Décomposition du corps : étapes, temps, comment ?
La décomposition, ou putréfaction, est le processus lors duquel un corps privé de vie s'altère et se désagrège. A quel moment le cadavre humain se refroidit-il ? Quand apparaissent les lividités et la rigidité cadavérique ? Le point avec Caroline Rambaud, médecin légiste à l'institut médico-légal de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.
Quelles sont les étapes de décomposition d'un corps humain ?
Le processus de décomposition d'un corps dépend de plusieurs facteurs dont l'hydrométrie, la température environnementale, les vêtements que portent le corps notamment. De façon générale, pour un corps normalement habillé, dans une température ambiante de 20 à 25°, voici les différentes étapes de décomposition : "Ce qu'on observe d'abord, c'est la diminution progressive de la température du corps. Elle reste sur un plateau durant près de deux heures - la température reste égale voire augmente un peu. Ensuite, le corps perd environ 1° par heure", explique Caroline Rambaud, médecin légiste à l'AP-HP.
► Les lividités cadavériques : Il s'agit d'un phénomène de pesanteur. "De couleur rouge lie-de-vin, elles correspondent à l'accumulation du sang dans les parties déclives du corps. Elles apparaissent sur les parties les plus basses. Un corps allongé sur le dos présentera ainsi des lividités sur la nuque, le dos, les fesses et la partie postérieure des jambes et des bras, à l'exception des zones de points d'appui qui resteront blanches. Le sang est à ces endroits chassé des vaisseaux et ne s'accumule pas : omoplates, talons, occipital, fesses, mollets...", développe Caroline Rambaud. Elle précise : "les lividités sont mobiles durant les douze premières heures. Ainsi, si une personne meurt sur le ventre, que le cadavre est déplacé dans les douze première heures, il présentera alors des lividités paradoxales, à la fois sur la partie postérieure et la partie antérieure du corps. On sait alors que le corps a été déplacé, car il n'est pas naturel que la pesanteur agisse des deux côtés du corps de manière naturelle. Au bout de douze à quinze heures, les lividités se fixent et ne peuvent plus apparaître ailleurs".
► La rigidité cadavérique : "elle apparaît au bout de trois à quatre heures. Il s'agit de la toute dernière contraction musculaire des muscles du corps. La position est celle des muscles dominants. Il s'agit des muscles fléchisseurs pour les membres supérieurs - main fléchie, bras replié. Pour les jambes, les extenseurs sont les muscles dominants. On observe alors des pointes de pieds tirées vers l'avant. Pendant les premières heures, elles sont reproductibles, ce qui signifie que si on rompt les rigidités, elles réapparaîtront durant les 10 à 12 premières heures. Ensuite, elles ne se reproduiront plus". Cette rigidité dure 48 heures environ et disparaît ensuite spontanément sauf si le corps est maintenu au froid.
► La putréfaction : il s'agit de la multiplication de germes anaérobies après la mort, depuis l'intestin à l'ensemble du corps. "Ces germes libèrent de la biliverdine (pigment biliaire de couleur verte issue de la dégradation de l'hémoglobine, ndlr) qui colore en vert les intestins puis la paroi musculaire de l'abdomen. Le processus s'étend, d'abord avec des petites taches vertes sur l'abdomen, puis sur l'ensemble de l'abdomen et au fur et à mesure, la totalité du corps devient verte", précise le Dr. Rambaud.
► La circulation collatérale. En parallèle, s'effectue la libération de gaz. "Les bactéries libèrent des gaz dans l'intestin qui font se distendre l'abdomen et diffusent à l'ensemble du corps. Le corps gonfle, les gros vaisseaux (aorte, veine cave, troncs vasculaires) sont comprimés, ce qui chasse le sang en périphérie. Ce phénomène est la circulation collatérale : elle apparaît au troisième ou quatrième jour après le décès", détaille le médecin légiste.
► La putréfaction se poursuit. "Les cellules perdent leur étanchéité, les liquides suintent à travers la peau vers l'extérieur du corps". Les tissus deviennent alors friables, le cadavre se transforme en un amas homogène.
Quel est le temps de décomposition d'un corps ?
"Un corps en extérieur, à une température de 20 à 25°, peut être squelettisé (il ne reste que les os, ndlr) en un mois. En intérieur, mais aussi selon de multiples facteurs, la durée de décomposition est très variable", explique Caroline Rambaud. Température, humidité, vêtements... vont influencer le temps de putréfaction du corps humain.
Température, humidité et vêtements influencent la putréfaction du corps
Le froid interrompt ainsi la majorité des différents processus. Les tissus gèlent et le corps est conservé. Dans un environnement chaud et humide, le phénomène de putréfaction accélère et le corps est liquéfié plus rapidement. Dans une ambiance très chaude et très sèche, le corps se momifie sous l'effet de l'évaporation de l'eau. Les insectes sont également des acteurs importants du phénomène de décomposition. "On retrouve sept à huit escouades d'insectes qui se relaient sur le corps du début de la putréfaction jusqu'à la disparition totale du corps. Les entomologistes peuvent dater la mort d'une dépouille, en analysant la succession des escouades qui activent les différents mécanismes de décomposition", ajoute notre experte.
Comment évolue un corps dans un cercueil ?
"Là encore, cela dépend de plusieurs facteurs, l'étanchéité du cercueil, l'hydrométrie, la profondeur à laquelle le cercueil est enterré notamment", répond le médecin légiste. Si le corps est enterré à faible profondeur, au soleil, la décomposition est accélérée. Elle sera ralentie s'il est profondément enterré, à des températures qui peuvent s'apparenter à celles des chambres froides.
Comment se décompose un corps dans l'eau ?
L'eau ralentit la décomposition
"L'eau étant en général plus froide, elle ralentit la décomposition du corps mais une fois qu'on sort le corps de l'eau, il se décompose alors à toute vitesse". C'est pourquoi il est primordial dans ce type de situation d'effectuer les constatations très rapidement. Notons également, que lors de la libération des gaz, le corps remonte à la surface de l'eau. "C'est pourquoi, les corps sont lestés d'un boulet dans les assassinats mafieux", note Caroline Rambaud.
Pourquoi faut-il fermer les yeux d'un défunt ?
Ce geste ancré dans notre culture n'a pas ou très peu d'impact sur la décomposition de l'oeil du défunt. "Surtout, cela permet de ne plus voir son regard. Sur les yeux apparaît en quelques heures un voile cornéen. Sous l'effet de la déshydratation, l'eau sort du globe oculaire et l'oeil s'aplatit au fond de l'orbite", conclut le Dr. Rambaud.
Merci au Dr Caroline Rambaud, médecin légiste à l'institut médico-légal de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.