Syndrome d'alcoolisation fœtale : 4 signes typiques (visage...)
Un tiers des femmes continuent de boire de l'alcool durant la grossesse or l'alcool passe facilement du sang maternel au sang du foetus et est toxique pour lui. Dans les cas les plus sévères, le bébé présentera un syndrome d'alcoolisation foetale à la naissance.
Chaque année en France, environ 15 000 bébés naissent avec des troubles causés par la consommation d'alcool durant la grossesse. D'après les données du gouvernement, un tiers des femmes enceintes continuent de boire de l'alcool durant la grossesse. "On estime en France qu'un enfant sur 100 souffre ou souffrira de troubles causés directement l'alcoolisation fœtale (TCAF), et qu'un enfant sur 1000 naît avec un syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF)", écrit la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Le manque d'informations et de connaissances à ce sujet est flagrant. Le Dr Catherine Maingueneau, pédiatre et addictologue en maternité rappelle que "les professionnels qui suivent les femmes enceintes doivent savoir les informer. Pour cela, ils doivent poser la question de la consommation d'alcool et rappeler le ''Zéro alcool pendant la grossesse'' afin de protéger l'enfant à venir ou de repérer si celui-ci a un risque d'être atteint par l'alcoolisation fœtale".
Qu'est-ce que le syndrome de l'alcoolisation fœtale ?
Le syndrome d'alcoolisation foetale est un ensemble de symptômes observés chez le nouveau-né exposé pendant la grossesse à la consommation d'alcool de sa mère. On distingue :
- les troubles causés par l'alcoolisation foetale (TCAF)
- du syndrome d'alcoolisation foetale complet (SAF)
Tous les alcools sont neurotoxiques au cours de la grossesse (pas de distinction entre les alcools forts ou plus légers comme la bière, le vin ou le Champagne, ils doivent tous être évités). Le bébé peut souffrir de plusieurs dysfonctionnements ou malformations. Le premier à avoir établi un rapprochement entre les symptômes d'enfants malades et la consommation d'alcool de leur mère fut le Dr Paul Lemoine. En 1968, ce médecin nantais décrit, à travers une étude initiée dix ans plus tôt, le tableau clinique de 127 enfants placés en pouponnière, issus de 62 "familles alcooliques" et souffrant du syndrome de l'alcoolisation fœtale. Ces travaux ne seront reconnus qu'en 1985.
Quels sont les 4 signes caractéristiques de ce syndrome ?
Catherine Maingueneau nous explique qu'il existe quatre grands items de syndromes dus à l'alcoolisation fœtale. "Pour chaque enfant, il y a une déclinaison différente. Dans les cas les plus graves, quand la consommation d'alcool est importante, l'enfant souffre d'anomalies présentes dans les quatre items. Il souffre alors d'un syndrome de l'alcoolisation fœtale qui correspond à la forme clinique complète. Il peut aussi ne souffrir que d'une seule atteinte mais celle-ci sera grave s'il s'agit d'une atteinte neurologique" explique-t-elle.
- Le retard de croissance. Celui-ci intervient sur le poids, la taille, le périmètre crânien du bébé ou bien sur les trois lors des formes graves. Ce retard de croissance peut survenir en anténatal pendant la gestation, à la naissance et en post natal pendant toute la croissance de l'enfant. Il peut être tel qu'il nécessite une interruption de la grossesse notamment si le périmètre crânien est si petit qu'il augure d'une atteinte neurologique irréversible et d'une particulière gravité.
- Un faciès particulier. Les enfants souffrant d'alcoolisation fœtale peuvent présenter une dysmorphie faciale dont les signes principaux sont des fentes palpébrales étroites avec des petits yeux, une lèvre supérieure beaucoup plus fine, un philtrum (sillon au-dessus de la lèvre) lisse, long et bombé. "La dysmorphie du faciès s'atténue avec l'âge" précise la pédiatre.
- Des malformations diverses. L'alcoolisation fœtale peut causer des malformations cardiaques, rénales, osseuses (la typique synostose radio-cubitale qui consiste à ce que le radius et le cubitus soient soudés) ou encore des fentes labiales. Les enfants peuvent aussi souffrir de malformations cérébrales comme l'agénésie du corps calleux (le corps calleux permet de relier les hémisphères gauche et droit du cerveau entre eux. Lors d'une malformation du corps calleux, le passage d'une information d'un côté à l'autre devient difficile).
