Oesophagectomie : indications, technique, complications
L'œsophagectomie est l'intervention chirurgicale qui consiste à retirer tout ou partie de l'œsophage, souvent chez des patients atteints d'un cancer. Éclairage avec le Professeur Stéphane Bonnet, chirurgien viscéral et digestif, exerçant à l'Institut Mutualiste Montsouris (IMM), à Paris.
Définition : qu'est-ce que l'œsophagectomie ?
L'œsophagectomie est une opération chirurgicale qui consiste à enlever une partie ou l'entièreté de l'œsophage, ce conduit organique du système digestif qui relie le pharynx à l'estomac.
Quelles sont les indications ?
"L'œsophagectomie est principalement indiquée pour les cancers de l'œsophage. L'intervention est pratiquée afin de retirer la tumeur maligne, ses cellules attenantes, et les ganglions autour", indique le Professeur Stéphane Bonnet, spécialisé dans la chirurgie minimale invasive de l'estomac et de l'œsophage.
Comment se préparer à l'intervention ?
"Lorsque les patients sont atteints d'un cancer, ils doivent suivre un traitement par chimiothérapie, parfois avec de la radiothérapie associée, souvent quatre cycles espacés de quinze jours chaque fois, avant cette intervention", explique d'abord le chirurgien viscéral et digestif. Pour ces traitements, les patients sont accueillis dans un hôpital de jour d'oncologie, où ils sont soutenus par des psychologues spécialisés dans l'accompagnement des malades. Ces derniers participent aussi aux consultations d'annonce de diagnostic d'un cancer et du projet thérapeutique. "Lors de l'intervention, le chirurgien va devoir approcher à la fois par l'abdomen et par le thorax. Il va affaisser le poumon - qui sera ensuite regonflé - pour accéder à l'œsophage, derrière ce poumon", développe ensuite le médecin interrogé. Cet affaissement, ainsi que le gonflement qui suit, peut fragiliser le poumon. Avant l'opération, les patients sont donc préparés à travailler leur respiration par un kinésithérapeute, qui leur fait faire des exercices respiratoires et leur apprend à gonfler leurs poumons. Les médecins réalisent également des bilans en amont de l'intervention pour vérifier qu'il n'y ait pas de problèmes de fonctionnement de leur poumon. Ces préparations détaillées par le Professeur Stéphane Bonnet débutent entre quinze jours à trois semaines avant l'opération. Le patient doit arriver à l'intervention non dénutri. Pour vérifier que ce dernier est bien alimenté, il doit faire une prise de sang. Les médecins pourront ainsi observer si tous les marqueurs de nutrition sont normaux, et dans le cas où ils ne le seraient pas, corriger l'alimentation du patient avant l'œsophagectomie.
Comment se déroule l'intervention ?
"En plus de l'anesthésie générale, les anesthésistes réalisent une péridurale entre les omoplates", informe le spécialiste. "Tout est mis en œuvre pour que le patient n'ait pas mal après l'opération. Car s'il n'a pas mal, il va mieux respirer, et n'aura pas de complications au niveau du poumon." Une fois que l'anesthésiste a endormi le patient, a mis en place tous les tuyaux et fait la péridurale, le chirurgien sénior, accompagné d'un interne, d'une infirmière de bloc opératoire, et parfois d'un autre assistant ou d'un autre interne, démarre l'intervention par une coelioscopie (des petites incisions). Cette première étape dure environ trois heures. "Ensuite, l'équipe sur le champ opératoire referme les petits orifices, retire tous les champs stériles, et positionne le patient sur la tranche gauche, pour qu'il soit libéré au niveau du thorax et du poumon droit", poursuit le Professeur Stéphane Bonnet. Une seconde étape d'environ trois heures également commence ensuite. Cette intervention, en deux temps, dure au total entre 6 et 7 heures.
Qu'est-ce que la technique du Stripping ?
"L'œsophagectomie avec stripping est une technique qui consiste à aller chercher l'œsophage à son début, au niveau du cou, et à sa fin, au niveau du ventre. On ouvre pour repérer l'œsophage de chaque côté, et puis on le tire", décrit le Professeur spécialisé dans la chirurgie minimale invasive de l'estomac et de l'œsophage. Ce dernier précise que cette technique est très rarement utilisée. Elle est réalisée dans l'urgence pour des patients qui ont bu des produits tels que de l'eau de Javel ou de la soude caustique (soit par erreur, souvent par les enfants, ou volontairement par des personnes qui ont tenté de mettre fin à leurs jours), qui va brûler leur œsophage qui ne fonctionnera plus, et qu'il faut donc enlever.
