Séances de kiné et cancer du sein : un essentiel soutien

Des séances de kinésithérapie peuvent aider les femmes à mieux supporter les effets secondaires des traitements du cancer du sein, retrouver une féminité et se réconcilier avec son corps. Explications avec Laurence Vidal, kinésithérapeute.

Séances de kiné et cancer du sein : un essentiel soutien
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Souvent, le cancer du sein est associé au choc de l’annonce et aux lourds traitements qu’il engendre. Mais le parcours de la patiente ne s’arrête pas là, car il faut aussi gérer les "effets collatéraux" du cancer du sein, que sont par exemple les difficultés morales, sociales, organisationnelles et parfois financières. Mais aussi surmonter l’après-cancer : la reconstruction physique et psychologique. Pour aider les femmes à mieux supporter les effets secondaires des traitements, invalidants et douloureux, mais aussi pour retrouver une féminité souvent oubliée au fil des traitements, les séances de kiné peuvent être d’une grande aide. Les explications de Laurence Vidal, kinésithérapeute à Toulouse.

Quels sont les bienfaits de la kinésithérapie pendant et après un cancer du sein ?

La rééducation après une chirurgie d’un cancer du sein est une étape importante et indispensable puisqu’elle concerne 100 % des femmes ! Non seulement, elle est utile pour limiter les lymphœdèmes (gonflement du bras) et favoriser la mobilité du bras et de l’épaule. Mais en plus, la kinésithérapie est aussi une aide à la cicatrisation. Car qui dit cicatrice, dit rétraction de la peau, adhérences ou encore brides cicatricielles, lesquelles peuvent entrainer des douleurs, des gênes, voire des déformations du sein dans les tumorectomies. 

Comment se passe la rééducation ? Combien de séances sont généralement nécessaires ?

Lors de cette rééducation, on doit aborder le traitement du thorax, du bras et de l’épaule, puis descendre jusqu’au bassin de façon à libérer un maximum de zones. Si elle est bien réalisée, une à deux séances par semaine suffisent. Théoriquement, si la rééducation est efficace, les patientes doivent avoir progressé à chaque séance. Bien entendu la durée du traitement est en fonction de la nécessité de soins : pour certaines trois séances suffises, pour d’autres il en faudra 30. Le but est que la patiente se retrouve dans son intégrité corporelle, c’est-à-dire qu’elle ne se sente pas mutilée, bancale… et surtout pas douloureuse ! J’ajoute que la rééducation doit également être sans douleur.

Au-delà de ces effets fonctionnels, quels sont les bienfaits de la kinésithérapie sur l’image de soi, la féminité, le bien-être… ?

L’importance de ces séances bien réalisées réside dans la prise en charge globale de la patiente en connaissant tout son parcours de soin et ses conséquences : nous devons être alors à la fois dans le préventif (risque de survenue d’un lymphœdème, de futurs problèmes rhumatologiques sur l’épaule, etc. ), mais également dans le thérapeutique en tenant compte que nous ne devons pas uniquement traiter la zone opérée mais déborder sur tout le thorax, jusqu’au bassin. Cela devient un véritable accompagnement car la patiente se sent alors en sécurité et entendue. Elle peut alors petit à petit se réapproprier ce buste abimé et donc faire la paix avec une féminité tronquée.

C’est aussi l’occasion de donner la parole ouverte aux accompagnants (maris ou conjoints) qui peuvent sans jugement s’exprimer et surtout se rendre compte que l’on peut toucher la zone opérée sans risque… Je vous assure que l’on vit alors de belles histoires émouvantes de guérison mutuelle !

Jouez-vous un rôle particulier pour préparer les femmes à la possibilité d’une reconstruction ?

Oui, nous informons les patientes sur les possibilités de reconstruction et nous les encourageons à, au moins, prendre un rendez-vous avec un chirurgien pour savoir quel type de chirurgie serait possible, afin de pouvoir ensuite murir leur décision.

Lorsqu’une reconstruction mammaire est prévue, un travail spécifique devra lui-être proposé en rééducation afin de préparer la peau (cicatrice et qualités de la peau). Par exemple, lorsqu’il s’agit d’une reconstruction par lambeaux, il est important de préparer en amont les zones de prélèvement. Nous travaillons aussi sur le schéma corporel afin que la patiente accepte le sein reconstruit comme étant le sien. Cela implique donc en amont un travail particulier de deuil et d’acceptation.

Beaucoup trop de femmes ne sont pas informées.

Les séances de kinésithérapie sont-elles prises en charge financièrement ?

Dans tous les cas, la patiente bénéficie d’une ALD (affection de longue durée) durant les 5 ans post cancer du sein, c’est-à-dire que les soins comme la kinésithérapie sont pris à 100% par la sécurité sociale. Néanmoins, certains soins peuvent donner lieu à une tarification particulière car considérés comme hors nomenclature alors qu’ils sont souvent indispensables du point de vue qualitatif. Selon moi, toutes les patientes opérées pour un cancer du sein devraient bénéficier d’au moins 5 séances chez un kinésithérapeute formé et sensibilisé. Elles devraient toutes savoir qu’aucune séquelle, qu’elle soit douloureuse ou fonctionnelle, n’est acceptable et savoir que si un problème survient à un moment donné (lymphœdème par exemple), nous pouvons les aider. Le problème, c’est que beaucoup trop de femmes (environ 60 à 70 %) ne sont pas informées. Une patiente m’a confié un jour avoir l’impression d’être "lâchée dans la nature sans conseils, ni suivi " !   

Alors comment s’informer et être prise en charge correctement ?

Heureusement, les mentalités changent, la médecine évolue et des formations spécifiques existent pour aider ces patientes. Par exemple, la société LPG propose aux kinésithérapeutes équipés de leur machine de suivre une formation de deux jours avec pratique sur patientes réelles volontaires afin de gagner en expertise et efficacité. Il faut savoir en effet que dans le cadre de notre cursus, nous n’avons aucune formation spécifique dédiée au cancer. 

Prenez le temps qu'il vous faut pour vous reconstruire physiquement.

Avez-vous pour finir des conseils pour les femmes qui vous liront ?

Sachez qu’une bonne cicatrisation dépendra à la fois de votre état nutritionnel mais également de votre état psychologique. Ne vous arrêtez pas de vivre après ces épreuves, prenez le temps qu’il vous faut pour vous reconstruire physiquement. Vous pouvez utiliser normalement votre bras vous ne serez aucunement handicapée. Faites du sport avec envie et plaisir, envisagez votre vie avec douceur et compassion, aimez ce sein mutilé comme vous consoleriez un enfant blessé. Et surtout, vivez !