Hépatite infantile aiguë : 2 virus (connus) en cause ?

Hépatite infantile aiguë : 2 virus (connus) en cause ?

On en sait plus sur la mystérieuse épidémie d'hépatites aiguës qui a sévi chez des jeunes enfants au printemps dernier en Europe, notamment en France et au Royaume-Uni. De récentes études pointent du doigt une co-infection à deux virus fréquents chez l'enfant. Lesquels ?

On en sait un peu plus sur la mystérieuse épidémie "étrange et alarmante" d'hépatites infantiles, de cause inconnue qui est apparue au printemps 2022 dans le monde, y compris en France. En effet, plusieurs centaines de cas d'hépatites aiguës avaient été signalé chez des enfants en bonne santé. Parmi les symptômes d'alerte qui ont été mentionnés, on retrouvait : une jaunisse, des diarrhées, des vomissements et des douleurs abdominales... Alors que sait-on sur l'origine de ces hépatites ? Le rapport de 3 études (une écossaise, une anglaise et une américaine) publié le 30 mars 2023 dans la revue Nature, apportent un début de réponse et pointent du doigt le virus adéno-associé de type 2 (AAV2) qui a été retrouvé à des niveaux élevés chez 93 % des enfants atteints aux États-Unis, 81 % en Écosse et 96,4 % en Angleterre. Quand il est seul, ce virus n'entraîne pas de maladie car le système immunitaire de l'enfant se défend. Pour se répliquer dans les cellules du foie, il a besoin d'un autre virus dit "auxiliaire". Là aussi, des pistes sont avancées. Chez 13 enfants américains sur 14, des virus d'Epstein-Barr ou des virus de l'herpès humain (HHV-6B) ont été détectés. Chez les enfants britanniques, ces mêmes virus de l'herpès et des adénovirus ont été identifiés à de faibles niveaux. Aussi, chez tous les enfants étudiés, les chercheurs écossais ont identifié un gène impliqué dans l'identification des cellules infectées par le système immunitaire, ce qui constituerait un facteur de risque à l'apparition d'hépatite aiguë. 

Combien de cas d'hépatites infantiles dans le monde ?

Les hépatites semblent davantage toucher les moins de 10 ans. Le dernier bulletin de Santé publique France (1er octobre 2022) indique :

  • Au 29 septembre 2022, 555 cas d'hépatite aiguë d'origine inconnue chez des enfants âgés de 16 ans ou moins ont été rapportés par 20 pays de l'Union Européenne et de l'Espace Economique Européen (277 cas) et le Royaume-Uni (278 cas). 44 nouveaux cas ont été rapportés par rapport au bilan du 25 août avec une diminution importante et continue du nombre de cas rapportés.
  • Au 8 juillet 2022, un total de 1 010 cas probables ont été rapportés par 35 pays dans cinq régions OMS, sans qu'il soit possible à l'heure actuelle, de savoir s'ils représentent un excès de cas ou s'il s'agit du nombre habituel de cas dans la plupart des pays.

Combien de cas d'hépatites infantiles en France ?

Au 1er octobre 2022, 10 cas possibles ont été signalés par les équipes médicales, en lien avec Santé publique France, indique l'autorité de santé dans son communiqué. "Les cas d'hépatite aiguë d'étiologie indéterminée chez l'enfant ne sont pas rares. La survenue de ces deux cas n'est pas inattendue et ne témoigne pas, à ce stade, d'un excès de cas en France.", poursuit l'autorité sanitaire. 

Définition d'un cas possible d'hépatite aiguë (mis à jour le 23 mai 2022)

► Enfant âgé de moins de 18 ans, se présentant pour une hépatite aiguë avec cytolyse (ASAT et/ou ALAT) > 500 UI/L, depuis le 1er janvier 2022, pour lequel est retrouvé :

  • Une infection par un Adénovirus ou un SARS-CoV-2 ;

OU

  • Aucune étiologie (confirmée ou fortement suspectée) après un bilan de première intention comprenant la recherche :

- D'une hépatotoxicité liée à un médicament recensé sur le site international " LiverTox ": https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK547852/ ;

- D'une infection par un virus classiquement responsable d'hépatite aiguë : VHA, VHB, VHC, VHD, VHE, HSV ;

- D'une hépatopathie (déficit en a1AT, maladie de Wilson, hépatite auto-immune, cholestase intrahépatique familiale progressive), d'une maladie métabolique, d'une leucémie aiguë, d'un foie de choc, d'une hépatite hypoxique (anoxo-ischémie néonatale notamment), d'une cause traumatique

Ces cas d'hépatite sont-ils graves ?

