Pollution numérique : définition, chiffres, solutions

Le numérique est responsable de 4% des gaz à effet de serre produits dans le monde. Un chiffre qui devrait considérablement augmenter d'ici vingt ans. Quelles sont les causes de la pollution numérique ? Comment réduire sa consommation ? Éléments de réponse avec Inès Leonarduzzi, fondatrice de l'ONG Digital For The Planet.

Pollution numérique : définition, chiffres, solutions
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C'est quoi la pollution numérique ? 

La pollution numérique désigne "tout ce que le numérique produit de nocif, tant sur le plan environnemental, intellectuel que sociétal". Sur le plan environnemental, le secteur informatique peut engendrer des émissions de gaz à effet de serre, l'érosion de la biodiversité, la contamination chimique ou encore la production de déchets électroniques. "Le numérique est un outil fabuleux qui permet des avancées extraordinaires mais en l'état il pollue. Quand le numérique a été placé dans nos mains, ces sujets n'ont pas été traités, structurés. Il est nécessaire de trouver des solutions et de mettre des mots sur ces externalités négatives", alerte Inès Leonarduzzi, fondatrice et présidente de l'ONG Digital For The Planet.

Quelles sont les causes de la pollution numérique ? 

Les principales causes de la pollution numérique sont : 

  • La fabrication des appareils ; 
  • Les usages au quotidien, qui requièrent énergie fossile et d'immenses quantité d'eau ;
  • L'absence de gestion complète du cycle de vie des équipements numériques.

Quels exemples de pollution numérique ? 

  • La production des appareils numériques. Selon l'association Greenpeace, "la fabrication d'un téléviseur exige d'extraire 2,5 tonnes de matières premières, et génère 350 kg de CO₂".  
  • Le streaming. Chaque année, la consommation de vidéos en streaming émet 300 millions de tonnes de CO2 dans le monde. D'après un rapport du Sénat publié en juin 2020, le streaming vidéo représente environ 60% du trafic en France. 
  • La consommation d'eau. Les data center, qui stockent toutes les données produites en temps réel, ont besoin d'être climatisés pour ne pas être en surchauffe. Pour cela, on utilise de l'eau. "Un centre de stockage moyen a besoin de 400 millions de litres d'eau par an. C'est l'équivalent des besoins de trois hôpitaux en une année", explique Inès Leonarduzzi. Les 800 data centers présents en Californie utilisent l'eau de 158.000 piscines olympiques par an. "Ramené à une consommation individuelle, cela équivaut à 2900 litres d'eau par an, soit ce que l'on boit en l'espace de deux an".
  • Les déchets électroniques. Les ordinateurs par exemple sont des produits difficilement recyclables. "Ils sont donc envoyés dans des décharges à ciel ouvert notamment au Gana où des familles entières viennent casser le matériel pour y récupérer les pièces composées d'or ou d'argent afin de les revendre."
  • La 5G. En 2020, le Haut conseil pour le climat estimait dans un rapport que l'arrivée de la 5G allait générer entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes de CO2 en 2030.
  • Les terres rares. Utilisées dans la fabrication de produits technologiques, les terres rares (17 métaux - le scandium, l'yttrium, et les quinze lanthanides - sont très présents dans des pays comme la Bolivie, la RDC ou la Mongolie intérieure. "Leur exploitation impacte les sols et font travailler les habitants dans des conditions sanitaires terribles et des conditions de travail déplorables", alerte Inès Leonarduzzi. 

Les mails ? 

Selon l'Agence de la transition écologique, 8 à 10 milliards d'e-mails sont échangés en une heure au niveau mondial. Le mail transite puis est réceptionné par le data center du fournisseur d'accès du destinataire, qui le traite, le stocke et le retransmet au réseau avant que le destinataire reçoive le message. Un e-mail envoyé représente 20 grammes de CO2 consommés. "L'impact de l'envoi d'un mail dépend du poids des pièces jointes, du temps de stockage sur un serveur mais aussi du nombre de destinataires. Multiplier par 10 le nombre des destinataires d'un mail multiplie par 4 son impact", explique l'Ademe. Cependant, rappelle Inès Leonarduzzi, "même si diminuer ses mails fait objectivement baisser le bilan carbone de chacun, cela reste une action cosmétique. Il faut surtout se concentrer sur la conservation longue de nos appareils, l'achat d'appareils de seconde main, etc…"

Quels sont les chiffres de la pollution numérique en France ? 

D'après un rapport du Sénat en juin 2020, le numérique a été responsable de 2% du total des émissions de gaz à effet de serre et de 15 millions de tonnes de CO2 en France en 2019. Selon le rapport, ce chiffre pourrait passer à 6,7% d'ici à 2040. 

Quels chiffres dans le monde ? 

Selon l'Ademe, et le think thank The shift project, 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde (2018) serait dues au numérique. Le numérique serait également à l'origine de 4,2 % de la consommation mondiale d'énergie primaire. 44 % de ces émissions seraient dues à la fabrication des data centers, des terminaux et des réseaux, puis 56 % seraient dues à leur utilisation. L'Ademe estime qu'une forte augmentation des usages pourrait faire doubler cette empreinte carbone d'ici 2025.

Quelles solutions pour réduire ses effets au quotidien ?

Afin d'amoindrir son bilan carbone numérique, Inès Leonarduzzi conseille : 

  • De conserver les appareils le plus longtemps possible car plus des 2/3 de la pollution numérique environnementale est due à leur fabrication, 
  • D'utiliser le wifi au lieu de la 4G car celle-ci utilise quatre fois plus d'énergie, 
  • De débrancher sa boxe wifi tous les soirs. Ce geste permet d'ailleurs d'économiser 80 à 100 euros sur une année. 

Merci à Ines Leonarduzzi, fondatrice de l'ONG Digital For The Planet et auteure de "Réparer le futur"

Sources :   
- Le guide " La face cachée du numérique " de l'ADEME
- Un rapport du Sénat du 23 juin 2021
- Un rapport du Haut conseil pour le climat 
- The shift project 

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