- Des anomalies neurologiques. Les personnes touchées par le syndrome de l'alcoolisation fœtal souffrent plus souvent d'une faiblesse intellectuelle avec un QI de 80-85 en moyenne (la norme se situant entre 70 et 120). Cette déficience neurologique est due à une microcéphalie qui ne permet pas au cerveau de l'enfant de se développer complètement.
"Ces enfants sont souvent petits et chétifs"
Quelles sont les conséquences pour le bébé ?
"Ces enfants sont souvent petits et chétifs et peuvent avoir des déficiences visuelles, auditives, des troubles cognitifs, du langage, du calcul, de la compréhension et du comportement social." L'alcool détruit les cellules et les connexions ce qui entraîne un cerveau mal formé avec des zones anormales comme un cortex insuffisamment développé, mais aussi un cerveau mal connecté. Tout cela explique les troubles de l'intelligence, de l'intégration sociale, du comportement et de l'apprentissage notamment scolaire : trouble de l'attention, difficulté à mémoriser des informations, les procédures, à comprendre le second degré et les choses abstraites, et des dyslexie, dysphasie, dyscalculie… "Ce syndrome est la première cause de handicap neurologique d'origine non génétique" indique la pédiatre. "Des morts in utero se produisent parfois à cause de la consommation d'alcool", ajoute-t-elle. Une fois l'enfant né, on surveille son développement. "Durant les premières années, on le regarde grandir, grossir et on vérifie son périmètre crânien, son développement moteur, cognitif et son apprentissage. Ce qui nous importe le plus, c'est de suivre son développement à long terme. Nous voulons savoir comment il va s'intégrer et se comporter chez lui, en société et à l'école, s'il va apprendre et comprendre de la maternelle, jusqu'au lycée… afin de l'accompagner si besoin pour lui permettre d'être autonome à l'âge adulte."
Peut-on détecter le syndrome d'alcoolisation foetale à l'échographie ?
Toutes les malformations évoquées ci-dessus sont détectables à l'échographie bien qu'elles ne soient pas spécifiques au syndrome de l'alcoolisation fœtale. Pour vérifier s'il y a un lien, "le professionnel de santé doit poser des questions et la mère être en confiance pour rapporter ses consommations. Il est alors important de savoir si la consommation d'alcool a eu lieu durant l'état fœtal ou l'état embryonnaire pour comprendre la malformation est possiblement imputable à la consommation d'alcool", explique Catherine Maingueneau. Le sentiment de culpabilité est souvent très fort chez les mères, notamment lors des cas de déni de grossesse. Il est donc rare qu'elles parlent spontanément et, si elles ne le font pas, le diagnostic de l'alcoolisation fœtale demeure alors une probabilité et non une validation.
Quels sont les traitements ?
"Pendant la grossesse, l'alcool c'est non !"
Il n'existe pas vraiment de traitement pour soigner les troubles causés par la consommation d'alcool durant la grossesse. Les malformations du visage, du cœur ou des reins peuvent être opérées. Pour le retard de croissance, il est nécessaire qu'il soit majeur pour administrer de l'hormone de croissance, ce qui est très rare. Mais concernant les troubles neurologiques, s'il n'y a pas de traitement, il est primordial de diagnostiquer l'origine afin de proposer des aides adaptées comme l'orthophonie, la psychomotricité, l'éducation aux bons comportements à adopter à l'école etc… "Le plus important reste l'information et la prévention. Il faut sensibiliser les femmes mais aussi les jeunes qui seront de futurs parents et rappeler que pendant la grossesse, l'alcool c'est non."
Merci au Dr Catherine Maingueneau, pédiatre spécialisée en néonatalogie, en neuropsychologie de l'enfant et troubles des apprentissages. Elle accompagne des enfants vulnérables ou atteints de ces pathologies au sein du réseau "Grandir Ensemble" du "Réseau Sécurité Naissance" des Pays-de-la-Loire. Elle est également addictologue en maternité à la clinique Jules Vernes, à Nantes, et propose des consultations d'informations ante-natales en lien avec les sage-femmes et les gynécologues obstétriciens de la structure.