Qu'est-ce que la technique de Lewis-Santy ?
La technique de Lewis-Santi, consiste, quant à elle, à retirer une partie de l'œsophage lorsque le patient est atteint d'un cancer. Le Professeur Stéphane Bonnet décrit chaque étape de cette technique utilisée pour la majorité des interventions : "Dans un premier temps, le chirurgien accède par le ventre, où il va préparer la jonction entre l'œsophage et l'estomac, puis libérer l'estomac et faire de l'estomac restant un tube. Ensuite, il va mettre le patient sur le côté gauche, ouvrir son thorax entre les côtes, affaisser le poumon, c'est-à-dire, enlever l'air du poumon, pour accéder, derrière, à l'œsophage et retirer le bas de cet œsophage. Il va ensuite remonter l'estomac restant dont il avait fait un tube pour le raccorder à la partie restante de l'œsophage."
Œsophagectomie partielle ou totale ?
Il s'agit, dans le cas de l'intervention de Lewis-Santy, d'une œsophagectomie partielle, puisque seule la partie basse de l'œsophage est enlevée. Mais il existe autre un type d'œsophagectomie, totale cette fois : "l'intervention de Mac Keown ", citée par l'interviewé. "L'œsophage est enlevé en entier quand la lésion est située plus haut. L'estomac, qui était une poche dont on a fait un tube, va là être remonté jusqu'au cou pour faire le raccordement à ce niveau-là", explique-t-il clairement.
Quels sont les risques et les complications ?
Une infection des poumons et une mauvaise cicatrisation sont les deux plus fréquentes complications. Le poumon, déjà fragilisé par le passif du patient atteint d'un cancer si celui-ci est ou était fumeur, peut être fatigué par le fait d'avoir été dégonflé puis regonflé lors de cette intervention. C'est le risque que redoute le plus l'équipe soignante et que cite plusieurs fois lors de l'entretien l'éminent spécialiste. Celui-ci explique qu'il arrive aussi que parfois, l'anastomose, c'est-à-dire la couture qui lie l'œsophage restant et le morceau d'estomac monté, ne cicatrise pas complètement d'emblée. Il faut là le détecter et le traiter. Le patient reste alors plus longtemps à l'hôpital après l'opération, et parfois sous antibiotiques, et à jeun, le temps de la cicatrisation.
Quelles sont les suites opératoires ?
"Le patient reste en général entre douze et quinze jours après l'opération à l'hôpital : une première semaine en surveillance intensive, en unité de surveillance continue (USC), où sa respiration est observée. Et puis, si tout va bien, il remonte dans un service d'hospitalisation classique, où il rencontre des diététiciens et prend le temps de se ré-alimenter", détaille le Professeur Stéphane Bonnet. Ce dernier ajoute que si le patient a subi une œsophagectomie pour un cancer, alors, il sera suivi après cette opération en consultation durant cinq ans, minimum. Un suivi intensif les deux premières années, soit, une fois par trimestre, et puis, les rendez-vous peuvent être plus espacés les trois années restantes. "Tous les examens qu'il va faire en rapport avec son cancer vont être intégralement pris en charge par l'Assurance maladie, pour une durée de cinq ans", tient à préciser le chirurgien viscéral et digestif.
Quelle alimentation après une œsophagectomie ?
Lorsque les patients quittent l'hôpital, ils doivent s'en tenir à une alimentation adaptée. Ils doivent, premièrement, surveiller la texture des aliments, manger du mou et du mixé. Ils doivent également "fractionner" : "Il leur ait demandé de diminuer le volume des trois principaux repas journaliers, et faire des grignotages, des goûters, pour avoir cinq-six petits repas par jour, et ainsi ne pas trop mettre en tension la nouvelle construction." Ce régime alimentaire dure environ quatre à six semaines. Et au Professeur de rassurer : "À terme, entre six mois et un an après l'intervention, les patients mangent quasi-normalement."
Merci au Professeur Stéphane Bonnet, chirurgien viscéral et digestif, exerçant à l'Institut Mutualiste Montsouris (IMM), à Paris.