"Il s'agit d'un phénomène grave [qui touche] des enfants en bonne santé", a insisté Deirdre Kelly, hépatologue pédiatrique au Birmingham Children's Hospital au Royaume-Uni, cité par la revue Science. Parmi tous les cas recensés, 17 enfants ont eu besoin d'une transplantation hépatique. Au moins un décès a été déclaré

"L'adénovirus ou le virus du Covid ne sont pas des virus connus pour attaquer les cellules du foie et engendrer des vraies hépatites"

Quelles sont les causes possibles de ces hépatites aiguës chez l'enfant ?

L'hypothèse principale actuelle est qu'un cofacteur affectant les jeunes enfants ayant une infection à adénovirus, qui serait bénigne dans des circonstances normales, mais qui peut déclencher une infection plus grave ou du foie. En effet, trois études (une écossaise, une anglaise et une américaine) publiées le 30 mars 2023 dans la revue Nature, ont mis en évidence le rôle du virus adéno-associé de type 2 (AAV2), retrouvé à des niveaux élevés chez 93 % des enfants malades aux États-Unis, 81 % en Écosse et 96,4 % en Angleterre. Seul, ce virus n'entraîne pas de maladie. Il peut se répliquer dans les cellules du foie mais pour cela, il a besoin d'un autre virus dit "auxiliaire" qui pourrait être un des virus d'Epstein-Barr, des virus de l'herpès humain (HHV-6B) ou encore un adénovirus. Par ailleurs, les chercheurs écossais ont identifié un gène impliqué dans l'identification des cellules infectées par le système immunitaire, ce qui constituerait un facteur de risque à l'apparition d'hépatite aiguë. D'autres agents infectieux ou toxiques (par exemple le Covid) sont toujours à l'étude et n'ont pas été exclues mais sont considérées comme moins plausibles. "Les hépatites d'origine indéterminée, ça existe toujours. Même si on réalise tous les examens et qu'on balaye toutes les causes connues, il reste toujours des cas inexpliqués. Mais il faut bien éliminer les causes les plus importantes, pour trouver un traitement et pour garantir un bon pronostic vital", nous confiait le Pr Patrick Marcellin, hépatologue, que nous avions interviewé le 22 avril 2022.

Les virus de l'hépatite (A, B, C, E et D) ont été exclus après des tests de laboratoire tandis que d'autres enquêtes sont en cours pour comprendre l'étiologie de ces cas, indique l'OMS. "L'augmentation est inattendue et les causes habituelles ont été exclues", indiquait le Bureau régional de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l'Europe dans un communiqué du 15 avril 2022. "Les premières enquêtes épidémiologiques sur des cas au Royaume-Uni basées sur des questionnaires de chalutage n'ont pas permis d'identifier une exposition commune notable (y compris des aliments, des médicaments ou des toxines)", indiquait de son côté le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC), le 28 avril 2022. 

Le Covid à l'origine de ces hépatites ?

