Lobotomie : définition, pourquoi, effet, loi en France

La lobotomie est une intervention chirurgicale indiquée dans le traitement de certaines pathologies mentales, qui n'est aujourd'hui plus pratiquée en France. Transorbitale, pic à glace... Quelle est la technique ? Les effets et les conséquences ? Est-elle interdite ou encore autorisée ?

Lobotomie : définition, pourquoi, effet, loi en France
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Définition : qu'est-ce qu'une lobotomie ? 

La lobotomie est une intervention chirurgicale indiquée dans le traitement de certaines pathologies mentales. L'opération consiste à détruire totalement ou partiellement la substance blanche des lobes frontaux qui les connectent au reste du cerveau. Après les essais du psychiatre suisse Gottlieb Burckhardt sur plusieurs patients de l'asile qu'il dirigeait à la fin du 19e siècle, la neurochirurgie émerge véritablement en 1935 avec Egas Moniz. "Ce neurologue portugais - célèbre pour ses travaux sur l'angiographie cérébrale - formulera l'hypothèse que 'les troubles mentaux doivent être en relation avec la formation de groupements cellulo-connectifs plus ou moins fixes (…) Pour guérir ces malades, il faut détruire les arrangements de connexions qui doivent exister au niveau des lobes frontaux'", rappelle sur son site internet le neurochirurgien Marc Lévêque, spécialiste du traitement de la douleur. C'est après la seconde guerre mondiale que la lobotomie connaît un véritable essor aux Etats-Unis sous l'impulsion du neurologue Walter Freedman.

Pourquoi faire une lobotomie ?

Le recours à la lobotomie a connu un pic après-guerre. Le monde est sous le choc des horreurs de la guerre et la médecine ne dispose alors d'aucun traitement médicamenteux pour soulager les troubles psychiatriques parmi lesquels :

  • la schizophrénie
  • l'épilepsie
  • les dépressions sévères
  • les troubles obsessionnels compulsifs sévères

Les indications de la lobotomie se sont ensuite étendues au traitement de la douleur. "Les indications se sont ensuite étendues pour traiter des douleurs cancéreuses ou des névralgies de toutes sortes, ainsi que certaines hémorragies digestives ou des pathologies plus floues, dont l'indication chirurgicale a pu être influencée par les familles", explique Louis-Marie Terrier, Marc Lévêque, Jean-Gaël Barbara et Aymeric Amelot dans leur publication "La lobotomie frontale : histoire de l'un des techniques chirurgicales les plus controversées" (janvier 2021). La plus célèbre patiente traitée par lobotomie à visée antalgique est l'argentine Eva Peron, Evita, lobotomisée à 33 pour un cancer du col de l'utérus.

Quels sont les effets d'une lobotomie ?

L'effet recherché par la lobotomie est : "Obtenir l'apaisement chez l'aliéné", note les auteurs de "La lobotomie frontale : histoire de l'un des techniques chirurgicales les plus controversées". On espérait une meilleure adaptation sociale du patient. "Les effets secondaires fréquents de la lobotomie étaient l'apathie et l'indifférence de l'opéré. Les médecins de Stockton aux États-Unis transformaient ainsi les séquelles neurologiques de la chirurgie en mesure d'efficacité, l'objectif étant d'obtenir le calme au sein du département de psychiatrie", écrivent Louis-Marie Terrier, Marc Lévêque, Jean-Gaël Barbara et Aymeric Amelot. Les effets secondaires de la lobotomie ont donc ainsi été érigés comme preuve de la réussite du traitement.

Comment cela se déroule ?

La leucotomie frontale d'Egas Moniz :

La technique consistait "à déconnecter une partie des lobes préfrontaux du reste du cerveau à l'aide d'un stylet après réalisation de deux trous de trépan. La première intervention sera réalisée le 12 novembre 1935, chez une femme souffrant de mélancolie et de délire paranoïaque", explique Marc Lévêque dans son article "Le renouveau d'une discipline controversée, la psychochirurgie" (2014) 

La lobotomie transorbitaire a été mise au point par le psychiatre italien Fiamberti puis pratiquée massivement par l'américain Walter Friedman. "Freeman procédera à une simplification de la technique afin de la rendre réalisable en ambulatoire. À l'aide d'un "pic à glace" (orbitoclaste, ndlr), il va, après avoir soulevé la paupière supérieure, perforer le toit de l'orbite et sectionner la base des lobes frontaux. Malgré un nombre élevé de complications hémorragiques ou infectieuses, la leucotomie transorbitaire connaîtra le succès auprès de ses confrères neuropsychiatres et sera, dans un premier temps, applaudie par les médias de l'époque", explique Marc Lévêque. La lobotomie s'impose aux Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale au point d'atteindre près de 20.000 interventions en juin 1951. La plus célèbre patiente de Freedman est Rosemary Kennedy, la sœur du futur président, lobotomisée en 1941 à 23 ans à la demande de son père. Elle ressort de l'opération lourdement handicapée. Pourtant, Walter Freeman revendique avoir pratiqué 3439 lobotomies. Il est parvenu a convaincre de nombreux psychiatres de son bien-fondé, affichant pourtant un taux de mortalité de l'ordre de 14% et de nombreuses séquelles irréversibles.

Est-ce autorisé ou interdit en France ?

Aucun texte n'interdit définitivement la lobotomie en France.

Aujourd'hui l'un des traitements les plus décriés de l'Histoire de la médecine moderne, la lobotomie a décliné brutalement après la découverte des premiers neuroleptiques et antidépresseurs mais aussi en raison des lésions cérébrales irréversibles responsables de lourdes séquelles pour les patients. Rare, la lobotomie restera toutefois pratiquée en France jusque dans les années 80, puis totalement abandonnée. Toutefois aucun texte n'interdit définitivement la lobotomie en France. Le seul texte officiel est la recommandation 1235 formulée par le Conseil de l'Europe. "La lobotomie et la thérapie par électrochocs ne peuvent être pratiquées que si le consentement éclairé a été donné par écrit par le patient lui-même ou par une personne choisie par le patient pour le représenter, soit un conseiller soit un curateur, et si la décision a été confirmée par un comité restreint qui n'est pas composé uniquement d'experts psychiatriques". Dans le monde, elle est encore pratiquée dans certains états américains notamment, mais, beaucoup plus précise et encadrée, elle n'a plus grand-chose à voir avec la lobotomie des années 40 et 50.

Après une lobotomie : quelles conséquences ?

"Des milliers de patients furent lobotomisés à travers le monde avec de lourdes conséquences sur leur personnalité et sur le respect de la dignité humaine", écrivent Louis Marie Terrier, Marc Lévêque, Jean-Gaël Barbara, Aymeric Amelot. Extrêmement traumatisante, la lobotomie peut provoquer un changement radical de la personnalité du patient, l'apparition de trouble psychiatriques, des handicaps moteurs parfois très lourds.

Sources :