceux des SED, mais qui ne présentent pas l'ensemble des critères pour pouvoir affirmer qu'il s'agisse d'un SED. Ces patients sont à surveiller car les symptômes peuvent évoluer.
"Il n'y a pas de traitement spécifique pour le moment. La prise en charge est symptomatique"
Quels sont les traitements du syndrome d'Ehlers-Danlos ?
Une fois que le diagnostic est posé, il y a une prise en charge adaptée à chaque type de SED. "Il n'y a pas de traitement spécifique pour le moment. La prise en charge est symptomatique. Elle consiste en une approche pluridisciplinaire adaptée au patient", explique le Dr Benistan. Elle repose principalement sur le soulagement des troubles ostéo-articulaires et des douleurs chroniques en associant des méthodes médicamenteuses (antalgiques pris selon les recommandations de bon usage, ou traitements locaux) et non médicamenteuses (rééducation chez un kinésithérapeute, approches complémentaires : balnéothérapie, cures thermales...), ainsi que la prescription de matériels spécifiques (orthèses de contention, orthèses plantaires, TENS, ceinture lombaire, bas de contention...) si besoin. En cas de douleurs aiguës, le médecin peut prescrire des antalgiques pour éviter qu'elles n'évoluent en douleurs chroniques. "La kinésithérapie est centrale dans la prise en charge car elle permet d'améliorer le renforcement musculaire, de retrouver de bonnes postures et de travailler la proprioception (perception que nous avons de notre positionnement articulaire dans l'espace), sens souvent perturbé chez les patients hyperlaxes. Le patient peut également consulter un psychomotricien et/ou un ergothérapeute (qui va intervenir pour aménager l'environnement du patient). Le patient peut parfois être adressé à un Centre d'évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD) afin de bénéficier d'une prise en charge globale (douleurs, prise en charge psychologique) et d'éviter de surmédicaliser des patients avec des traitements (dérivés morphiniques par exemple) à risque d'effets secondaires. La question de la chirurgie orthopédique doit être envisagée avec des chirurgiens experts de ces pathologies afin d'éviter les complications et les échecs". Enfin, en raison de l'atteinte généralisée du tissu conjonctif, le suivi peut exiger de recourir à diverses spécialités médicales : angiologie, cardiologie, chirurgie cardio-vasculaire, génétique médicale, gynécologie, neurologie, ophtalmologie, pneumologie, radiologie, rhumatologie, odontologie, ORL...
Le syndrome d'Ehlers-Danlos est-il reconnu comme ALD ?
Le syndrome d'Ehlers-Danlos n'est pas une affection de la liste des 30 ALD conçue par l'Assurance maladie et officialisée par décret après avis de la Haute Autorité de Santé. Cette liste dresse les pathologies comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, pouvant ainsi bénéficier d'une prise en charge à 100 %. A l'heure actuelle, le Syndrome d'Ehlers-Danlos peut relever d'une ALD Hors-Liste sous certaines conditions. Il faut en faire la demande auprès de la CPAM.
L'activité physique est primordiale pour améliorer le renforcement musculaire et articulaire.
Peut-on faire du sport avec le syndrome d'Ehlers-Danlos ?
L'activité physique doit être maintenue, adaptée à la pathologie et encadrée. "C'est important que le patient conserve une endurance et une capacité à travailler son activité cardiaque et pulmonaire. Mais aussi, l'activité physique est primordiale pour améliorer le renforcement musculaire et articulaire", insiste le Dr Benistan. Les sports doux sont particulièrement indiqués comme la marche, la natation, le vélo… En revanche, les exercices qui sollicitent de grands efforts musculaires (musculation), les efforts qui nécessitent des accélérations puis des décélérations rapides (tennis, squash, handball) ou des torsions (golf) ou les sports de contact ou à risque élevé de choc (lutte, boxe, karaté, rugby) sont plutôt à éviter (ou à pratiquer avec l'avis d'un médecin).
Quelle est l'espérance de vie avec un SED ?
L'espérance de vie des personnes atteintes de SED est, en général, normale, en dehors de certains SED rares qui exposent à une grande fragilité tissulaire et en particulier à des complications vasculaires (SED vasculaire…).
Merci au Docteur Karelle Benistan, Centre de référence des syndromes d'Ehlers-Danlos non vasculaires - Hôpital Raymond Poincaré à Garches.
Sources : Site The Ehlers-Danlos Society / OSCAR : filière santé des maladies rares / Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) Syndromes d'Ehlers-Danlos Non Vasculaires, Haute Autorité de Santé