Le Sars-CoV-2, virus responsable du Covid, a également été détecté chez plusieurs enfants (au moins dans 20 cas parmi les enfants testés). Toutefois, ce n'est qu'une hypothèse : "les preuves sont trop minces pour résoudre le mystère", indiquent chercheurs et médecins. "L'adénovirus ou le virus du Covid sont des virus qui peuvent donner une petite élévation des transaminases, reflétant l'impact de l'infection virale. En revanche, ce ne sont pas des virus connus pour attaquer les cellules du foie et engendrer des vraies hépatites", détaille le Pr Patrick Marcellin, hépatologue, interviewé par le Journal des Femmes Santé le 22 avril 2022. En effet, le syndrome clinique parmi les cas identifiés est une hépatite aiguë (inflammation du foie) avec des enzymes hépatiques nettement élevées (aspartate transaminase (AST) ou alanine aminotransaminase (ALT) supérieurs à 500 UI/L). De nombreux cas ont signalé des symptômes gastro-intestinaux, notamment des douleurs abdominales, de la diarrhée et des vomissements précédant la présentation d'une hépatite aiguë sévère et une jaunisse. La plupart des cas n'avaient pas de fièvre. Une caractérisation génétique des virus doit être entreprise pour déterminer toute association potentielle entre les cas. Cette épidémie d'hépatites fait à ce jour toujours l'objet d'une enquête active.

Quelle prise en charge pour une hépatite infantile ?

Selon la conduite à tenir élaborée par Santé publique France (mis à jour le 23 mai 2022), toute hépatite aiguë avec ASAT et/ou ALAT > 500 UI/L chez un enfant doit conduire à la réalisation d'un bilan étiologique de 1ère intention complet, à la recherche d'une étiologie, en particulier infectieuse, toxique, immuno-hématologique, auto-immune, métabolique, vasculaire ou d'une hépatopathie chronique. Aucune hypothèse ne doit être écartée d'emblée. Ce bilan étiologique doit notamment reposer sur des prélèvements sanguins, respiratoires, urinaires, de selles et issus d'une biopsie hépatique (idéalement). L'ensemble de ces prélèvements doivent être conservés dans des conditions optimales pour des recherches ultérieures, en particulier métagénomique. A l'issue du 1er bilan étiologique  :

  • Si la recherche d'adénovirus et/ou de SARS-CoV-2 est POSITIVE (quel que soit le prélèvement) ET qu'AUCUNE autre étiologie n'est retrouvée, le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Les prélèvements doivent être transmis pour analyse métagénomique.
  • Si la recherche d'adénovirus et/ou de SARS-CoV-2 sur les prélèvements respiratoires et/ou de selles est POSITIVE ET qu'UNE autre étiologie est retrouvée (ou fortement suspectée), le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Dans ce cas de figure, il est demandé, dans la mesure du possible, de réaliser une recherche complémentaire de ce ou ces virus sur sang total (tube EDTA, sur un prélèvement antérieur si le cas est déclaré de façon rétrospective) si non réalisée. Des prélèvements doivent également être conservés jusqu'à validation du cas par un groupe multi-disciplinaire, pour éventuelle analyse métagénomique.
  • Si la recherche d'adénovirus et de SARS-CoV-2 est NEGATIVE (quel que soit le prélèvement) ET qu'AUCUNE autre étiologie n'est retrouvée, le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Les prélèvements doivent être transmis pour analyse métagénomique.
  • Si la recherche d'adénovirus et de SARS-CoV-2 sur les prélèvements respiratoires, de selles et si possible sanguins est NEGATIVE ET qu'UNE autre étiologie est retrouvée (ou fortement suspectée), le cas est exclu et ne donne pas lieu à un signalement.
Conduite à tenir pour les cliniciens devant un cas d'hépatite aigüe
Conduite à tenir pour les cliniciens devant un cas d'hépatite aigüe © Santé publique France

Peut-on voyager malgré ces cas d'hépatites ?

Oui. L'OMS ne recommande aucune restriction sur les voyages et/ou le commerce, notamment avec le Royaume-Uni, ou tout autre pays où des cas sont identifiés, sur la base des informations actuellement disponibles.

Quelle prévention pour éviter une hépatite ?

L'exposition féco-orale à des virus tels que les adénovirus est plus probable chez les jeunes enfants, indique le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC). "Nous recommandons donc de renforcer les bonnes pratiques générales d'hygiène (y compris l'hygiène soigneuse des mains, le nettoyage et la désinfection des surfaces) dans les milieux fréquentés par de jeunes enfants"

Sources : Acute hepatitis of unknown aetiology – the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, OMS, 15 avril 2022 / Mysterious hepatitis outbreak sickens young children in Europe as CDC probes cases in Alabama, Science, 15 avril 2022

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